Folie psychique humaniste – Psychonauts 2 (2021)

Il y a deux types de psy : ceux qui vous écoutent parler de vos tristes vies pendant une heure en griffonnant sur un papier, et ceux qui rentrent de force dans votre esprit pour tabasser vos neuro-transmetteurs pour vous remettre d’aplomb. Psychonauts 2 fait partie de la seconde catégorie. Quelques jours après les événements de Psychonauts, sorti en 2005, et de Psychonauts in the Rhombus of Ruins, sorti en 2017, on continue l’histoire de Razputin Aquato, un jeune psychique très doué, stagiaire au sein d’une organisation internationale d’espions psychiques. Toujours aussi décomplexé, le soft invite encore à s’immiscer dans la psyché d’autrui pour y régler différents traumas et naviguer dans l’histoire déjantée agréable à suivre concoctée par Double Fine Productions. Les efforts faits sur le gameplay sont également appréciables après un premier opus un peu à la traine, même si le mélange de plateformes et d’action finit par se répéter aussi inlassablement que les vagues de Covid-19.  Voyons donc ce que le jeu a dans la tête, littéralement.

 

 

Double Fine quoi ?

 

Double Fine Productions a été fondé en 2000 par Tim Schafer, qu’on retrouve à la manette de hits du jeu d’aventure au sein de LucasArts avant les années 2000, notamment derrière les déjantés Maniac Mansion : Day of the Tentacle (1993) et Grim Fandango (1998). Le nouveau studio est depuis lancé d’expérimentations en expérimentations : on retrouve les biens notés mais mal vendus Psychonauts (2005) et le beat’em’all Brütal Legend (2009), des campagnes de financement ayant donné vie au point’n’click Broken Age (2014), au jeu de tactique Massive Chalice (2015) ou encore à Psychonauts 2, des remaster de vieux jeux d’aventure de LucasArts comme Day of the Tentacle (2016) et Full Throttle (2017), mais aussi par des événements, les Amnesia Fortnight, des sessions courtes de développement pour produire des concepts originaux de jeux qui ont vu par exemple la création de l’enfantin Costume Quest (2010) ou encore du jeu de gestion Spacebase DF9 (2014). Le studio est donc bien barré, et a d’ailleurs été racheté par Microsoft en 2019.

 

Après un crowdfunding de 4 millions de dollars en 2016, Psychonauts 2 donne une suite directe au soft de 2005, dans une période où on retrouve un regain d’intérêt pour les jeux de plateforme en trois dimensions. A la fin des années 90 et au début des années 2000, les hits de la plateforme étaient Crash Bandicoot, Jak and Daxter, Ratchet & Clank, Spyro. Depuis, excepté les softs de Nintendo, le genre n’avait pas produit de grands hits, si ce n’est des mélanges avec l’aventure si on considère Uncharted ou les nouveaux Tomb Raider comme des jeux de plateformes. Pourtant, en profitant des graphismes qui ont fait un bond en avant, ce vieux genre revient à la page : la première fournée a consisté à produire des remaster des vieux hits, à l’image de Ratchet & Clank (2016), Crash Bandicoot : N. Sane Trilogy (2017) et Spyro Reignited Trilogy (2018). Face au relatif succès, on trouve désormais cette année de nouveaux softs comme Crash Bandicoot 4 : It’s About Time ou encore Ratchet & Clank : Rift Apart, vendu à un million d’exemplaires en un mois, mais aussi des softs originaux comme le jeu coopératif It Takes Two qui a passé les trois millions de copies vendus en octobre dernier. Ces soft profitent d’un gameplay qui essaye de se renouveler à chaque niveau, d’environnements plus jolis que jamais et d’une maniabilité travaillée avec les codes de notre temps. C’est donc la période idéale pour revenir donner un coup de punch coloré au genre encroûté, et peut-être éviter le sort du premier Psychonauts, succès critique mais échec commercial cuisant.

 

Petit psychique deviendra grand

 

Psychonauts 2 nous emmène donc pour la suite de l’aventure de Raz, et profite d’un sens du story-telling et du rebondissement avec humour typique de la patte du studio : on sent que des efforts ont été faits pour habiller le scénario, toujours agréable à suivre, et sûrement la raison numéro 1 qu’on a de continuer à jouer. Raz est donc maintenant stagiaire pour les Psychonautes, et va devoir gagner sa place, alors qu’une ancienne menace psychique revient faire son apparition, et que Raz va devoir reformer le plus puissant groupe de psychiques ayant existé. Cette fois, Double Fine Productions nous propose également un monde plus cohérent, qui replace l’agence secrète des Psychonauts dans l’histoire et la géographie du monde fictif peuplé de personnages aux visages asymétriques et aux couleurs de peau rocambolesques. Raz lui-même est plus développé que jamais dans ses relations avec les protagonistes du 1, les autres stagiaires et sa famille. On arrive ainsi à découvrir une galerie de personnage plus charismatiques que jamais, avec un doublage à la hauteur et des interactions qui arrivent par le biais de cinématiques ou par les multiples interactions à découvrir en se baladant dans le réel.

 

Exit le camp d’été, entre les missions on se retrouvera cette fois dans le QG des Psychonautes, dans une carrière secrète, dans des grottes, ou dans un camp abandonné, et c’est bien plus un plaisir que d’arpenter ce monde pour y découvrir ses petits secrets à coup de cartes, d’orbes et de monnaie pour améliorer vos pouvoirs psychiques ou acheter des améliorations diverses. Le tout profite de graphismes plus colorés que jamais qui nous rappellent que nous sommes en 2021, et d’une musique qui rappelle les grandes heures des dessins animés d’aventure. Mais ce n’est pas tout, que dire désormais des esprits que Raz va visiter ? Eh bien que c’est toujours un spectacle grandiose : chaque esprit a ses propres règles, ses propres challenges et ses propres adversaires à proposer à Raz, que ce soit pour calmer un esprit dérangé par l’appât du gain, un complexe d’infériorité, une dépression, ou réveiller en général des traumas enfouis. Le soft n’en fait jamais trop sur des sujets parfois assez durs, et cela lui donne un air d’humanité : il y a un sentiment d’accomplissement à aider une personne qui ne va pas bien, même si c’est en réalisant des choses délirantes et surréalistes dans son esprit, donnant au soft un aspect feel-good assez réussi. Au-delà de ça, les environnements généraux des esprits dans leur aspect sont comme le premier opus réussis, chacun ayant sa patte de couleurs. La musique s’adapte aux mondes sans être non plus mémorable.

 

Balades mentales

 

Si tout l’habillage sonore, musical et graphique se conjugue avec une histoire prenante qui me rappelle que j’adorerais avoir un dessin animé Psychonauts, il faut tout de même parler du gameplay. Dans le premier opus, la partie plateformes et combat était imprécise et répétitive. Cette fois, elle ne sera que répétitive. Raz bouge extrêmement bien : il saute, esquive, lock ses adversaires, enchaine ses pouvoirs, court, fait des cabrioles. Le jeu est extrêmement maniable, sauf à de rares exceptions comme les combats de boss. Raz profite de tous les anciens pouvoirs psychiques à l’exception de l’invisibilité et en rajoute quelques-uns : vous pourrez ainsi enflammer vos adversaires, leur tirer dessus, les frapper, récupérer des objets pour les projeter sur vos adversaires, ralentir le temps de plateformes ou d’ennemis, créer un double de papier et j’en passe. Il faudra changer de pouvoirs à la volée en en attribuant quatre à chacun des quatre raccourcis, bien qu’il soit possible d’en garder trois constamment auprès de vous pendant l’aventure : c’était le cas pour ma part du tir, de l’inflammation et de la boule de déplacement. C’est surtout car cela reste un peu désagréable de devoir attribuer et réattribuer des pouvoirs sur des raccourcis, même si c’est un moindre mal qu’auparavant grâce à une interface plus simple d’accès.

 

Malgré tout, l’expérience reste un peu répétitive vers le dernier quart de l’aventure d’une douzaine d’heures, quand vous êtes fatigués de combattre les nuées d’adversaires et de vous balader de plateformes en plateformes, ou d’aller taper la discute à tout bout de champ dans le monde réel. La diversité des esprits et le scénario sauront par contre vous convaincre de continuer. Mais surtout, les développeurs ont ôté de leur jeu la nécessité de fouiller tous les recoins des niveaux pour en extirper monnaies et cartes. Non seulement on ne vous bloquera plus dans l’aventure, mais en plus le fait d’explorer est un peu plus sympathique. Il suffit d’explorer à peine les lieux réels pour trouver suffisamment de cartes et d’orbes pour améliorer ses pouvoirs, comme des inflammations plus grandes, la capacité de s’accrocher à des pensées négatives dans la psyché de vos sujets ou encore plus de tirs avant rechargement, sans rendre le tout nécessaire. De même, les objets à acheter seront uniquement des objets de soin ou des broches d’amélioration pour vos pouvoirs. Ces deux éléments ne sont pas nécessaires pour poursuivre l’aventure, même s’il est plus simple et plus sympathique d’explorer un brin et d’avoir quelques niveaux d’avance. Toute cette facilité rend néanmoins le jeu extrêmement simple : vous mourrez uniquement sur les boss si vous ne les avez pas compris du premier coup, ou sur quelques phases de plateforme un peu difficiles.

 

On peut aussi citer en vrai le fait de ramasser des cerveaux à unir dans les niveaux pour gagner plus de vie, un détecteur à pensées vagabondes dans le monde réel aussi chiant à sortir que le détecteur à monnaie du premier opus et quelques quêtes secondaires qui vous imposent de vous balader dans le monde extérieur.

 

Conclusion

 

Psychonauts 2 est un bon soft. Il capitalise sur l’histoire déjantée du premier opus en l’étendant à un univers satisfaisant à parcourir, avec une galerie de personnages charismatiques qu’on a envie de revoir dans de prochaines itérations, dans un soft plein d’humanité face aux multiples traumas à résoudre. L’humour et l’aspect déjanté sont toujours autant présents, et les aspects horrifiques du premier opus ont été gommés. Le gameplay a enfin été amélioré, bien que ce ne soit pas l’élément le plus marquant de ce jeu. Joli coup psychique donc de Double Fine Productions, et je note ce jeu psychothérapie humaniste de choc sur 20. Si le premier opus avait reçu un accueil critique très favorable et des récompenses, il avait aussi été un échec commercial cuisant, ne devenant une icône du jeu vidéo que plusieurs années après sa sortie : reste à voir si ce soft suivra le même chemin. Ce serait dommage, car on a envie d’avoir plus d’aventures de Raz et des psychonautes.

 

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