La saga des Skywalker – Les trilogies Star Wars (1977-2019)

A part si vous vivez dans une grotte depuis les années 80, il est très probable que vous ayez entendu parler de Star Wars, traduit poétiquement par La guerre des étoiles. Cet univers de space opera est développé initialement dans trois films entre 1977 et 1983, qui conte la lutte de rebelles contre un Empire dictatorial, la quête initiatique d’un héros, Luke Skywalker, qui découvre peu à peu ses pouvoirs, mais aussi une aventure qui emmène des personnages hauts en couleur sur des planètes diverses (Tatooine, Hoth, Endor, …) et à la rencontre de races extraterrestres avec leur propre langage, au milieu d’un vaste espace, avec des technologies de pointe pour la navigation spatiale ou l’armement. Sans exposition précise des enjeux, la trilogie originale éveille ainsi le rêve en nous jetant dans un univers qu’on ne connait pas pour qu’on y suive des héros. Cette trilogie a eu un succès international, et s’est associée aux ambitions de George Lucas dans l’industrie du divertissement : Lucasfilm, la société d’effets spéciaux Industrial Light & Magic, la société de jeux vidéos LucasArts, et j’en passe.

 

George Lucas était loin de se douter à l’époque du tournage du premier film du succès de son univers (source).

 

Aujourd’hui, en 2021, Star Wars c’est trois trilogies de films, mais aussi des attractions, des comics, des costumes, des dessins animés, des événements internationaux, des encyclopédies, des jeux vidéos, des romans, des séries et des tas de produits dérivés. S’il est impossible que vous soyez passés à côté, notamment parce que Disney, qui a racheté Star Wars pour quatre milliards de dollars en 2012, est très actif, vous pouvez néanmoins ne pas vous y être intéressé et avoir du mal à comprendre cet engouement des gens pendant près de quarante ans sur des supports aussi variés. Pour vous permettre de comprendre ce qui a plu jusqu’à créer autour des trilogies un univers entier, je vous propose de revenir dans cet article sur la base de l’univers, à savoir ces trois trilogies, aujourd’hui résumées sous le titre de la Saga Skywalker.

 

I. Il y a bien longtemps…

 

S’il y a bien une chose sur laquelle tout le monde est d’accord, c’est que la base de l’univers réside dans les trilogies. On trouve ainsi deux trilogies pour la période George Lucas, et une trilogie pour la période Disney, chacune centrée sur sa propre chronologie. La première se concentre sur la période de l’Empire, un régime dictatorial dirigé par les Siths, face à l’irruption de la Rébellion. La deuxième trilogie décrit la période antérieure à l’Empire, où la République et l’Ordre Jedi maintiennent l’ordre dans la galaxie, et où la guerre fait rage avec les Séparatistes, téléguidés par les Siths. La dernière trilogie, pilotée par Disney, se concentre sur la période postérieure à l’Empire, où la Nouvelle République s’effondre face aux nostalgiques de l’Empire, le Premier Ordre, et où la Résistance tente encore de barrer la route, sur fond de lutte entre Sith et Jedi. Les trois trilogies couvrent un thème central : une lutte armée permanente entre deux camps, qui prend des atours manichéens autour de la question de la Force et de l’harmonie de l’univers, entre son côté lumineux défendu par les Jedi et son côté obscur propagé par les Sith. Chaque camp défend deux philosophies d’existence antagonistes : d’un côté l’harmonie et le collectif au détriment des émotions et de l’attachement, de l’autre l’intérêt personnel et la recherche de la puissance et de l’ordre. Ces guerres, qui forment le théâtre de la tragédie galactique, sont aussi l’occasion de révéler des héros, et chaque trilogie en retient un, suivant le trajet déjà décrit par Joseph Campbell dans Le héros aux mille visages, une des références de George Lucas.

 

Star Wars inclut également une esthétique militaire particulière : la première trilogie offre ainsi différentes armures de combat pour ses anonymes Stormtroopers en fonction de leur planète d’affectation, différents types de vaisseaux reconnaissables (X-Wing, croiseurs), et des armes avec leurs sons reconnaissables entre mille comme les blasters, et surtout les armes des Jedi et des Sith, le sabre laser. L’esthétique de ces guerriers est fortement inspirée des samurai des films de Kurosawa, du casque de Dark Vador aux méthodes de combat au sabre. Ces combats au sabre, qui ont pris un essor certain avec davantage de travail sur la corégraphie dans la deuxième trilogie, a même fait essaimer des écoles de combat au sabre laser, certaines rattachées en France à la Fédération française d’escrime (source).

 

 

Vous l’avez bien lu, dit comme ça, le scénario est plutôt simple, la construction des héros aussi, mais encore faut-il être efficace pour arriver à créer des hits du cinéma. Et c’est justement ici que Star Wars marque des points. Ce n’est pas un hasard si le premier Star Wars à être sorti au cinéma, Un Nouvel Espoir, va cumuler des Oscars pour le son, les costumes, les effets visuels et la direction artistique. George Lucas a en effet à cœur de créer un univers, qui a un sous-texte et un passé, et s’amuse à le développer en-dehors des films, comme cela sera développé dans les premiers ouvrages qui paraitront dans les années 80 sur l’univers. Cela crée un effet certain sur le spectateur : il est embarqué dans une galaxie lointaine, très lointaine, sans aucun repère si ce n’est l’histoire simple du film. Il embarque dans des vaisseaux spatiaux, il rencontre des robots doués de conscience, les droïdes, des races extraterrestres avec des costumes variés et surtout un langage qui n’est compris que par certains personnages dans le film. Il découvre des planètes étranges, des marais de Dagobah au désert de Tatooine en passant par la cité dans les nuages de Bespin, et il doit admettre l’existence, dans la première trilogie, d’un Empire, d’un Sénat, et de rebelles sans avoir une présentation exhaustive de ces enjeux. En bref, dans la première trilogie au moins, le spectateur est vraiment embarqué dans une aventure. Outre ce scénario simple et cette immersion, qui à deux permettent de projeter efficacement le spectateur surtout dans les années 70 ou 80, on retrouve d’une part des effets spéciaux toujours en avance sur leur temps, que ce soit pour les scènes d’action, les représentations de vaisseaux ou les incrustations, mais aussi un son et une musique iconique, de la voix de R2-D2 au tir des blasters en passant par la musique symphonique de John Williams, le compositeur attitré des neuf films, qui sera presque systématiquement récompensé pour sa bande originale.

 

II. Dans une galaxie lointaine…

 

La première trilogie à être sortie au cinéma est la seconde trilogie dans l’ordre chronologique voulu par Georges Lucas, d’où les numéros IV, V et VI. Son objectif est de nous plonger dans une guerre qui ravage une galaxie, très lointaine, et il y a bien longtemps, pour s’épargner une exposition comme nous l’avons déjà dit. Ces quelques mots, suivis d’une présentation en texte de la situation puis d’un combat spatial se finissant par un abordage et une fuite de deux droïdes, sont le prélude d’une aventure à laquelle ne s’attend pas le spectateur. Il doit comprendre par son visionnage la lutte entre l’Empire et la Rébellion, et admettre de voir des races extraterrestres, des planètes exotiques, des robots qui parlent. Le fait d’immerger le spectateur dans un univers qui a ses règles et codes implicites est efficace. Et la réussite au cinéma d’Un Nouvel Espoir (1977) illustre ce fait, en plus des effets spéciaux novateurs. Entre l’univers dépeint, et l’histoire somme toute simple mêlant vieux sage, jeune premier, baroudeur, princesse à sauver et deux robots servant de sidekick, le cocktail plait plus que ce à quoi Lucas s’attendait, avec 260 millions de dollars de recettes.

 

L’univers Star Wars est loin d’être pacifique. Même les couvertures du film montrent des vaisseaux de combat et des armes. On retrouvera surtout les trois acteurs principaux, Mark Hamill, Harrison Ford et la regrettée Carrie Fisher. Tous les trois n’ont pas eu par la suite la même carrière brillante qu’Harrison Ford, qui a continué à jouer dans des hits dans les années 80 avec Indiana Jones ou encore Blade Runner (1982). Mark Hamill se reconvertit plutôt dans les voix pour les séries d’animation et les jeux vidéos. On notera que tous les trois reviennent ensemble à l’écran pour la troisième trilogie.

 

 

S’il ne réalise pas à proprement parler les deux opus suivants, Georges Lucas reste à la manette pour son univers et le script. L’Empire contre-attaque (1980) est souvent décrit comme l’apogée de la trilogie, avec des Rebelles acculés, une tonalité plus sombre, et différents drames au fil de l’aventure qui donnent de la profondeur au récit originel d’aventure. L’Empire reprend la main et accule les rebelles, obligés de fuir, pendant que le héros tâche tant bien que mal de finir sa formation. Le Retour du Jedi (1983) clôt finalement la trilogie, avec un héros enfin accompli, une lutte qui trouve son bilan final, malgré quelques longueurs déjà relevées par les critiques de l’époque. En tous les cas, avec trois films, l’univers est lancé, et crée les principaux thèmes chers à Star Wars : l’antagonisme entre Jedi et Sith, l’entre-deux moral où se range le crime organisé et les baroudeurs spatiaux que sont Han Solo et Lando Calrissian, une géographie planétaire variée, du désert de Tatooine à la glace de Hoth en passant par la jungle d’Endor et les marécages de Dagobah, des peuples et des langages variés, et une technologie tournée vers les androïdes, les déplacement spatiaux, et la guerre. Dès cette époque, les premiers ouvrages officiels sont publiés pour parler de la construction et de la structuration de cet univers.

 

III. …Très lointaine

 

Quinze ans après la fin de la première trilogie, George Lucas reprend son script et un poste de réalisateur pour présenter ce qu’il avait prévu dès les années 70 : un retour en arrière avant la période de l’Empire. Partant pour enfin donner du contexte, cette prélogie vise à saisir le nœud de la tragédie qui a entrainé la chute de l’Ordre Jedi et de la République. Ces opus innovent sur les effets spéciaux, mais deviennent surtout très militaires, avec des armées de droïdes ou de clones qui s’affrontent de manière interposée, comme des forces presque autonomes entièrement dédiées à la guerre, et avec un Ordre Jedi numériquement important mais déclinant. Si ces trois films développent de grandes attentes chez les fans, expliquant le milliard de dollars au box-office du premier, celles-ci sont partiellement satisfaites si l’on en croit les critiques de l’époque avec la sortie de La Menace Fantôme (1999) et de L’Attaque des Clones (2002) : un scénario décevant, un étirement en longueur, et des scènes voire des personnages qui ne conviennent pas. Par contre, La Revanche des Siths (2005) est unanimement reconnu comme le meilleur de cette prélogie, qui fait le lien avec la première trilogie avec le retournement des Clones et la chute des Jedi. Le premier opus s’attarde sur les prémices de la guerre qui va ravager la galaxie et le recrutement d’un Jedi prometteur, le second s’occupe de l’adolescence de celui-ci, tandis que la guerre finit par éclater. Le troisième s’attarde sur la maturité du héros, mais qui bascule du mauvais côté, dans un jeu de miroir avec le héros de l’ancienne trilogie.

 

 

Star Wars III est l’opus-clé pour faire la bascule entre les deux trilogies, mais on peut lui reprocher d’expédier assez facilement la transformation du héros. La série d’animation Star Wars : Clone Wars fera ainsi un bien meilleur travail pour présenter sa chute, mais aussi les tenants et aboutissants politiques et diplomatiques de la guerre des Clones.

 

Après la vente de Star Wars à Disney en 2012, LucasFilm mande J. J. Abrams et Rian Johnson pour clore avec une troisième trilogie l’épopée commencée dans les années 70. Effaçant les idées développées dans des romans à succès et dans l’univers étendu appelé désormais Légendes, Star Wars part dans une nouvelle direction, qui ressemble fort à l’ancienne avec Le Réveil de la Force (2015), qui reprend le schéma narratif d’Un Nouvel Espoir, avec le fan-service en plus. Le film est d’ailleurs le quatrième film de l’histoire en terme d’entrées, c’est dire si les attentes sont encore plus importantes qu’à l’époque de La Menace Fantôme. On y rencontre une nouvelle héroïne, une nouvelle lutte, et un nouveau méchant dans la poursuite de la lutte entre Jedi et Sith. Les Derniers Jedi (2017) tranche face au ton enjoué et nostalgique de l’épisode VII : on y voit les Rebelles de la Résistance acculés dans une course contre la montre, et des Jedi qui tombent de leur piédestal face à leurs contradictions. Ce côté anti-conformiste n’a pas véritablement plu, dans un récit qui est plutôt comprimé et tombe dans divers poncifs embêtants. Pour terminer, L’Ascension de Skywalker (2019) revient au ton de l’épisode VII, reléguant donc l’épisode VIII au rang d’étrangeté, avec le retour d’un antagoniste des précédentes trilogies, la résolution de l’intrigue débutée dans le septième opus, dans un récit qui cette fois essaye d’intégrer un grand nombre d’éléments dans un temps somme toute limitée, donnant une légère impression de bâclé face à pourtant des visuels et des effets spéciaux de grande qualité. Cette trilogie est donc plutôt contrastée dans le cœur des fans.

 

Conclusion

 

La construction méthodique de l’univers, l’immersion et ses grands thèmes, l’excellente exécution, l’ambiance visuelle, sonore et musicale, et le succès au cinéma de chacun des opus, ont contribué à faire de Star Wars un des univers de space-opera les plus connus et appréciés, profitant de plus de quarante ans de produits dérivés, expliquant sa place privilégiée aujourd’hui. Au-delà de ces trois trilogies, il y aurait beaucoup à dire sur Star Wars et son univers étendu, renommé Légendes par Disney pour les productions avant 2014. On retrouve dans tout ce mic-mac les séries anglophones de guides et atlas qui décrivent aussi bien les aspects militaires, technologiques ou encore la Force, mais aussi des jeux vidéos comme la série Knight of the Old Republic (2003-2004), des comics, des romans, une attraction à Disneyland, des téléfilms désuets, des jeux de cartes, des jeux de figurine, et j’en passe. Cet univers s’étend des milliers d’années avant la période des films, avec l’Ancienne République en lutte avec l’Empire Sith, pendant la guerre des clones, et même après le Retour du Jedi, avec des luttes politiques, la reconstruction et la destruction de l’ordre jedi, la descendance des Skywalker, le Grand Amiral Thrawn, Mara Jade, etc. Depuis le rachat par Disney, un nouvel univers étendu se redessine par ces différents biais, avec des sorties de romans et de comics, centrés sur la période de la Haute République.

 

 

Ai-je besoin de rappeler une nouvelle fois que l’esthétique et l’ambiance jouent un rôle majeur dans les productions Star Wars ? Ici l’armure d’un mandalorien en premier plan, ces guerriers qui ont gagné le coeur des fans avec quelques passages de Boba Fett dans la première trilogie, quelques autres avec Jango Fett dans la seconde trilogie, et surtout au sein de l’univers étendu.

 

Au-delà de ces supports et univers étendus, Star Wars s’est jeté récemment sur deux créneaux. D’abord celui des films spin-offs, qui ont bien démarré avec un Rogue One (2016) simple mais efficace, mais un Solo : A Star Wars Story (2018) légèrement parodique qui a mis un petit coup d’arrêt au format, vu que cela coïncidait avec les sorties de la dernière trilogie. Un nouveau format commence à s’imposer, celui des séries, portées d’ailleurs par la nouvelle plateforme Disney+. On retrouve les séries d’animation, dont la plus connue et la meilleure est The Clone Wars (2008-2020), qui commence comme une série pour enfants mais finit par délivrer de vrais thèmes intéressants pour donner une profondeur à la période entre le deuxième et le troisième opus, aux niveaux militaires, politiques ou même du passage du héros vers le côté obscur. On retrouve également les séries en live-action, à l’image de The Mandalorian (2019-2020) où l’on suit les aventures d’un chasseur de primes dans la période qui s’étend entre la deuxième et la troisième trilogie, et qui manie habilement fan-service et bonne mise en scène quand il ne s’enferme pas comme dans la première moitié de la saison 1 dans un immobilisme un peu gênant. Ce format série se surajoute à la production vidéoludique, qui semble repartir de plus belle avec la recréation de Lucasfilm Games dont nous avons parlé dans l’Actu JV du mois de février, et qui pave la voie à de nombreuses sorties. En  bref, vous n’avez pas fini d’entendre parler de Star Wars.

 

Liste des films :

  • 1977 : Un Nouvel Espoir
  • 1980 : L’Empire Contre-Attaque
  • 1983 : Le Retour du Jedi
  • 1999 : La Menace Fantôme
  • 2002 : L’Attaque des Clones
  • 2005 : La Revanche des Siths
  • 2015 : Le Réveil de la Force
  • 2017 : Les Dernier Jedi
  • 2019 : L’Ascension de Skywalker

 

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