Le premier né de Blizzard – Warcraft : Orcs & Humans (1994)

Après le succès de Dune II : Battle for Arrakis (1992) qui a posé les codes du STR, sous-genre du jeu de stratégie, un espace vidéoludique est resté vacant. Pendant que les Américains de Westwood Entertainment travaillent sur le futur hit Command & Conquer (1995), Blizzard Entertainment sort son tout premier jeu, si on excepte les portages qu’ils réalisaient jusqu’alors. Ils conservent les codes élaborés précédemment en proposant malgré tout quelques innovations dans un cadre fantasy coloré et violent. Au départ intéressés pour travailler dans l’univers de Warhammer avec Games Workshop, ils finissent face au refus de créer leur propre univers. Voyons cela de suite.

 

I. De Draenor à Stormwind

 

Si vous cherchez l’histoire et l’origine de la saga Warcraft, qui s’étale maintenant sur plus de vingt ans, entre la trilogie de STR et le jeu de rôles en ligne massivement multijoueur, MMORPG ou Meuporg pour les très intimes, il faudra essentiellement vous plonger dans le manuel. La narration est au sein du jeu sommaire, se bornant à des briefings cartoon avec des têtes patibulaires et des voix coupées à la hache. D’autant que chacune des deux campagnes proposées, une pour les humains, une pour les Orcs, a des conséquences contradictoires sur le déroulement de l’histoire. Pour faire simple, un magicien humain du nom de Medivh a ouvert un portail sans le vouloir entre le monde des humains de Stormwind, et celui dévasté par la guerre de Draenor. Dans ce dernier, une race humanoïde a triomphé de toutes les races, et commence à se déchirer sans objectif commun. Au début de la Première Guerre, les Orcs ont été trop gourmands face à un monde paraissant paisible et peu défendu, et ont été repoussé une première fois. Mais au début du jeu, un Orc du nom de Blackhand a pris les rênes du pouvoir, a réuni les tribus, et lance des raids plus réguliers ayant davantage d’effets sur le royaume humain. En face, le roi Llane mobilise son fidèle lieutenant Lothar pour contenir l’invasion. Les hommes du royaume, habitués à la paix et à la prospérité, redécouvrent avec horreur la violence et la sauvagerie.

 


Ils n’ont pas l’air commode les briefings de cette époque. Je vous présente d’ailleurs à gauche Lothar, fameux chevalier du roi Llane.

 

Vous voilà donc durant deux campagnes dans l’un ou l’autre des deux camps. La première chose qu’on note est la plus grande variété de missions proposée par rapport à Dune II. Les premières missions vous demandent par exemple de construire un certain nombre de fermes, d’autres vous proposent d’aller aider une ville en difficulté en reprenant ses défenses, et il arrive même que vous ne dirigiez que des unités militaires, pour par exemple éliminer un chef d’opposition ou récupérer un VIP dans une grotte obscure face à divers gardiens. Toutefois, n’espérez pas avoir deux expériences complètement différentes : les campagnes ont à peu près les mêmes missions, sur des cartes parfois différentes. On repassera pour l’originalité.

 

II. Base arrière

 

De plus, malgré les différences esthétiques, les deux races sont similaires entre elles. Au départ, vous avez votre quartier général et quelques péons ou paysans. Ceux-ci pourront construire de nouveaux bâtiments, et surtout aller chercher de l’or ou du bois, soit une ressource de plus que l’Epice de Dune II, avec un rythme un peu plus effréné. Vos péons font des aller-retour entre les forêts et votre base pour ramener après une petite période de coupe du bois, tandis que d’autres sont assignés à des mines d’or, dans lesquelles ils rentrent pour récupérer des sacs d’or à ramener directement à la base. Cet accès plus direct se paye par la contenance limitée des mines d’or, et le besoin d’explorer la carte alentour pour aller chercher d’autres mines, parfois plus exposée pour vos pauvres paysans, qui courent de toute façon quand ils voient un adversaire.

 


A droite, une base en cours de construction. Vous voyez la route reliant les bâtiments entre eux, le paysan qui ramène du bois récolté au nord, des fermes tout à droite, et divers bâtiments militaires avec la caserne reconnaissable. Pour ce qui est des troupes savamment mises en ligne, on retrouve des soldats, des chevaliers, des arbalétriers et quelques prêtres. Vous voyez la carte explorée en haut à gauche, et les actions disponibles pour l’archer. Plutôt que cliquer sur le bouton de déplacement ou d’attaque avant de cliquer sur un lieu ou un ennemi, il vaut mieux utiliser des raccourcis claviers.

 

Vous pouvez construire davantage de péons en échange de ces deux ressources dans votre quartier général, puis le pécule accumulé vous servira à construire de plus en plus de nouveaux bâtiments. Les fermes remplacent les centrales de Dune II, avec une limite de population augmentée par chaque ferme, représentant la nourriture, le nerf de la guerre, confirmant l’adage de Napoléon : « Une armée marche sur son estomac ». Vous pouvez ensuite construire une caserne pour des épéistes humains équipés de pied en cap, ou des grunts orcs aux yeux rouges et à la mine patibulaire. Puis ce seront des baraques de bucherons pour débloquer les arbalétriers humains ou les lanceurs de javelots orcs, le forgeron pour améliorer vos unités et appeler des catapultes, les écuries pour déverrouiller les chevaliers à la masse ou les chevaucheurs de loups, les églises ou les temples pour appeler au combat des prêtres humains ou des nécromanciens orcs, et enfin des tours pour accueillir des magiciens ou des sorciers. Ces bâtiments sont débloqués au fur et à mesure des missions et nécessitent des routes pour être reliés au quartier général, remplaçant les plaques de construction de Dune II.

 

III. Une bataille à quatre

 

N’oublions pas que tout cela sert finalement à faire la guerre. Il s’agit donc toujours de sélectionner des unités militaires, et de les faire se déplacer au bon endroit afin de combattre à l’aide de raccourcis clavier les adversaires, d’autant que l’intelligence artificielle reste plutôt limitée, nécessitant au joueur de regrouper souvent ses unités et de les remettre en formation pour ne pas voir vos précieux arbalétriers partir à la chasse sans vos puissants épéistes. La nouveauté par rapport à Dune II est la possibilité, tenez-vous bien, de sélectionner plus d’une troupe à la fois. Quatre très exactement, en restant appuyé sur ctrl ou en gardant la touche shift enclenchée pendant que vous sélectionnez un total non négligeable de quatre soldats. Les adeptes de STR savent que cela reste plutôt limité et assez peu intuitif. Néanmoins, un pas est fait. On avance donc ses troupes une à une ou petits paquets par petits paquets. Ne soyez donc pas surpris.

 


Les sorciers orcs et leurs créations démoniaques, plus puissante troupe du jeu.

 

Vous contrôlez donc vos unités pour défendre, puis attaquer. Vous n’aurez pas de tourelles pour vos bases, uniquement des murs divers et variés, ce qui facilite les escarmouches. Les combattants se rapprochent, les catapultes et tireurs s’envoient des volées, du classique. Ce qui l’est un peu moins, c’est les unités magiques. Les prêtres humains soignent, envoient des boules de feu, ou rendent invisible ; les nécromanciens orcs créent des squelettes à partir de cadavres, ou rendent invulnérables ; les magiciens ou sorciers, eux, envoient des attaques magiques puissantes sur zone, ou invoquent de petites ou larges créatures, dont les plus puissantes sont les élémentaux d’eau pour les humains, et les démons pour les Orcs. Leur capacité magique diminue à chaque sort, et remonte peu à peu. Ces unités impliqueront davantage de micro-gestion pour les joueurs, bien qu’on soit loin des 150 actions par minute d’un joueur professionnel typique sur par exemple Starcraft (1998) au vu des contrôles somme toute rudimentaires. Une tactique appréciée des joueurs est de spammer les magiciens et sorciers pour sortir de plus en plus de créatures magiques, particulièrement utile dans les dernières missions.

 


La bataille est en cours. Le jeu est légèrement violent et brutal, comme vous pouvez le voir.

 

Conclusion

 

Le jeu est coloré, sanglant et plutôt sombre, avec une vraie lutte à mort entre deux camps se jouant sous vos yeux pendant qu’une musique sombre et stressante se profile. Le style graphique est correct, et le jeu est plutôt agréable à prendre en main si on excepte les contrôles limités, avec des missions variées bien que répétitives d’une campagne à l’autre. Warcraft ne révolutionne pas la formule datant de Dune II, mais l’adapte avec réussite à un monde de fantasy, se payant le luxe d’être très populaire en son temps et de paver la voie pour Blizzard afin de développer d’autres titres.

 


Le monde de Warcraft a aujourd’hui plus d’une vingtaine d’années, et a été étendu à travers les jeux de stratégie, le MMO World of Warcraft (2004) et de nombreuses oeuvres dérivées. Parmi celles-ci, un film a vu le jour en 2016, retraçant justement l’histoire de cette Première Guerre. Vous voyez ici Lothar, le même gus qu’on pouvait voir sur le briefing humain.

 

La concurrence entre Westwood Studios et Blizzard Entertainment prendra forme un an plus tard en 1995, lorsque sortira Warcraft II : Tides of Darkness, faisant évoluer la formule avec une nouvelle ressource, la guerre aérienne et maritime, de nouvelles unités et j’en passe pour le monde de fantasy, précédé par la sortie de Command & Conquer, qui là aussi étoffe largement la formule de Dune II avec une scénarisation avancée et deux factions très différentes. Après 1995, de nombreux acteurs prendront aussi le relais du STR, mais c’est une autre histoire.

 

Captain Sparke (Fb / Twitter)

 

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