Bilan sur la cavalerie antigonide (7/) – La Légion face à la Phalange

(Cette série d’articles est reprise de mon mémoire de recherche intitulé La Légion face à la phalange. L’armée des derniers rois antigonides face aux conquêtes romaines, à travers l’oeuvre de Tite-Live, et soutenu en 2017 à Paris-Sorbonne, sous la direction de M. François Lefèvre.)

Philippe V est souvent présenté en train de charger à la tête de sa cavalerie des cohortes adverses. C’est beaucoup moins le cas de son successeur. Quoi qu’il en soit, la cavalerie macédonienne est l’autre composante essentielle des armées antigonides au substrat national. Il n’est pas aisé de se retrouver au milieu des génériques equites présentés par Tite-Live, mais tâchons de retrouver l’essentiel de cette force à cheval.

I. La cavalerie d’élite

a) Occurrences

En 172, les amici et les satellites de Persée participent aux négociations diplomatiques avec les Romains[1].

Au moment du combat de cavalerie à Callinicos, en 171, les equites regii se mêlent aux troupes légères[2]. Ménon d’Antigonéa dirige le dispositif de l’aile droite, tandis que le roi se retrouve entre l’agema et l’ala sacra.

Avec des Crétois et Thraces, l’ala sacra est engagée avec la cavalerie macédonienne et le roi par les forces du consul, alors qu’ils encerclent un détachement de 800 hommes. On dénombre 24 morts pour cette unité, et la perte du praefectus Antimachus[3].

Un amicus de Persée est chargé en 169 de cacher le trésor de Pella[4].

L’equitatu macédonienne est présente au moment de la rencontre entre Gentius et Persée pour sceller leur alliance en 168[5].

Enfin, à Pydna, les cavaliers de l’ala sacra, ainsi que la plupart des cavaliers des ailes, accompagnent Persée dans sa fuite du champ de bataille[6].

b) Compagnons et aile sacrée

Les Amis du roi sont vraisemblablement des ϕίλοι (Philoi), c’est-à-dire des Macédoniens de très bonne famille, des conseillers, chevauchant avec le roi notamment à la guerre, comme tout aristocratie guerrière, et dans les tractations diplomatiques.

Si la cavalerie macédonienne est à peine nommé, on note tout de même la présence d’une ala sacra. Comme pour Philippe V, il devrait s’agir du βασιλική ἴλη (l’escadron royal), assurant des fonctions de garde et de cavalerie de choc. On les voit notamment protéger le roi avec l’agema à Callinicos, et au moment où l’armée royale est contrainte de se replier face aux renforts romains.

II. Effectifs

a) Occurrences

D’après l’estimation d’Eumène face au Sénat en 172, Persée dispose de 30 000 pedites et de 5 000 equites[7].

Au moment de la guerre, sur les 43 000 armati rassemblés par Persée, on compte 3 000 equites macédoniens[8].

A l’hiver 170/169, Persée prépare 10 000 pedites, 500 equites et 2 000 soldats légers pour faire campagne en Illyrie[9].

Appelé en Etolie en 169, Persée y descend avec 10 000 pedites et 300 equites[10].

Persée retire 1 000 pedites et 200 equites de Pénestie pour leur faire garder Cassandré[11].

Avant la bataille décisive de Pydna, Persée fait patrouiller sur la côte 1 000 equites menés par Créon d’Antigonè[12].

b) Structuration

L’effectif maximum relevé pour le règne de Philippe V était de 2 000 equites macédoniens. Eumène propose 5 000, mais Tite-Live chiffre au nombre de 3 000 le nombre d’equites macédoniens en 171. Avec si peu de mentions chiffrées, difficile d’élaborer un raisonnement.

Toutefois, si l’on prend les 29 000 soldats macédoniens, c’est-à-dire à peu près 21 000 phalangites, 5 000 soldats d’élite et 3 000 cavaliers, nous obtenons une proportion de 10.3%, assez proche de ce que nous avions pu trouver pour Philippe V (autour de 9.09%). Les forces se sont bel et bien reconstituées, et si les cavaliers sont en nombre supérieur, le reste de l’armée macédonienne l’est aussi.

Pour en revenir aux structurations tactiques, on trouve des groupes de 200 cavaliers, d’autres de 300, assimilés eux par M. B. Hatzopoulos à l’escadron royal, d’autres de 500, ce qui peut caractériser la somme des deux précédents, et enfin par groupe de 1 000.

A partir de la stèle de Létè[13], nous avons déterminé que les cavaliers macédoniens, tous appelés ἑταῖροι depuis Alexandre III, se structuraient en deux groupes de 15, à la manière des turmae romains. Nous aboutissions ainsi à des groupes de 210 ou de 240 hetairoi, correspondant à une approximation de 200 ou de 250, ce qui explique les groupes de mille et les groupes de deux cents, mais qui ne permet toujours pas de savoir quel est le nombre théorique.

III. Fonctions

a) Une cavalerie mobile

Juste avant la bataille de Callinicos de 171, le roi utilise ses equites avec ses leues armaturae pour se porter en avant de son camp[14]. Après une petite escarmouche entre les Macédoniens, les Thraces et les Crétois de Persée face aux Gaulois, aux Mysiens et aux Crétois d’Eumène, les troupes se séparent.

Pour la bataille de Callinicos, les cavaliers royaux de l’aile droite et l’ala sacra près du roi combattent avec des troupes légères et d’autres cavaliers étrangers, face au même type de dispositif en face[15].

Peu après la bataille, des equites, accompagnés par le roi, des Thraces et des Crétois surprennent les Romains, font du butin, et encerclent un détachement de 800 hommes[16], avant que le gros des forces romaines ne les fassent repartir[17].

Les equites macédoniens sont avant tout des cavaliers mobiles, capables d’être utilisés avec les forces les plus légères pour tendre des embuscades, lancer des escarmouches, ou encore s’enfuir du champ de bataille en cas de coup dur comme à Pydna, où la phalange n’a pas cette chance[18].

Nous avons peu d’indices pour le règne de Persée témoignant de charges furieuses comme au temps du père, excepté au moment où Antimachus et 24 membres de l’ala sacra meurent au combat lorsque les Romains interrompent l’escarmouche[19].

b) Une cavalerie de garnison et de patrouille

Persée laisse des equites et des pedites garder le passage des gorges du Pénée[20]. Il s’agit vraisemblablement de cavaliers mercenaires, souvent utilisés comme troupes de garnison.

Deux cents equites sont retirés de Pénestie pour garder la place de Cassandré[21].

En 169, les incursions du nouveau consul inquiètent Persée, qui fait patrouiller ses equites sur la côte pour prévenir toute tentative d’invasion[22].

En 168, la même chose se produit avec 1 000 equites et Créon d’Antigonè à leur tête[23].

Comme les cavaliers antigonides disposent d’un cheval, ils sont donc très utiles pour patrouiller dans une zone étendue, ou de sortir d’une cité pour patrouiller. D’autant plus que la zone à surveiller est la plaine littorale, mise en danger en 169 puis en 168, sous deux consulats plus agressifs.

Conclusion

Dans la partie consacrée à Persée, les mentions de cavalerie sont bien peu présentes. Persée semble moins agressif dans sa conduite militaire que Philippe V, l’empêchant de se retrouver à la pointe des combats, jusqu’à manquer périr.

On retrouve ainsi 3 000 hetairoi, incluant ou non les 300 membres de l’escadron royal antigonide. Il s’agit vraisemblablement d’une cavalerie de contact, lourde, et qui peut agir en conjonction avec de la cavalerie mercenaire plus légère, ou avec de l’infanterie légère.

Aucune mention d’équipement n’est faite, et on en déduit comme précédemment la présence d’un équipement défensif, d’un bouclier[24], d’une lance, de quelques javelots et d’un écuyer à pied.

La légion face à la phalange :

Autres points d’histoire :

Notes :

[1] Tite-Live 42.39 (citation 214).

[2] Tite-Live 42.58 (citation 232).

[3] Tite-Live 42.66 (citation 240).

[4] Tite-Live 44.6 (citation 271).

[5] Tite-Live 44.23 (citation 286).

[6] Tite-Live 44.42 (citation 301).

[7] Tite-Live 42.12 (citation 197).

[8] Tite-Live 42.51 (citation 225).

[9] Tite-Live 43.18 (citation 260).

[10] Tite-live 43.21 (citation 263).

[11] Tite-Live 43.23 (citation 265).

[12] Tite-Live 44.32 (citation 294).

[13]HATZOPOULOS, M. B., Macedonian Institutions Under the Kings. Epigraphic Appendic (Tome II), De Boccard, Paris, 1996, document n°79 : Stèle de Létè.

[14] Tite-Live 42.57 (citation 231).

[15] Tite-Live 42.58 (citation 232).

[16] Tite-Live 42.65 (citation 239).

[17] Tite-Live 42.66 (citation 240).

[18] Tite-Live 44.42 (citation 301)

[19]Tite-Live 42.66 (citation 240).

[20] Tite-Live 42.54 (citation 228).

[21] Tite-Live 43.23 (citation 265).

[22] Tite-Live 44.2 (citation 267)

[23] Tite-Live 44.32 (citation 294).

[24] Nouveau pour l’époque : HATZOPOULOS, op. cit., p.54

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