Survie nordique bucolique – Valheim (2021)

Si nous vous disons que les jeux de survie ont la côte depuis une bonne dizaine d’années, vous serez nécessairement d’accord avec ce constat depuis au moins Minecraft (2011) pour l’aspect solo et communautaire, et le mod DayZ (2012) pour l’aspect multijoueur et lutte joueur contre joueur. D’innombrables softs sont entrés depuis dans cette catégorie, saturant en quelque sorte le marché. Valheim rentre pour sa part clairement dans la première catégorie, et rien ne prédisposait le premier jeu suédois d’une équipe de cinq personnes d’Iron Gate AB pour qu’il se retrouve en tête des ventes de Steam pendant plusieurs semaines. Et pourtant, après sa sortie en early access en février pour moins de vingt euros, le jeu s’est arraché à plusieurs millions d’exemplaires en quelques semaines. Pour essayer de comprendre cet engouement, nous vous proposons de décortiquer ce nouveau-né de la survie dans cet article et en vidéo.

 

 

I. La survie allégée

 

Depuis au moins la sortie de Minecraft (2011) par Notch et son studio Mojang Studios, la recette qui marche est l’arrivée du joueur dans un monde généré procéduralement sans rien. Le joueur doit alors explorer ses environs, combattre des monstres, survivre en se nourrissant et en se reposant, exploiter les ressources présentes, et les utiliser afin de se construire des armes, armures et outils, mais aussi des abris qui deviennent de plus en plus élaborés. Le pitch est clair, et a connu de nombreuses variations comme Don’t Starve (2013) en vue de dessus et avec une jauge de folie, Subnautica (2014) qui emmène dans l’océan pour faire des recherches scientifiques, et j’en passe. Une autre branche des jeux de survie a connu une poussée à partir du mod DayZ pour Arma II en 2012, et a permis de mélanger l’expérience avec des mécaniques multijoueurs avec Rust (2013), Ark : Survival Evolved (2015) ou encore Scum (2018).  Les Suédois d’Iron Gate AB ont choisi la première option, en se basant essentiellement sur de la lutte contre l’environnement plutôt que contre des joueurs.

 

L’interface n’est pas trop prenante : en haut à gauche les outils, armes et boucliers équipés présents dans l’inventaire, en bas à gauche les trois cases de nourriture, la vie, et les bonus activables, en haut à droite les types de modificateurs dont le confort de la pièce, la présence d’un feu, et le statut de reposé. Vous vous trouvez ici dans une maison un peu avancée.

 

Sans renouveler la formule, Valheim propose une version allégée des mécaniques de survie. Il n’y aura pas besoin de consommer de la nourriture ou de l’eau, de faire ses besoins et de traiter ses blessures avec des bandages. Plutôt qu’obligatoire, ses quelques mécaniques de survie sont plutôt recommandées si vous souhaitez explorer et rencontrer des adversaires. En effet, vous avez une jauge de vie, qui descend à chaque coup pris, et une jauge d’endurance, qui se vide à chaque action contextuelle, du combat au minage. Pour augmenter ces deux valeurs, vous aurez besoin de deux systèmes : la nourriture et la fatigue. Vous pouvez ainsi combiner jusqu’à trois types de nourriture, cuisinée ou non, pour augmenter sur une durée définie par le type de nourriture l’endurance et les points de vie, vous permettant de prendre plujs de coup et de réaliser plus d’actions, que ce soit courir pour échapper à un troll ou survivre à une chute d’arbre sur la tête. Aussi, votre endurance remontera deux fois plus vite pour une période donnée si vous dormez dans un lit ou vous reposez quelques secondes devant un feu de camp, grâce au statut reposé. Le système n’est donc pas punitif, mais recommandé, et c’est déjà un changement par rapport à d’autres softs plus stressants.

 

II. Le dixième monde

 

Ces mécaniques simplifiées de survie s’insèrent parfaitement dans le pitch mythologique dans lequel vous êtes embarqués. Vous êtes un guerrier récupéré par les Valkyries sur un champ de bataille, et vous devez vous battre dans un monde généré procéduralement contre cinq boss, qui seront votre objectif principal. Chacun de ces boss se trouve dans une zone différente, et celles-ci sont similaires dans les différents mondes que vous pouvez créer. Vous commencez ainsi dans la prairie, un endroit plutôt pacifié avec quelques gobelins, des sangliers, des cerfs, et des ressources de base à récolter. Vos pérégrinations vont ensuite vous emmener dans la forêt noire, avec de nouvelles variétés de gobelins, de puissants trolls, mais aussi les gisements d’étain et de cuivre nécessaires pour vous équiper de bronze, puis dans les marais pour le fer, etc.  La progression est ainsi logique : à chaque biome ses challenges, ses opportunités, ses boss aussi, et le besoin pour le joueur de s’équiper comme il faut, avec les armures, armes, les camps secondaires, des portails pour relier ses maisons, et même des embarcations pour voguer sur les eaux grâce au vent et combattre des ennemis marins. Ce fil rouge donne un véritable sens de progression à l’aventure. Celui-ci répond d’ailleurs en partie à des mécaniques de jeu de rôle. Chaque action réalisée vous fait ainsi gagner de l’expérience dans chacune des catégories, de la lutte à main nue au tir à l’arc en passant par le sprint.

 

Les combats de boss sont l’occasion d’utiliser à bon escient vos armes et vos esquives. Notez qu’ils ne sont pas si faciles que ça, surtout à partir du second boss. Ils donnent en tous les cas l’objectif principal du soft.

 

En arrivant ainsi dans la partie, vous commencez avec des haillons en pleine nature. Un petit corbeau vous assistera dans les premières étapes, qui vont consister à récolter vos premières ressources, en l’occurrence des pierres et du bois. Cela vous permettra de réaliser vos premiers outils, comme une massue pour taper les adversaires, une hache pour couper du bois, et un marteau de construction pour débloquer l’aspect construction. Celui-ci vous permettra d’avoir votre premier établi, et avec lui votre possibilité de mettre murs, planchers et toits pour avoir votre premier abri, avec cheminée, lit, et tout le confort que vous pourrez rajouter par la suite. L’aspect construction est plutôt satisfaisant, si vous êtes intéressés par le sens esthétique d’un toit à 26 ou 45 degrés, et par le besoin de structurer l’ensemble par des poutres et des fondations pour éviter l’usure. Au fur et à mesure de votre exploration et de la récolte de nouveaux matériaux, vous pourrez améliorer votre établi, établir des palissades, des portails de téléportation, des forges, des navires et j’en passe. Votre sens créatif sera mis à rude épreuve… si vous en avez le temps. En effet, le degré de farm est plutôt important : il faut bien quelques dizaines de secondes pour couper un arbre et le débiter en quelques morceaux de bois, qui serviront à peine à mettre en place cinq murs. Autant vous dire que si vous planifiez une maison à trois étages, ça ne va pas être de la tarte.

 

Au départ vous commencez petit. Ici, vous voyez en bas à gauche que je n’ai pas consommé de nourriture et que mon total de vie est donc famélique.

 

III. Le temps c’est de l’argent

 

Cette récolte intensive sabre un tantinet le rythme du jeu. S’il est évident qu’aller trop vite forcerait les joueurs à aller rapidement à la fin des options de construction, force est de constater que l’aventure stagne à partir du bronze. La récolte de bois et la chasse de dizaines de cerfs et de sangliers pour avoir votre première armure ne seront vite qu’un lointain souvenir : le besoin d’aller dans la forêt noire, de combattre de multiples trolls et gobelins, de miner pendant de longues minutes les gisements de cuivre et d’étain avec un très faible rendement, d’avoir votre inventaire très rapidement plein si vous n’avez pas une charrette à vous trimbaler, tout ça pour passer de nombreuses minutes à faire cuire du bois pour en faire du charbon, et à faire ensuite cuire les minerais pour en faire des lingots pour enfin les combiner à la forge, en constant que chaque armure ou arme demande près de 10 lingots de bronze soit 20 lingots de cuivre et 10 lingots d’étain vous fera vite reconsidérer la notion de temps.

 

Les jeux de lumière et les environnements cohérents rendent l’expérience extrêmement agréable, même si les textures ne sont pas exceptionnelles. Ici, nous nous retrouvons avec les terribles charrettes, indispensables pour ramener de l’étain et du cuivre, mais qui bute sur chaque obstacle et est une plaie en combat.

 

Après, ce serait cracher dans la soupe de dire que ce n’est pas entièrement agréable. Certes, tout cela est clairement fastidieux, et la perspective de traverser toute la forêt noire entièrement nu pour récupérer votre équipement durement gagné sur le lieu de votre mort alors que vous étiez poursuivi par un troll et que vous miniez tranquillement depuis de longues minutes n’est pas des plus réjouissantes. Cependant, comme nous l’avons dit, l’aspect survie n’est pas désagréable, et surtout, le jeu a de solides arguments. Tout d’abord, ses graphismes sont très corrects, non pas tant au niveau de la qualité intrinsèque des textures, mais au niveau de la cohérence d’ensemble, à travers les jeux de lumière et les environnements. L’ambiance musicale est également très bonne, par les sons et l’ambiance tantôt bucolique tantôt angoissante en fonction de l’environnement. Pour terminer, le système de combat, sans être riche, fonctionne : parade, tenue du bouclier, plusieurs types d’armes avec plusieurs types de dégâts, armes à distance ou au corps à corps, possibilité d’esquive. Toutes ces mécaniques rendent le soft dynamique. A vous également d’avoir les bonnes armures et armes pour vous aventurer de manière plus sérieuse dans chacun des biomes. Pour terminer, la possibilité de jouer jusqu’à 10 sur une même partie, et de pouvoir utiliser le même profil de personnage avec tout son équipement avancé sur différents mondes donne de l’intérêt à la coopération. Malgré tout, le jeu manque encore de serveurs persistants, vous ne pourrez donc avoir que des serveurs locaux hébergés chez l’un des joueurs qui a créé le monde, ou sur des serveurs communautaires. L’option joueur contre joueur, au grand dam des fanatiques de DayZ et de Rust, est quant à elle à l’appréciation de chacun, qui pourra décider ou non de l’activer.

 

L’exploration maritime est aussi possible, mais vous prendra pas mal de temps. Evitez de vous retrouver à l’eau : une fois votre jauge d’endurance consommée, c’est la mort, et donc la perte de tout votre équipement durement acquis, ici une armure en bronze et une cape en peau de troll. Autant vous dire que lorsque vous êtes attaqués en mer, il y a des raisons de paniquer.

 

Conclusion

 

Valheim est une agréable synthèse des jeux de survie. Il propose un système de progression mêlant jeu de rôle, exploration, craft, construction et récupération de ressources au service d’un fil rouge, la destruction de puissants boss présents sur différents biomes à la difficulté croissante. Ce sens permet de mobiliser le joueur, avec des mécaniques allégées de survie, un système de combat correct, du contenu suffisant, ainsi que des graphismes et une ambiance sonore de bon aloi. Sa progression en dents de scie nécessitant des phases de farm intensif pourra en rebuter certains, mais le soft pourra mobiliser facilement un ou plusieurs joueurs plusieurs dizaines d’heures pour aller au bout d’une aventure. Par ailleurs, le jeu n’est qu’en early access, est peu onéreux, et propose pourtant une expérience qui est déjà solide. On a hâte de voir la direction que va prendre le studio après ce premier jet réussi.

 

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