Balade envoûtante – Ori and the Blind Forest (2015)

Personne n’attendait au tournant les Autrichiens de Moon Studios en 2015 lorsqu’ils proposent leur jeu de plateformes à la sauce metroidvania, centré sur un petit être aussi muet que fluet, qui court et saute dans des environnements somptueux, dans une nature luxuriante mais corrompue, pour restaurer l’équilibre de la lumière. Et pourtant, porté par une délicieuse direction artistique, le soft a marqué le paysage vidéoludique, raflé quelques récompenses pour ses visuels et sa musique, et a sorti en 2020 sa suite, Ori and the Will of the Wisps, toujours édité par Microsoft Studios. Plongeons dans le soft d’origine.

 

I. Et la plateforme fut

 

Ori est avant tout un jeu de plateformes en vue de côté et en deux dimensions. Votre petite créature de lumière pourra au départ sauter sur diverses plateformes, et acquiert au fur et à mesure de nouveaux pouvoirs, lui permettant de maitriser davantage son environnement : doubles sauts, dash, déviation de projectiles en les utilisant pour se propulser, sauts chargés, capacité de s’agripper au mur, sans parler des actions contextuelles comme réaliser des frappes de lumières sur les adversaires ou activer des interrupteurs à distance. Ori se manie très bien, mais se retrouvera, surtout en fin de jeu, face à des environnements qui imposeront au joueur une grande dextérité, et il ne sera pas rare de devoir esquiver un ennemi, double-sauter, récupérer un projectile au passage pour se propulser, puis dasher pour éviter des rayons maléfiques et activer la bonne plateforme au bout, tout ça en quelques instants. Mention spéciale aux donjons, qui ajoutent à cette palette de mouvement différents puzzles qui vont reposer sur la gravité, sur les téléporteurs, ou encore le vent.

 

Il faudra dans ce donjon jouer avec la gravité pour esquiver les obstacles, ou sauter d’une plateforme à l’autre en fonction de votre orientation. Cette partie puzzle, qu’on retrouve dans les donjons, moments forts de l’aventure, est assez bien pensée et renouvelle l’aventure. Tout comme les phases d’échappée qui augmenteront votre tension artérielle dans un sprint effréné vers la sortie et sans erreur possible.

 

L’aventure se déroule ainsi sur une carte où apparaissent d’entrée de jeu toutes les zones, des sombres grottes aux cimes de la forêt. Chacune de ces zones est à découvrir au fur et à mesure que vous débloquez de nouvelles capacités de déplacement ou des pouvoirs pour ouvrir des portes secrètes, casser des morceaux de bois fragiles ou utiliser votre énergie pour ouvrir des portes aux esprits. Aucune de ces zones n’est de trop, et chacune apporte sa patte musicale, sonore et visuelle, qui apportent une touche de mélancolie, d’étrangeté ou de danger en fonction des moments. Chacun des environnements est marqué par la superposition d’éléments de décor en trois dimensions qui donnent de la profondeur de champ au jeu en deux dimensions et davantage de vie, que ce soit pour nous montrer une cascade, un magnifique paysage, ou un redoutable adversaire, au milieu de sons d’ambiance, légèrement perturbés par les sons des ennemis et de leurs projectiles, qui dérangent la contemplation du joueur, surtout à la fin de l’aventure. C’est bien dommage, d’autant qu’on sent le travail réalisé pour donner vie à ces environnements qui rappellent les plus belles productions d’animation (Ghibli et cie) avec cette nature omniprésente, envoûtante et parfois mortelle, matérialisée par des créatures mutantes qui rappellent certains monstres de Nausicaä de la Vallée du Vent (1984).

 

Admirez le jeu de lumière et l’atmosphère inquiétante du lieu.

 

II. Retrouver la lumière

 

La quête d’Ori prend dès les premières minutes son importance. Face à la mort de la forêt et des siens, Ori rencontre un esprit qui a besoin de lui pour restaurer l’harmonie. Au fur et à mesure de l’aventure, il tombera sur les reliques d’un passé lumineux, récupérant les pouvoirs d’anciennes créatures de la lumière, chacune nommée, donnant au tout la mélancolie qui convient. Ori avancera de zones en zones pour capter les pouvoirs et redonner vie à la forêt. Les séquences des donjons sont particulièrement prenantes, augmentant l’aventure avec différents puzzles et une phase d’évasion où vous êtes pressés par l’environnement lui-même. L’histoire, contée à demi-mots par votre compagnon de lumière et par les interventions de l’Arbre aux esprits, se passent la plupart du temps de paroles, en concentrant l’intensité dramatique grâce aux actions, à l’environnement, et surtout à la redoutable musique de Gareth Cooker, qui nous baladera d’une composition orchestrale à l’autre, qui alterneront entre la mélancolie, l’étrangeté de l’environnement et la joie, tout en laissant place parfois à l’urgence de la situation.

 

On dirige Ori dans un jeu en deux dimensions, mais les graphismes du soft utilisent toutes les dimensions pour créer une profondeur de champ, qui donne vie à l’environnement et à l’action. Ici, gare à la chouette !

 

Outre ses capacités de déplacement, Ori pourra utiliser dans sa quête trois types de ressources. Il devra gérer en temps réel sa vie ou son énergie, qu’il peut récupérer dans son environnement, mais pourra également trouver des orbes pour augmenter son total au départ très limité, pour d’une part survivre aux ennemis, aux piques, à la lave et j’en passe, et d’autre part utiliser ses batteries de compétences pour ouvrir des portes secrètes, activer des interrupteurs ou mettre en place des points de sauvegarde, toujours trop limités au début. La troisième ressource sera l’expérience, retrouvée dans des orbes ou sur les monstres, qui donnera des points de compétence à Ori, qu’il pourra dépenser dans trois branches, matérialisée par des couleurs : la rouge permet d’améliorer sa capacité offensive, avec ses traits de lumière toujours plus efficace, la violette d’améliorer l’aspect utilitaire et exploratoire, pour avoir l’emplacement des secrets ou améliorer la reprise de vie ou d’énergie. La bleue enfin améliore les capacités de déplacement, permettant entre autre de respirer sous l’eau, de dasher en l’air et même de faire un triple saut.

 

Demeures d’esprits désormais partis, ces lieux symboliques permettront à Ori de développer de nouvelles compétences. Notons au passage les symboles affichés en bas de l’écran : de gauche à droite nous avons l’énergie, l’expérience qui à chaque tour complet accorde un point de compétence, et la vie. Réaliser une sauvegarde coûte par exemple un d’énergie, tout comme utiliser une bombe de lumière. Vous pourrez retrouvez dans l’aventure des orbes qui vont améliorer votre total de vie ou d’énergie.

 

Les trois branches de compétences. Je recommande la bleue pour augmenter les capacités de déplacement, et la rouge pour le potentiel offensif qui, quoique répétitif, est parfois indispensable pour progresser. Le violet est plutôt dispensable.

 

III. Le jeune metroidvania

 

Sur son chemin, au-delà des puzzles et des adversaires allant de grenouilles obscures aux rapaces sombres, force est de constater que l’arsenal offensif se limitera à utiliser systématiquement la frappe automatique de lumière et esquiver les traits adverses, avant d’avoir un arsenal offensif plus intéressant. Dans cet univers, la liberté de progression du joueur sera fortement contrebalancée par la nécessité de trouver des nouveaux pouvoirs dans un ordre précis, rendant l’aventure un brin linéaire. Malgré tout, le soft peut être qualifié de metroidvania. Le terme est tiré de la contraction des séries de science-fiction Metroid (1986-2017) et de morts-vivants Castlevania (1986-2014), deux séries qui mélangent plateforme et aventure, avec des héros qui débloqueront des zones au fur et à mesure, avec des clés ou de nouvelles compétences, autour d’un level design pensé pour. Ori rentre ainsi en partie dans cette catégorie, malgré sa relative linéarité.

 

Eau croupie et sombre grotte.

 

Le soft se finira en une petite dizaine d’heures, de quoi avoir la moitié des secrets et d’aller au bout d’une aventure en étant porté par l’émotion des situations. On notera ce fameux pic de difficulté de la fin, où la dextérité du joueur sera belle et bien requise pour triompher de tous les dangers, dans des endroits bourrés d’ennemis et de puzzles. La Definitive Edition, parue en 2016 au prix à l’époque prohibitif de cinq euros pour les possesseurs du titre original, et sinon vendue à vingt euros pour les autres et incluant l’aventure originale, rajoute une poignée de zones, et la possibilité d’activer des points de sauvegarde pour se téléporter et éviter d’aller à pied. Cela permet d’économiser un peu de temps, notamment si vous voulez découvrir des zones déjà passées mais pour lesquelles vous ne pouviez pas accéder à quelque plateforme sans double saut ou sans saut chargé. Pourtant, ce grind que nous nous sommes efforcés de faire vers le milieu de l’aventure pour récupérer des orbes de vie ou d’énergie n’était pas forcément des plus passionnants. Dommage que ces zones ne cachent pas autre chose, comme des tranches narratives ou des secrets qui auraient pu permettre d’ajouter à l’univers, et aurait davantage donné envie de s’y aventurer.

 

Tout le soin accordé aux environnements et à la lumière transparait dans l’objectif à atteindre : restaurer l’harmonie.

 

Conclusion

 

Malgré la linéarité, une relative difficulté, et l’intérêt relatif d’aller chercher tout ce qu’on peut collecter dans des zones déjà visitées, Ori and the Blind Forest s’impose avec sa direction artistique aussi ambitieuse visuellement que musicalement, sa logique de progression, son histoire qui se passe souvent de mots, son antagoniste principal qui offre des moments aussi émouvants qu’explosifs, et ses mécaniques de plateforme en deux dimensions efficaces, mais requérant une bonne précision et dextérité de la part du joueur. Cette balade est ainsi aussi réussie qu’envoûtante.

 

Liste des jeux vidéos du site.

 

Liste des jeux de plateforme :

Leave a Reply