L’art militaire de la galaxie lointaine – Star Wars Battlefront 2 (2017)

Déjà trois ans nous séparent de la sortie contestée du dernier jeu de Digital Illusions Creative Entertainement, ou DICE pour les intimes, Star Wars Battlefront II (2017). Edité par Electronic Arts, le soft s’est attiré les foudres des critiques pour son système de progression qui reposait sur des loot boxes et qui déséquilibrait profondément le soft en ligne. Pour débloquer du contenu, il fallait en effet ou bien jouer énormément, ou bien payer en plus pour avoir une chance de tomber sur des cartes améliorant les compétences des troupes à contrôler. Le choc a été tel qu’il a entrainé en quelque mois une qualification de cette pratique comme jeu d’argent et de hasard, aboutissant même à une interdiction sur le territoire de la Belgique, tandis que Disney ripostait de son côté pour retirer les microtransactions du jeu de sa licence. Suite à cette vindicte, les développeurs ont fait amende honorable, remis en place des bases saines et équilibrées (plus ou moins) et développent depuis de nombreuses mises à jour gratuites, nous faisant la grâce des contenus additionnels payants typiques de ce genre de jeux. Trois ans plus tard, il est donc temps de voir ce que le jeu apporte à l’univers Star Wars.

 

I. Le retour du contenu

 

Première bonne nouvelle par rapport à l’opus de 2015, les développeurs ont décidé d’adopter (enfin) les trois périodes de la saga cinématographique : la trilogie originale opposant Rebelles et forces de l’Empire (1977-1983), la prélogie faisant s’affronter Séparatistes et forces de la République (1999-2005), et enfin la troisième trilogie, le récit de la lutte finale entre le Premier Ordre et la Résistance (2015-2019). Les papas de la série Battlefield (2003-2018) se sont même fendus d’une campagne solo nous mettant dans les bottes d’Iden Versio, une agente de l’Empire au moment de la chute de l’Empire sur Endor. Bien que plutôt accessoire sur le plan du scénario, cette campagne n’en est pas moins un plus bienvenue, au même titre que les missions spéciales pour nous faire jouer les héros ou les méchants de l’univers, un mode coopération entre quatre joueurs humains face à des IA dans une partie normale, un mode arcade qu’on peut paramétrer pour trucider de l’IA en masse, et un mode où deux Ewoks chassent dans la nuit noire une escouade de Troopers sur Endor, plutôt réussi.

 

La chasse des Ewoks, ou comment renverser les rôles. Les Ewoks voient dans le noir et se jettent sur les Stormtroopers après les avoir aveuglé pour leur mettre des coups de lance, tandis que les forces de l’Empire doivent tâcher de se regrouper, et surveiller les environs avec une lampe-torche à l’autonomie limitée pour tenir bon le temps imparti.

 

Plus globalement, les développeurs sont repartis sur des bases saines, reprenant le système de classes de la série initiale de Pandemic Studios (2004-2005), avec quatre classes normales qui évoluent chacune en débloquant armes et cartes spéciales permettant d’améliorer une de leurs trois compétences utilisables en combat, trois modèles de classes spéciales qui se débloquent en dépensant les points acquis pendant la partie comme les Droïdekas, les Arc Troopers, les Guerriers Wookies, le Death Trooper et j’en passe, mais aussi des véhicules en fonction du mode de jeu, aérien ou terrestre, voire des héros, qui sont enfin en 2020 tous débloqués et au nombre impressionnant de 22, du Général Grievous à Rey en passant par Dark Vador, chacun avec leurs compétences et des cartes pour les améliorer. Le système est beaucoup moins aléatoire que dans le premier opus où il s’agissait de ramasser au bon moment et avant tout le monde un item. Oubliez les folies esthétiques du premier Battlefront de Dice : chaque classe de chaque faction est correctement modélisée. Vous ne retrouverez plus de stormtrooper sans casque (hérésie absolue), les droïdes sont extrêmement bien réalisés et les clones peuvent débloquer des couleurs qui rappellent les différences des films et des séries avec l’argent récolté à chaque fin de partie. La fin des loot boxes, qui déséquilibrait le contenu, et les changements majeurs opérés depuis 2015, illustrent le fait que les développeurs semblent avoir saisi enfin la mesure de l’univers et du lore réclamés à corps et à cris par les inconditionnels de la série. L’habillage sonore et graphique est d’ailleurs proprement excellent, et renforce l’immersion.

 

Les modes de héros permettent de jouer tous les personnages iconiques de la saga, malgré quelques déséquilibres, de Boba Fett et son jetpack aux porteurs de sabre laser.

 

II. La revanche de la guerre

 

S’il manque (encore) un mode 32 vs 32 en multijoueur, alors qu’il s’agit d’une feature commune à l’ensemble des FPS depuis vingt ans, les modes ont considérablement évolués, avec deux modes majeurs, deux modes héros vs vilains, un mode bataille spatiale, un mode bataille spatial de héros et trois modes mineurs dont la chasse des Ewoks. Les modes majeurs nous emmènent sur des cartes iconiques de la saga (Géonosis, Kamino, Endor) pour remplir une série d’objectifs nous faisant évoluer sur la carte. Dans le mode Assaut Galactique, l’attaquant doit avancer en remplissant une série d’objectifs et avec un nombre de renfort limité : capturer des bases, détruire des générateurs, etc. Les défenseurs doivent les en empêcher. Le mode Suprématie, rajouté récemment, garde une carte au sol avec cinq objectifs à capturer le plus longtemps possible contre l’adversaire pour remplir la jauge d’assaut spatial, avant de se transporter sur une autre carte pour attaquer de l’intérieur un vaisseau spatial en deux phases : capture d’un point de commandement, puis destruction des réacteurs. Si l’assaut rate, on retourne au sol. Ces deux modes sont particulièrement jouissifs, et installés sur des cartes massives, qui auraient pu largement accueillir des parties de 32 vs 32 à l’aide d’une poignée d’ajustements.

 

Les batailles de 20 contre 20 sont légèrement scénarisées, de quoi avoir un intérêt certain pour le joueur fan de l’univers.

 

Les parties héros vs vilains ont la seule ambition de nous faire contrôler les héros et les méchants de la saga. Les combats sont plutôt brouillons, mais il est bon de voir que les développeurs ont rajouté une jauge d’endurance pour les manieurs de sabre laser, et des différences de compétences et de techniques spéciales entre tous les héros, qui sont malgré tout plutôt déséquilibrés les uns par rapport aux autres, par exemple Grievous, plutôt faible. Les batailles spatiales sont, elles, extrêmement belles, avec des véhicules spatiaux iconiques, torpilles et lasers. Le fait de virevolter pour échapper à l’adversaire et arriver dans son dos dans l’univers Star Wars sera un délice pour les yeux, mais moins pour le jeu, car le tout reste plutôt répétitif. Ce mode nous rappelle d’ailleurs que les développeurs n’ont toujours pas réussi à mettre en place des cartes où on peut enchainer combats spatiaux et combat au sein des vaisseaux comme dans le Battlefront 2 de 2005. Enfin, les petits modes, qui se résument à un capture the flag et un team deathmatch sous des appellations plus sympathiques comme Blast pour le second, permettent de se mettre sur la tronche en 8 v 8 sur les cartes en plus petit format, sans héros ou véhicules.

 

Vous pouvez alterner en vue à la première ou à la troisième personne, sauf quand vous jouez les classes spéciales et les héros. En bas à droite, vous retrouvez vos trois compétences de classe, ici un détonateur thermique, un mode fusil à pompe, et un scanner pour repérer les adversaires. Vous pouvez les faire évoluer ou les changer en fonction des cartes débloquées.

 

III. L’odeur du blaster au petit matin

 

Mais place à l’action ! Comme dit plus haut, vous pouvez choisir quatre classes représentées fidèlement par rapport à l’esthétique de la saga : la classe Assaut, rapide et avec des armes mortelles à courte portée ; la classe Lourde, plus lente et armée de mitrailleuses puissantes à moyenne portée ; la classe Officier, armée d’un pistolet blaster mais capable de poser une tourelle et de booster ses petits camarades ; et enfin la classe Sniper, détectant et pointant au loin les adversaires pour les abattre à distance. Chacune de ces classes a ses forces, faiblesses, armes, cartes spéciales, et barre de progression. Vous choisissez un point de spawn, qui peut être un objectif ou un camarade qui n’est pas en combat dans une escouade de quatre attribuée automatiquement. En combat vous pouvez avoir une vision première ou troisième personne, et utiliser une de vos trois compétences comme les détonateurs thermiques, les scanners, ou le déploiement d’une mitrailleuse lourde. Elles se rechargent avec le temps. Vos armes, elles, ont aussi des munitions illimitées, mais doivent être refroidies au fur et à mesure avec la touche de rechargement. Si elles surchargent, une barre apparait avec un curseur allant de droite à gauche : à vous d’appuyer sur R au bon moment, lorsque le curseur touche la barre bleue (super rechargement) ou jaune (rechargement normal). Les quatre classes se jouent en tous les cas très différemment les unes des autres, ce qui est un vrai plus pour renouveler le combat.

 

Les héros et vaisseaux de héros sont présents au centre, tandis que vous avez un aperçu de l’ensemble des classes à gauche : les quatre classes basiques, les trois classes spéciales, les trois classes de véhicules terrestres et les trois dernières des vaisseaux spatiaux. Toutes ont des niveaux à passer et des cartes à débloquer pour améliorer ses compétences.

 

Plus vous accomplissez les objectifs et administrez la sainte loi du blaster à vos adversaires, plus vous gagnez des points. Ceux-ci peuvent être dépensés en jeu pour pouvoir jouer un véhicule, que ce soit un TS-TT, un Cab-1 droïde, un speeder ou un X-Wing, une classe spéciale parmi trois grands modèles, ou un héros, qui demandent entre quelques centaines de points jusqu’à quelques milliers de points. Ces points sont acquis en jouant correctement pendant cinq à dix minutes, et jouer les classes spéciales et les héros n’est pas insurmontable pour les joueurs comme dans le précédent opus. Les trois classes spéciales sont les suivantes : les plus génériques sont les porteurs de jetpack, capables d’aller en hauteur, mobiles et porteurs d’un lance-roquettes ; les infiltrators, des unités spéciales rapides avec de l’armement particulier, qu’il soit un Ewok (oui oui), ou les puissants Sith Troopers de la dernière trilogie, avec des radars, des capacités étendues au corps-à-corps et des sprints ; ou encore les enforcers, des unités lentes à l’armement lourd, des Wookies aux Droidekas. Ces classes spéciales s’inscrivent parfaitement dans l’univers et ne sont pas difficiles à obtenir si l’on joue les objectifs. De même, chaque classe de chaque faction a son propre armement de base, excepté pour les évolutions des quatre classes basiques, renforçant largement l’immersion et étant un vrai plus pour les fans de la série.

 

Un exemple d’aperçu de compétences, ici du Clone Commando, capable de repousser l’adversaire, de baisser les dégâts du commando et de ses alliés, et de lancer des grenades, avec les éventuels bonus supplémentaires des cartes équipées.

 

IV. Un nouveau déséquilibre

 

Tout n’est néanmoins pas si rose que ça dans le titre de Dice. Si le contenu est désormais intéressant, que l’habillage général du titre est satisfaisant et que le gameplay est suffisamment diversifié pour justifier l’envie de jouer toutes les classes et les héros, l’existence de profonds déséquilibres en jeu est un mal consubstantiel au système. Les classes spéciales sont déséquilibrées par rapport aux classes normales, ce qui est particulièrement handicapant dans les parties les plus longues (Suprématie) où les meilleurs joueurs continuent d’être meilleurs facilement, malgré une limitation du nombre total de classes spéciales en jeu. Par ailleurs, les joueurs les plus expérimentés ont aussi amélioré leurs cartes et donc leurs compétences, ce qui déséquilibre encore davantage le rapport de force entre un nouveau joueur à la classe normale contre le vieux briscard à la classe spéciale. Plus embêtant, ces classes sont déséquilibrées entre factions : le Sith Trooper du Premier Ordre écrase sans pitié toutes les classes spéciales de la Résistance sans grande difficulté, plus fragiles et aux compétences moins attractives. C’est particulièrement visible dans les modes de jeu en 8 v 8.

 

Les combats spatiaux sont certes grandioses, avec des explosions dans tous les sens, des tourelles sur les capital ships, le moyen de rentrer à l’intérieur comme dans les films, avec des objectifs variés, mais sont plutôt répétitifs.

 

Dans les modes de jeu 20 v 20, l’accumulation des points de toutes et tous transforme une bataille simple en bataille de héros et de classes spéciales, ce qui rompt aussi l’équilibrage, particulièrement dans la phase de défense du vaisseau spatial du mode Suprématie où les héros ou vilains se regroupent à un nœud défensif et sont impossibles à déloger sans une équipe soudée avec autant de héros à opposer. Enfin, si les cartes sont variées et bien faites, impossible pour le joueur de les choisir : il doit s’en remettre à la rotation des serveurs, qui ont la fâcheuse tendance de vous envoyer sur les mêmes cartes encore et encore. Plutôt frustrant. Tous ces défauts ne rendent pas le soft injouable, mais handicapent furieusement l’envie d’y jouer sur le temps long, ce qui est un défaut majeur pour un titre qui se base sur des sessions de shoot en ligne.

 

Le mode Suprématie permet de capturer cinq points pour remplir la jauge de combat spatial représentée en haut, pour aller détruit de l’intérieur le vaisseau amiral. Un mode plutôt agréable, mais dont les parties peuvent être longues, notamment quand tout le monde a assez de points pour avoir une nuée de héros ou méchants de la saga pour défendre des points. Reste qu’il est plutôt jouissif de pouvoir incarner un de ces héros dans des parties en ligne, avec un sentiment de puissance certain appuyé par des musiques uniques.

 

Conclusion

 

Star Wars : Battlefront II revient de loin. Après avoir définitivement réglé le problème des micro-transactions et des loot boxes, il fait définitivement passer son prédécesseur pour une arnaque (voir mes critiques modérées) tant il a rempli le cahier des charges des fans : toutes les périodes adaptées, respect esthétique et de l’univers, un système de classes qui fonctionne, des modes de jeu avec de l’intérêt, du solo, et des mises à jour régulières et gratuites qui ont apporté des cartes de la nouvelle trilogie, de nouveaux guerriers et modes de jeu. Les sensations de shoot sont présentes, les armes ont un bon répondant et les compétences rendent le tout dynamique. Néanmoins, les principaux modes de jeu deviennent vite brouillons, avec des classes spéciales et des héros en nombre qui déséquilibrent l’expérience de jeu, ce déséquilibre étant même parfois dû à la nature de la carte ou de la faction concernée. Pire encore, le fait de ne pas choisir de cartes, et d’être désavantagé par rapport à un joueur qui a amélioré toutes ses classes rend l’expérience sur le long terme moins intéressante. Les développeurs ne s’y sont pas trompés, en communiquant énormément sur leurs mises à jour régulières. L’expérience Star Wars est donc présente, mais le soft a-t-il suffisamment d’endurance pour tenir sur le temps long ? Seul l’avenir nous le dira.

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