Le grand-père des FPS – Wolfenstein 3D (1992)

En 1992, une société lance un jeu révolutionnaire, considéré comme le grand-père de tous les FPS modernes : Id Software fait en effet paraitre Wolfenstein 3D, en nous mettant dans les bottes d’un espion américain s’échappant d’une prison puis attaquant une à une diverses bases nazies tentaculaires remplies de soldats, de mutants et de chiens. Si ce n’est pas le premier jeu en vue subjective qui consiste à massacrer en temps réel des hordes d’ennemis, c’est sûrement celui qui a le plus contribué à faire bouger les lignes, avec son moteur, sa technique, et son gameplay, avant que son successeur, Doom (1993), ne vienne transformer l’essai pour devenir le vrai père du FPS moderne, en éclipsant presque son prédécesseur. Évidemment, je ne pouvais pas laisser celui-ci dans la pénombre. Revenons donc aux origines du jeu de tir à la première personne avec cette rétrospective.

 

 

Les débuts d’Id Software

 

Id Software, comme tout studio, est composé d’individus, et ceux-ci sont arrivés avec de l’expérience. A l’époque, un certain John Romero a déjà produit Dangerous Dave (1990), un jeu de plateforme sur PC. Il rencontre dans la société où il travaille, Softdisk, un certain John Carmack, qui arrive à mettre en place du side-scrolling fluide sur PC. Avec Tom Hall et Lane Roathe, ils fondent tous les quatre le groupe Ideas from the Deep (IFD). Avec un autre employé de leur boite, ils arrivent ainsi à répliquer un niveau de Super Mario pour l’envoyer à Nintendo pour leur montrer qu’un portage PC est possible. Les Japonais sont impressionnés mais ne souhaitent pas faire de portage PC : le groupe est alors contactée par  la boite Apogee Software pour le développement de Commander Keen, un jeu de plateformes avec ce fameux sidescrolling fluide. Romero, Carmack, Hall et le nouveau Adrian Carmack fondent alors Id Software en 1991.

 

Pendant cette année charnière, ils continuent de travailler sur des jeux de plateforme mais aussi sur deux jeux de shoot à la première personne. Si ces FPS ne sont pas les premiers, puisqu’on peut au moins remonter aux graphismes en lignes de Maze War (1974), le moteur utilisé rend le tout fluide et adapté à un jeu d’action. Hovertank 3D vous fait diriger un tank dans des décors tout en rectangle pour sauver des gens et tuer des extraterrestres, tandis que Catacomb 3-D est le troisième opus de la série Catacomb, initialement des shooters en vue de dessus créés en 1989 par toute la fine équipe qui fondera Id Software. C’est donc le premier de cette série à être en vue FPS, qui permet cette fois de faire apparaitre la main du joueur pour projeter des boules de feu sur ses adversaires. Le prochain jeu, vous l’aurez deviné, c’est Wolfenstein 3D, une suite en trois dimensions des jeux Castle Wolfenstein (1981) et Beyond Castle Wolfenstein (1984), deux jeux d’infiltration en vue de dessus. La licence est rachetée quelques milliers de dollars.

 

Id Tech 0

 

Id Software est très connu dans le domaine des moteurs de jeu ou game engine, des moteurs dans lesquels les opérations de base sont déjà codées, permettant aux programmeurs de se concentrer sur l’élaboration du jeu proprement dit. Romero innove avec le ray casting, une technique de représentation 3D qui permet de modéliser à partir du point de vue du joueur un environnement 3D, pour donner une perspective et améliorer la vitesse de calcul, sur des surfaces rectangulaires qui facilitent la fluidité. Wolfenstein 3D et son id Tech 0 incluent donc ceci, en plus du texture mapping, en l’occurrence une sorte de papier peint appliqué aux murs pour les rendre plus complexe visuellement. Contrairement aux vieux FPS ou même au RPG à la première personne Ultima Underworld (1992), ce moteur 3D est donc bien plus fluide. Quant aux sprites d’ennemis, ils sont encore en deux dimensions. Dans le cas de Wolfenstein 3D, ils sont dessinés sur plusieurs faces pour donner l’illusion de se déplacer dans l’univers en 3D.

 

Wolfenstein 3D

 

On arrive donc au jeu proprement dit. Pour information, j’utilise là le port source ou portage source EcWolf, basé en partie sur le port source Zdoom, et qui permet de faire tourner ce vieux soft sur des machines d’aujourd’hui avec des résolutions dignes de ce nom. On est accueilli par rien de moins que…l’hymne nazi digitalisé, oui oui. Le château et les autres missions sont composées d’une succession de pièces, qui peuvent être des geôles ou des salles à manger, où l’on retrouve des armures de chevaliers, des trésors derrière des portes dérobées, des portraits d’Adolf Hitler et bien sûr une nuée d’ennemis : des chiens, des gardes, des SS, des officiers et même des mutants nazis, mais aussi une pelletée de boss jusqu’à mécha Hitler lui-même. Soit Hitler dans un mécha. Oui oui. Vous y dirigez l’espion B. J. Blaskowicz qui s’enfuit dans le premier niveau de sa prison, puis dans les épisodes successifs prend d’assaut diverses bases nazies.

 

Le ton est évidemment très léger, au-delà de la provocation de la mise en scène de troupes nazies au milieu de divers mutants et de la musique de l’écran titre. La musique avec ses petits bloop bloop de l’époque, composée par Bobby Prince est plutôt agréable en fond sonore. Les nazis forment quant à eux une bonne matrice pour être des ennemis, qui crient quand ils voient le joueur, sauf ces foutus mutants, et s’effondrent dans un cri après avoir été tués par le joueur à l’aide d’un couteau, qui ne sert pas à grand-chose, d’un pistolet, pratique pour les ennemis de base mais vite à remplacer, puis d’un pistolet-mitrailleur qui vous servira globalement le plus dans chaque épisode, et d’une mitrailleuse, l’arme ultime pour enchainer les ennemis à la chaine. Toutes les armes partagent les mêmes munitions, mais la mitrailleuse risque de vous faire vider très rapidement vos chargeurs. On retrouve ainsi une progression dans les armes, différents types d’ennemis aux armes différentes, et des niveaux en forme de labyrinthe inspirés des jeux à la première personne sortis précédemment, eux-mêmes faisant furieusement penser aux jeux de rôle de type descente de donjon ou dungeon crawler.

 

Le gameplay est quant à lui efficace : on court, on ouvre les portes, on découvre des pièces et des passages secrets, on récupère des trésors et des munitions, on affronte des ennemis, on essaye de récupérer la vie perdue avec de la nourriture pour chien ou des kits de santé, et on se perd au milieu des pièges où vous attendent en embuscade nombre de soldats. On change d’étage jusqu’à arriver à l’étage du boss, qui nécessite pas mal d’esquive et de balles, et qu’on tue avant de passer au chapitre suivant. Le son des armes est bien rendu et leur impact est bien rendu graphiquement avec des trainées de sang. On note également le hitscan, permettant dès qu’on enclenche le tir de toucher la personne en face de l’arme, bien pratique pour ne pas modéliser de projectiles. A l’époque, tout se faisait au clavier : se déplacer, faire une rotation et tirer, mais EcWolf me permet d’utiliser la souris. En tous les cas, si pour moi c’est déjà amusant, imaginez l’effet à l’époque de ce gameplay.

 

Un succès immédiat

 

Justement, Wolfenstein 3D est distribué selon le modèle du shareware, une sorte de démo : on y accède au premier chapitre gratuitement, et pour accéder à la suite du jeu, il faut acheter le jeu qui est alors envoyé par courrier par Id Software. 250 000 copies du jeu sont vendues en trois ans, un nombre considérable pour l’époque, et de nombreux portages sur différentes machines sont produits, dont un sur Super Nintendo Entertainement System. La volonté de fans de modder le jeu avec de nouvelles missions donnera l’idée à Id Software de rendre le modding plus facile dans leur prochain titre avec une architecture modulaire, le moteur de jeu proprement dit étant séparé du contenu. Quant au moteur de jeu, il sera adapté pour d’autres jeux comme Rise of the Triad (1994) d’Apogee Software, et même le jeu chrétien sur SNES Super 3D Noah’s Ark (1994) où vous endormez les animaux violents.

 

Conclusion

 

Wolfenstein 3D, et son extension Spear of Destiny sortie la même année, ont représenté un tournant dans le monde du FPS, avec ungameplay efficace et fluide permis par son moteur de jeu, ununivers loufoque et sanglant, et des labyrinthes remplis d’ennemis et de pièges. Ils ont illustré l’arrivée tonitruante d’Id Software sur le marché, et ont préparé techniquement le terrain pour Doom et le FPS moderne. Je note donc ce jeu Mitrailleuse sur Nazi zombies. Wolfenstein 3D sera vite dépassé un an plus tard par Doom et son Id Tech 1, avec l’affichage de décors à différentes hauteurs, un éclairage dynamique, un monde satanique, et des armes encore plus variées. Le succès spectaculaire avec 3,5 millions d’exemplaires éclipsera son prédécesseur, faisant de Doom LE papa du FPS moderne.

 

Après Wolfenstein 3D et Doom

 

Je ne vous apprends rien en vous disant qu’après Doom, le FPS prend un essor certain, avec un succès presque jamais démenti, mêlant spectaculaire, violence et action, effrayant parfois la société avec cette vue subjective, ses armes et son massacre de mieux en mieux fait. Peut-être que cet aspect cathartique de la violence permet d’expliquer sa popularité. Le genre s’est en tous les cas doublé d’une narration environnementale riche avec des softs comme Half-Life (1999), a été irrigué par les films de guerre des années 90 avec Medal of Honor (1999) et Call of Duty (2003), s’est porté sur les consoles avec Halo : Combat Evolved (2001), s’est inspiré de l’actualité avec Call of Duty : Modern Warfare (2006) et j’en passe.

 

Quant à la série originelle, elle a davantage erré. Le classique Return to Castle Wolfenstein (2001), le multijoueur Wolfenstein: Enemy Territory (2004), le nouveau retour Wolfenstein (2009), et finalement l’arrivée de la licence chez les Suédois de Machines Games avec Wolfenstein : The New Order (2014) et son esprit rétro tarantinesque. Le retour fait cette fois plus de bruit, tout comme celui en 2016 de Doom d’Id Software. Grand-papa et papa sont revenus montrer qu’ils en avaient sous le capot.

 

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