Flotte et Garnisons sous le Règne de Persée (8/) – La Légion face à la Phalange

(Cette série d’articles est reprise de mon mémoire de recherche intitulé La Légion face à la phalange. L’armée des derniers rois antigonides face aux conquêtes romaines, à travers l’oeuvre de Tite-Live, et soutenu en 2017 à Paris-Sorbonne, sous la direction de M. François Lefèvre.)

 

Le royaume antigonide est une puissance essentiellement terrestre. Au temps de Philippe V, les garnisons des compedes permettent d’entraver la Grèce, et une première inflexion navale est prise, largement contrebalancée par la présence romaine lors des deux premières guerres de Macédoine et par les ennemis de la monarchie.

Après Cynoscéphales et la confiscation d’une partie de la flotte, Philippe V a jusqu’en 179 reconstitué les forces de son royaume, et à sa mort, Persée prend la suite. Quant aux garnisons, elles se placent désormais aux frontières du royaume de Macédoine, et servent de modestes points d’appuis pour exercer une influence locale. D’autant plus qu’en 169, les Romains progressent pour la première fois au sein du royaume de Macédoine.

 

I. Une flotte reconstituée ?

 

a) Occurrences

 

En 169, 10 lembi macédoniens déposent des auxiliaires gaulois dans la ville de Cassandréa, de nuit[1].

Un an plus tard, Persée envoie 40 lembi et 5 pristes pour sécuriser les convois de blé en provenance de Mer Egée[2]. Les 50 onenariae bloqués par les Rhodiens et Eumène sont ainsi libérés par les praefecti Anténor et Callipos, et raccompagnés par 10 lembi jusqu’en Macédoine. La flotte macédonienne continue de patrouiller dans les eaux, découvre une flotte d’Eumène transportant des cavaliers gaulois, font débarquer des troupes de marine pour les poursuivre et en éliminer une bonne partie.

Sur l’île de Délos, les socii nauales des 40 lembi de Persée appareillent uniquement la nuit, par groupes de 2 ou 3, pour pratiquer la piraterie, sous le commandement du praefectus Anténor[3]. La journée, ils sont dits protégés par le sanctuaire et côtoient les hommes d’Eumène et les Romains.

 

b) Une flotte active

 

Il est raisonnable de penser que ces 40 lembi et ces 5 pristes n’apparaissent pas de nulle part. La force antigonide utilise majoritairement ces embarcations légères, vraisemblablement pour protéger les convois de blé, patrouiller dans les eaux antigonides, et pratiquer la piraterie. La différence entre les pristes et les lembi n’est pas évidente, car il s’agit de deux embarcations légères, et Tite-Live a semble-t-il découvert dans ses sources deux types de bateaux mentionnés : les λέμϐοι (lemboi), et le terme traduit par pristes.

A la mort de son père, après avoir repris en main le royaume, Persée regarde certes vers l’Asie[4], mais bien plutôt vers la Grèce où son influence porte davantage[5]. A ce titre, la flotte n’est pas une priorité, et reste cantonnée aux tâches que nous avons énumérées. Plus encore que sous Philippe V, la puissance antigonide est une puissance terrestre.

 

II. Garnisons citoyennes ou garnisons étrangères ?

 

a) Les garnisons des places extérieures

 

En 171, les premières victoires en Thessalie permettent d’établir une garnison à Larissa Crémastè, qui est évacuée face aux succès romains[6].

Le Sénat invective les Crétois sur leur faculté à se vendre à la fois à eux et à leurs adversaires, en les accusant de composer les praesidii antigonides[7].

En 170, dans l’oppidum d’Uscana en Illyrie, un détachement de Crétois appuyé par la population repousse une attaque romaine[8].

Cette poussée dans la zone frontalière entre Illyrie et Macédoine est confirmée lorsque Persée renforce la garnison d’Uscana et quelques autres places de la région[9].

La garnison d’Uscana repousse une nouvelle fois les Romains, et on apprend qu’une garnison macédonienne tient une place épirote, Phanota, sous les ordres de Clévas[10].

Persée place aussi une garnison de 800 hommes sous la direction d’Archidamus, un membre de son conseil, en Apérantie[11].

A Phanota, la garnison de Clévas, semi-indépendante, poursuit les Romains en Epire, jusqu’à attaquer avec des renforts la ville d’Antigonè[12]. Persée retire lui-même 1 000 pedites et 200 equites de Pénestie pour renforcer Cassandré.

 

Avant les années décisives que sont les années 169 et 168, Persée réussit à établir des têtes de pont à la frontière de son royaume, au gré des combats : Thessalie, Illyrie, Pénestie, Epire. Il s’agit de mercenaires crétois, ou de troupes du royaume. On retrouve ainsi beaucoup moins de garnisons que sous Philippe V : les conditions de la guerre ne sont pas les mêmes.

 

b) Les garnisons de Macédoine

 

Face à l’avancée romaine de 169, Persée évacue les forts les plus proches de la frontière[13].

A Antigonè, les pillards romains sont repoussés par des pedites et des equites macédoniens[14].

A Cassandréa, la juventus de l’oppidum combat avec 800 Agrianes et 2 000 Illyriens. Les mercenaires et la population militaire locale font corps[15].

La cité de Cassandréa reçoit de nuit des renforts navals sous la formes de mercenaires gaulois, tandis que Toronè est mieux défendue que ce que les Romains prévoyaient[16].

Persée envoie 2 000 delecti à Mélibée sous le commandement du dux Euphranor, sûrement des peltastes. Après la fuite des assiégeants, ils motivent la garnison de Démétriade à sortir pour faire fuir les Romains[17].

A Thessalonique, Athénagoras et Eumène commandent 2 000 caetrati et reçoivent du renfort de la part de Persée[18].

Après Pydna, Diodore, le gouverneur d’Amphipolis, évacue les 2 000 Thraces de la citadelle[19].

           

Au moment où les Romains rentrent en Macédoine, les garnisons sont plus importantes, plus nombreuses, et les villes sont de fait beaucoup plus difficiles à prendre qu’au moment de la Deuxième Guerre de Macédoine où Philippe V devait disperser ses troupes. On compte ainsi l’armée régulière, les mercenaires, mais aussi des soldats-citoyens, inspirés du modèle militaire à la grecque dans les villes macédoniennes d’origine grecque[20].

 

Conclusion

 

Le rôle de la flotte et des garnisons reste assez similaire d’un règne à l’autre, mais les circonstances sont changeantes. Si des efforts navals sont réalisés sous Philippe V, on aboutit dans les deux règnes à une flotte d’embarcations légères, servant à des activités de piraterie, de patrouille ou de transport. Les garnisons sont quant à elles toujours composées de mercenaires ou de troupes régulières. Mais à partir de 169, les garnisons prises à parti sont bel et bien celles de la terre macédonienne, mieux défendues, plus imprenables, et composées aussi de milices citoyennes à la grecque.

 

La légion face à la phalange :

 

Autres points d’histoire :

 

Notes :

[1] Tite-Live 44.12 (citation 277).

[2] Tite-Live 44.28 (citation 291).

[3] Tite-Live 44.29 (citation 292).

[4]WILL, Edouard, Histoire Politique du Monde Hellénistique (323-30 av. J.-C.), « Tome 2 : Des avènements d’Antiochos III et de Philippe V à la fin des Lagides », Seuil, Lonrai, 2003 (1e éd. 1966), p.260-262

[5] Ibid., p.262-263

[6] Tite-Live 42.67 (citation 241).

[7] Tite-Live 43.7 (citation 243).

[8] Tite-Live 43.10 (citation 255).

[9] Tite-Live 43.20 (citation 260).

[10] Tite-Live 43.21 (citation 261).

[11] Tite-Live 43.22 (citation 264).

[12] Tite-Live 43.23 (citation 265).

[13] Tite-Live 44.6 (citation 271).

[14] Tite-Live 44.10 (citation 275).

[15] Tite-Live 44.11 (citation 276).

[16] Tite-Live 44.12 (citation 277).

[17] Tite-Live 44.13 (citation 278).

[18] Tite-Live 44.32 (citation 294).

[19] Tite-Live 44.44 (citation 302).

[20]HATZOPOULOS, M. B., Macedonian Institutions Under the Kings. A Historical and Epigraphic Study (Tome I), De Boccard, Paris, 1996, 554 p. : il décrit notamment l’histoire de la formation du royaume de Macédoine, et l’accrétion des villes grecques qui conservent ainsi une partie de leurs institutions.

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