Tensions maritimes en Mer de Chine (Chronique Géopolitique, Asie du Sud-Est)

Avec les déclarations récentes du nouveau président des Etats-Unis, Donald John Trump, capable de réduire à néant en un tweet des décennies de contact diplomatique, les tensions en Mer de Chine se font plus vives. D’autant plus que le récent retrait des Etats-Unis vis-à-vis du partenariat transpacifique, destiné à concurrencer la Chine, ainsi que l’augmentation des budgets et des effectifs militaires chinois, ou japonais, et même le contact téléphonique en décembre entre l’île de Taïwan, revendiquée par la Chine, et l’actuel président, tout cela augure d’une situation assez conflictuelle.

 

Des îles et des ressources

 

A l’origine de ces disputes territoriales, un chapelet d’îles et d’îlots, au nombre approximatif de 200, et des milliers de récifs compris dans une bande maritime de 3 000 km de long. Cette zone maritime est fortement fréquentée, notamment par les flux commerciaux par voie maritime. On estime ainsi qu’1/3 du commerce international transite dans ces eaux. Ceci est notamment dû à une région en bonne croissance économique depuis plusieurs dizaines d’années, les fameux « dragons » puis « tigres » : la Chine, la Corée du Sud, le Japon, Taiwan, les Philippines, la Malaisie, Brunei, Singapour, le Vietnam. Tous n’ont pas les mêmes revendications.

 


Des zones de revendication se surimposant les unes les autres (site de Libération).

 

Si en Mer de Chine orientale, le différend entre le Japon et la Chine se concentre autour des îles Senkaku, la situation est bien plus complexe en Mer de Chine méridionale. Outre les multitudes de récifs couverts une bonne partie de l’année par les eaux, on retrouve une rivalité territoriale entre le Vietnam et la Chine autour des îles Paracels, mais aussi entre la Chine, le Vietnam, les Philippines, la Malaisie et Brunei autour des îles Spratley. Dans une région parcourue par un transit commercial fort, riche en ressources halieutiques, au sous-sol maritime riche en hydrocarbures, les tensions se font vives, car la Chine revendique, contre le droit international fixant les limites des ZEE, des droits « historiques ».

 

Une opposition interétatique

 

Après l’accaparement en 2012 d’un atoll revendiqué par les Philippines, et après le maintien d’une force militaire chinoise, Manille a saisi la Cour Permanente d’Arbitrage (La Haye), qui règle les conflits d’ordre maritime en vertu de la convention de 1982 de Montego Bay, réglementant le droit de la mer, entre eaux intérieures et zone économique exclusive. En juillet 2016, l’arrêt du CPA donne raison à Manille, mais la Chine refuse tout compromis.

 

Malgré les différends, la présence chinoise s’affirme, contre le droit international défendu par le CPA (Figaro)

 

Le but de la Chine, en investissant ces îlots, est de développer une ZEE, dont le bénéfice serait profitable dans une région commercialement riche. Pour cela, il faut habiter les îles, ou encore que ces îles génèrent une activité économique. De plus, l’artificialisation de certains atolls et de haut-fond aboutit à la génération d’une « Grande Muraille de Sable », selon l’expression américaine forgée en 2015, face à l’essor de cette pratique : ainsi, des ports artificiels pouvant servir au ravitaillement des navires de guerre font leur apparition, suivies par de nombreuses bases militaires chinoises, occasionnant des tensions locales très fortes face à ce qui s’apparente à une militarisation illégale. La menace, et l’incapacité de la communauté internationale à faire infléchir la Chine, qui se retrouve proche de la Russie au Conseil de Sécurité sur de nombreux points, inquiètent les pays voisins.

 

Exemple d’artificialisation, vue par satellite.

 

Le cas de Taïwan

 

On ne compte évidemment pas l’île de Taïwan, refuge en 1949 des républicains chinois face à la victoire des communistes, et qui est depuis lors revendiqué par la République Populaire de Chine. Depuis 1971, en pleine Guerre Froide, Taïwan perd son statut de représentant de la Chine à l’ONU au profit de la République Populaire de Chine, récemment sortie du giron russe. Les Etats-Unis reconnaissent en 1978 Pékin, et rompent les relations diplomatiques avec Taïwan en 1979. Le coup de téléphone de décembre 2016 entre M. Trump et la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen récemment élue en mai 2016 change quelque peu la donne, ce qui augure de relations tendues entre les deux états, accentuées par des tweets et des promesses de campagne. L’île de Taïwan reste vue par la Chine comme une province non-indépendante appartenant légitimement au régime, et qui ne souffre d’aucun besoin d’intervention extérieure de la part des autres états. L’île est ainsi le foyer de tensions majeures.

 

D’autant plus que les bases militaires des Américains, des Chinois et des autres acteurs se font face, ménageant une sorte d’équilibre, menaçant de s’écrouler à tout moment. Le premier porte-avions chinois, mis en service en 2011, se retrouve aujourd’hui déployé près de Taïwan, et des missions aériennes chinoises s’approchent dangereusement de l’espace aérien taïwanais. De fait, le Japon et les autres états augmentent leurs efforts militaires navals à leur tour, alors que la VIIe Flotte Américaine patrouille dans l’Océan Pacifique. Les tensions géopolitiques en Mer de Chine restent en 2017 l’objet de vives inquiétudes.

 

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