Sionisme et Palestine (La Guerre Israélo-Arabe, épisode 02)

I. La naissance du sionisme

 

Le mot « sionisme » dérive de la colline de Sion, désignant par métonymie Eretz Israel, la terre d’Israël. Celle-ci plonge ses racines dans la Bible hébraïque, dans l’histoire des royaumes antiques juifs et dans la géographie. A l’origine du mouvement sioniste de la fin du XIXe siècle, on trouve l’affirmation des identités nationales et des idées libérales, héritées de la Révolution Française et de sa diffusion dans l’Europe par les guerres napoléoniennes. Le principe de nationalité et la question de l’auto-détermination des peuples ne font pas le jeu des empires, et les courants libéraux s’opposant aux idées absolutistes en prônant la liberté individuelle. Les Juifs sont plus ou moins intégrés en Europe occidentale, là où on maintient un ensemble de discriminations en Europe orientale : les Juifs sont organisés en quartiers exclusifs appelés « ghettos », ce qui facilite les poussées antisémites se multipliant à la fin du XIXe siècle, et aboutissant aux pogroms.

 

« Pogrom » : verbe russe signifiant détruire, et désignant les pillages et les violences commis contre les Juifs en Russie entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle

 

A cela, certains intellectuels ou mécènes cherchent à trouver un juste milieu entre, d’une part, une émancipation synonyme d’assimilation, où l’identité spécifique juive est dépassée par une identité nationale, et d’autre part une soumission synonyme de multiples persécutions, comme en Europe orientale. Entre ces deux tendances, certains Juifs demandent une assimilation qui tienne compte de leur identité propre. C’est le premier jalon de formation du sionisme. Les poussées antisémites européennes, même présentes dans les lieux où les Juifs pensaient que l’assimilation était efficace, comme le prouve l’Affaire Dreyfus en France, poussent près de 600 000 Juifs à quitter l’Europe pour les Etats-Unis entre 1881 et 1903. Une minorité va pourtant se décider à rejoindre l’Empire Ottoman, et plus particulièrement la Grande Syrie, dans laquelle s’insère la « Palestine ». C’est là que les Juifs sépharades chassés d’Espagne après le XVe siècle avaient trouvé refuge et que le système des « millets » ottomans permet une relative autonomie.

 

Edmond James de Rothschild

 

La structuration d’un mouvement sioniste résulte de cette situation. A l’origine, l’Alliance Israélite Universelle (A.I.U), une société française, assiste les Juifs du secteur, tout comme les missions catholiques se structurent dans un Empire Ottoman pénétré peu à peu par les puissances européennes. Mais la vraie étape de constitution du sionisme se déroule en 1881 : un groupe de Juifs d’Europe orientale fondent le mouvement des « Amants de Sion », appuyé par des mécènes tels le Baron Edmond James de Rothschild (1845-1934), banquier français, qui se charge de financer l’achat de terres en Palestine. Théodore Herzl (1860-1904), journaliste et intellectuel, qui a notamment couvert l’Affaire Dreyfus, publie en 1896 Der Judenstaat (L’Etat des Juifs), et milite pour la constitution d’une Organisation Sioniste, fondée à la suite de la première conférence sioniste à Bâle en 1897. Il cherche un appui parmi les grandes puissances pour faciliter une installation juive, et cela passe d’abord par des négociations infructueuses avec l’Empire Ottoman. Il faudra attendre 1917 pour qu’une grande puissance, à savoir la Grande-Bretagne, soutienne officiellement ce projet.

 

II. La Palestine

 

Au sein de l’Empire Ottoman, ce vaste ensemble politique multi-ethnique se réduisant au XIXe siècle sous l’impulsion des mouvements indépendantistes et des Européens, la Palestine fait partie de la « Grande Syrie », appelée Bilad al-Sham, structurée autour de Damas et incluant Israël, la Jordanie, le Liban, la Palestine et la Syrie contemporaine, divisé ensuite en sous-ensembles. Cet argumentaire sera utilisé par les Israéliens après la reconnaissance de leur état : pour eux, la Palestine n’a jamais existé en tant qu’entité directement dépendante du gouvernement de la Porte, et les peuples arabes locaux peuvent dès lors bien rejoindre les régions alentour. L’identité palestinienne se développe pourtant au XXe siècle en réaction à la poussée sioniste.

 


L’Empire Ottoman et son organisation au début du XXe siècle.

 

Le foyer juif, le Yishouv, se constitue à partir de colonies pilotées au départ par l’A.I.U., puis par l’Organisation Sioniste, dont le but est de régénérer l’identité juive par l’éducation et le travail de la terre dans les kibboutzim, des colonies agricoles autogérées, lointaines successeurs des phalanstères et autres projets socialistes utopiques. Ce qui n’est pas toujours du goût des 25 000 Arabes Juifs Palestiniens déjà présents. Les kibboutzim se multiplient néanmoins au début du XXe siècle, et sont en 1908 au nombre de 26. Tel-Aviv est fondée à cette époque. Si les contacts sont au départ sans animosité entre les populations arabes locales et les Juifs, notamment par le fait que les colonies agricoles génèrent des emplois, c’est la Première Guerre Mondiale qui précipite les choses.

 


L’Hashomer, ancêtre des forces armées de la Haganah.

 

Malgré tout, l’Empire Ottoman tente de juguler les arrivées juives, mais l’ingérence européenne empêche de contrôler cet afflux. Les Chrétiens du Liban bénéficient déjà d’une aide française, et la protection consulaire s’étend aux Juifs. Les kibboutzim, qui ne veulent dépendre de personne, montent sur pied une milice locale : l‘Hashomer. Ces fermiers montés, armés de carabines et de sabres, patrouillent entre les différentes colonies juives. En 1912, avant la Première Guerre Mondiale, la population juive a ainsi doublée en Palestine, atteignant 50 000 individus.

 

Bibliographie indicative :

  • CLOAREC, Vincent, LAURENS, Henry, Le Moyen-Orient au 20e siècle, Armand Colin, Paris, 2003 (2000), 255p.
  • LOUIS, Florian, Incertain Orient. Le Moyen-Orient de 1876 à 1980, PUF, Paris, 2016, 420 p.
  • RAZOUX, Pierre, Tsahal. Nouvelle Histoire de l’Armée Israélienne, Perrin, Paris, 2006, 618 p.

 

La Guerre Israélo-Arabe :

 

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