Introduction (1/) – La Légion face à la Phalange

(Cette série d’articles est reprise de mon mémoire de recherche intitulé La Légion face à la phalange. L’armée des derniers rois antigonides face aux conquêtes romaines, à travers l’oeuvre de Tite-Live, et soutenu en 2017 à Paris-Sorbonne, sous la direction de M. François Lefèvre.)

 

Un nouvel art de la guerre ?

 

La Conférence de Nicée de novembre 198 prend place dans le contexte de la Seconde Guerre de Macédoine, commencée en 200[1]. Après la défaite des gorges de l’Aoos[2] et diverses tribulations en Thessalie[3], le roi Philippe V se retrouve face à Flamininus et ses alliés pour considérer une trêve. Encore indécis quant au maintien de son commandement en Grèce, Flamininus[4] propose à l’Antigonide d’écouter les griefs des uns et des autres. Un Etolien du nom d’Alexandre interrompt la conférence en prononçant une diatribe enflammée envers Philippe :

« Philippe était aussi malhonnête quand il proposait la paix que lâche quand il se battait : il ne songeait qu’à tendre des pièges à ses interlocuteurs et à les tromper. Au lieu de faire la guerre en rase campagne et de livrer des batailles régulières, il pillait et brûlait les villes dans sa fuite ou, une fois vaincu, détruisait le butin qui revenait aux vainqueurs. Les anciens rois de Macédoine n’agissaient pas de la sorte : ils avaient coutume de se battre en ligne et d’épargner autant que possible les villes pour augmenter la richesse de leur empire. Car enfin, détruire les biens pour lesquels on se battait et ne garder que la guerre, cela avait-il un sens ? Depuis un an, Philippe avait saccagé en Thessalie plus de villes alliées que l’ensemble des ennemis ne l’avaient jamais fait. Même eux, les Etoliens, avaient plus souffert depuis qu’ils étaient dans son alliance que lorsqu’ils étaient en guerre. Il avait occupé Lysimachia après en avoir chassé le commandant et la garnison étolienne. Il avait totalement ruiné et détruit la ville de Kios, soumise à leur atrocité. Il s’était emparé de Thèbes-de-Phthie, d’Echinos, de Larissa Crémastè et de Pharsale avec la même perfidie. »[5]

 

Cette citation est à rapprocher de celle de Polybe, traitant du même sujet :

« Après que Phainéas eut parlé, Alexandros dit l’Isien, qu’on tenait pour un homme habile et un orateur éloquent, intervint à son tour.

Il affirma que Philippe n’était disposé ni à faire la paix sincèrement maintenant, ni à se battre courageusement quand il le faudrait ; que, dans les conférences et les entrevues, il tendait des pièges à ses interlocuteurs, guettait les occasions et se comportait en homme qui fait la guerre, mais que, dans la conduite des opérations militaires proprement dites, il faisait preuve d’une perfidie et d’un manque de générosité passant toute mesure ; qu’au lieu de marcher à l’ennemi pour l’affronter en face, il battait en retraite devant lui en incendiant et en saccageant les villes, tactique par laquelle, tout en ayant le dessous, il enlevait aux vainqueurs le prix de leur victoire.

Ceux qui avaient régné avant Philippe sur les Macédoniens en avaient, dit-il, usé tout à l’inverse. Ils se battaient toujours en rase campagne et on les voyait rarement saccager ou détruire des villes. On l’avait bien vu lors de la guerre menée en Asie par Alexandre contre Darius, puis au cours de la lutte engagée par tous ses successeurs contre Antigonos pour la possession de l’Asie.

Et ceux qui étaient venus après jusqu’à Pyrrhos avaient fait la guerre de la même façon.

Toujours ils étaient prêts à livrer bataille en rase campagne et ils faisaient tout pour abattre leurs adversaires par la force des armes, mais ils épargnaient les cités, pour que le vainqueur pût régner sur elles et être honoré par les populations soumises à son autorité.

Mais anéantir l’enjeu même de la guerre, tout en renonçant à vraiment faire cette guerre, c’était là agir en fou et en fou furieux. Et c’était précisément ce que Philippe faisait maintenant. Ainsi, dans cette Thessalie, dont il était l’ami et l’allié, il avait, à la suite de sa retraite hâtive par les défilés de l’Epire, détruit plus de villes que n’en avait jamais détruit aucun ennemi déclaré des Thessaliens. »[6]

 

Ces deux discours qui se superposent mettent en valeur deux arts de la guerre très différents l’un de l’autre.

C’est bel et bien une sorte d’art « traditionnel » de la guerre qui est encensé ici, porté par le poids de la tradition et par les ancêtres de Philippe[7], parmi lesquels on retrouve assurément Alexandre III dit le Grand[8]. Centré autour de la bataille rangée en terrain découvert, ce modèle s’oppose à la surprise, à l’embuscade, à la prise de villes. Mieux encore, le butin est vu comme une juste récompense du vainqueur[9]. Aussi, la politique de la terre brûlée de Philippe V en Thessalie choque. On le voit, ce modèle se rapproche de ce que V. D. Hanson appelle « The Western Way of War »[10].

D’une manière bien différente se déroule ce qu’on peut appeler un art « contemporain » de la guerre : d’après Alexandre l’Isien, c’est celui de Philippe V. Tendre des pièges verbaux ou militaires, piller, empêcher le vainqueur de profiter de sa victoire, pratiquer la guerre de siège, les raids, la « petite guerre » : en bref, ne pas tenir compte de la tradition militaire des aînés prônant la bataille rangée. Il s’agit vraisemblablement d’une approche plus pragmatique et moins honorable de la guerre, et pourtant extrêmement actuelle lors des trois Guerres de Macédoine[11], si lourdes de conséquences pour le monde grec[12].

 

La question que nous pouvons nous poser ici est simple : les conditions de la guerre sont-elles les mêmes qu’à l’époque classique ? La tradition militaire est-elle figée dans le passé ? Assurément, non ; comme pouvait si bien le dire Jean-Pierre Vernant en 1968, « [l]a guerre n’est pas un fait humain constant et universel. »[13]

Il faut d’abord considérer que le monarque hellénistique se définit par ses victoires militaires et par ses talents au combat – l’officier de l’époque se bat en première ligne : « Le roi hellénistique apparaît d’abord comme un chef de guerre couronné par le succès » selon Pierre Ducrey[14]. D’où la recherche permanente de la victoire à tout prix : le souverain n’est élu des dieux que par celle-ci. On assiste à la formation d’une théologie de la victoire[15].

Par ailleurs, les « soldats-laboureurs »[16], appelés au combat en cas de danger, portant un équipement acheté par leur soin, mobilisés durant une période limitée dans le temps font place aux armées professionnelles, entraînées, et équipées partiellement par l’Etat, capable de répondre à des objectifs stratégiques plus imposants[17]. Il  faut dès lors les nourrir, les payer, les occuper, avec pour voie de conséquence le pillage, la recherche du butin et de nourriture. P. Lévêque parle d’un « monde des soldats »[18].

De même, l’art de la poliorcétique a considérablement évolué. Pour l’époque classique, on peut encore dire : « Une fois fortifiée, une place est quasi imprenable et l’occupation des remparts peut, selon lui [Thucydide], être confiée aux hommes âgés ou inaptes à faire campagne. L’avantage resta longtemps aux défenseurs »[19]. Ce n’est plus le cas à l’époque hellénistique, avec l’évolution des machines de siège et les objectifs stratégiques que représentent les villes[20] : le deuxième roi de la lignée des Antigonides a pour surnom le « Poliorcète », et Philippe V a besoin pour tenir la péninsule balkanique de posséder les « entraves de la Grèce »[21], à savoir Chalcis, Démétrias et Corinthe, dont la possession est vitale. Prendre une ville et y mettre une garnison, c’est le moyen de tenir un bout de territoire grec. Le siège est devenu un « aspect particulièrement important de la guerre hellénistique »[22]. A ce titre, la Deuxième Guerre de Macédoine apparaît bien d’abord comme une guerre de sièges[23].

 

L’évolution de la poliorcétique, la professionnalisation des armées et la place de la guerre dans le trajet d’un monarque hellénistique tendent à rendre compte plus précisément du point de vue d’Alexandre l’Isien. L’art de la guerre macédonien de Philippe V, puis de Persée, est d’ailleurs à l’image de celui de ses adversaires[24] ; en effet, lorsque l’on parle de l’armée antigonide sous les deux derniers rois de Macédoine, on ne peut que le mettre en rapport avec celui des Romains, adversaires privilégiés de ces derniers.

 

Un contexte géopolitique précis : le milieu de la période hellénistique.

 

En pleine troisième guerre de Macédoine, un discours de Persée reconstitué au discours indirect par Tite-Live dit ceci :

« A eux maintenant de retrouver l’ambition de leurs ancêtres : maîtres de l’Europe, ils étaient allés en Asie et avaient découvert, les armes à la main, un monde dont on n’avait encore jamais entendu parler ; ils n’avaient mis de terme à leurs conquêtes que le jour où, arrêtés par la mer Rouge, ils n’avaient plus trouvé de terres à conquérir. Aujourd’hui, bien sûr, ils n’avaient plus à se battre pour les régions les plus reculées de l’Inde mais pour garder la Macédoine. En faisant la guerre contre son père, les Romains s’étaient parés du vain titre de libérateurs de la Grèce. Maintenant, ils ne cachaient plus leur intention d’asservir la Macédoine pour qu’il n’y ait plus de roi à proximité de l’Empire romain ; leur intention était de désarmer un peuple qui s’était illustré à la guerre. S’ils refusaient la guerre et acceptaient de se plier aux ordres, ils seraient forcés de livrer à ces maîtres tyranniques, outre leurs armes, le roi et son royaume. »[25]

Retenons que cette présentation rapide des circonstances de la Troisième Guerre de Macédoine et de la nécessité de combattre est appuyée par les faits historiques et géopolitiques de la période. Mais pour en arriver au point où la dynastie antigonide elle-même doit lutter pour sa propre survie, il faut remonter au moment où la République romaine apparaît comme acteur politique puis militaire en Grèce jusqu’à conquérir par la force des armes son statut.

 

Avant de comparer deux arts de la guerre, il importe ainsi de brosser un contexte général justifiant le choix de Philippe V comme point d’accroche[26]. Tout part de la « question illyrienne »[27] qui voit la formation à Rome d’un ensemble d’intérêts politico-militaires visant à pacifier une côte bien proche de la botte italique, d’autant plus au moment du conflit entre Romains et Carthaginois, débutant en 218. En Grèce, la Ligue Hellénique, formée par Antigone Doson, prédécesseur de Philippe V, est encore en activité au moment de la συμμαχικός πόλεμος (Symmakhikos Polemos (220-217))[28], première guerre qu’a à affronter le jeune monarque récemment établi sur le trône. Lorsque Philippe V s’allie à Hannibal le vainqueur de Cannes, c’est particulièrement pour s’assurer du non-interventionnisme romain en Grèce, chasse gardée des rois de Macédoine. Concernant le traité en lui-même, Tite-Live n’apparaît pas très sûr en tant que source[29], et il faut plutôt le voir comme une alliance d’intérêt destinée à affermir la puissance de chacun dans les aires géographiques qui leur sont propres.

La Première Guerre de Macédoine (215-205)[30] est le résultat de cette situation diplomatique tendue. Pourtant, du début à la fin de cette guerre, les forces romaines restent insuffisantes, et les moyens alloués à la guerre sont en-deçà de ce qu’il faudrait pour entretenir un véritable conflit avec la puissance militaire antigonide. Leur but principal réside seulement dans leur volonté de détourner Philippe de l’Illyrie en entretenant une guerre dans la péninsule balkanique, pendant que les troupes carthaginoises et romaines s’affrontent en Italie. La défection des Etoliens[31] est la conséquence logique de cette situation, aboutissant à la paix de Phoinikè[32], ne réglant en fait rien.

Entre la Première et la Deuxième Guerre de Macédoine, Philippe V met en œuvre une véritable « politique orientale »[33]. Contre Pergame et Rhodes, il étend son influence en Thrace et dans les détroits, ce qui va être une des causes principales entraînant l’intervention militaire de Rome après un vote tumultueux[34], et surtout après la fin de la guerre punique. Pour E. Will, l’intervention de Rome est « un des problèmes cruciaux de l’histoire de l’antiquité »[35]. Les mains libres, et les arguments politiques suffisants pour justifier l’entrée en guerre[36], Rome s’engage auprès de ses alliés Grecs avec des forces beaucoup plus imposantes, et porte la guerre jusqu’en Thessalie à Cynoscéphales en 197[37], date-phare dans l’histoire hellénistique : un roi oriental a perdu face à une armée en provenance de l’Occident, et Rome devient un nouvel acteur politique de la région. Après sa défaite, Philippe V entame une œuvre de « restauration intérieure »[38] qui lui permet de maintenir malgré la défaite un royaume quelque peu exsangue après les événements grecs et les incursions dardaniennes. Il participe même à la guerre des Romains contre Antiochos III, lui permettant de reprendre quelques places-fortes, jusqu’à la défaite de Magnésie en 189 des armées séleucides face aux armées romaines.

En 179, le fils aîné de Philippe, Persée, est élu à son tour roi de Macédoine[39], au prix d’un complot d’après Tite-Live[40]. Il poursuit l’œuvre de son père, maintient la paix avec les Romains, et regarde vers l’est, tant et si bien qu’il est dénoncé[41] par Eumène II de la dynastie des Attalides, grands bénéficiaires orientaux des succès romains. L’entrelacement des faits jusqu’à la Troisième Guerre de Macédoine est moins clair : pour E. Will, il s’agit ni plus ni moins d’une « guerre préventive »[42] : « Rome ne tolérait pas, à la longue, le nouvel essor macédonien »[43]. Pour des prétextes assez fallacieux, Rome rentre à nouveau en guerre contre un roi hellénistique. Si le début de guerre est assez mou avec une victoire macédonienne à Callinicos (171) pouvant laisser croire à l’instauration d’une paix blanche[44], l’agressivité de Quintus Marcius Philippus en 169 et l’arrivée en 168 de Lucius Aemilius Paullus aboutissent à la défaite de Pydna, le 22 juin 168[45].

           

A l’issue de ces événements, un changement politico-militaire majeur apparaît : les Romains vainqueurs de Philippe V proclament la liberté des Grecs, les Romains appelés par les Grecs viennent à bout d’Antiochos III, et finalement les Romains triomphent de la monarchie antigonide. Les Romains, qui avait déjà considérablement étendu les limites de leur « amitié », en montrant aux puniques, à l’Antigonide et au Séleucide la puissance victorieuse de leurs armées, passent à la vitesse supérieure après Pydna. Après l’émergence d’une « domination politique de la Méditerranée »[46], le royaume de Macédoine est démantelé en quatre provinces tributaires de Rome. Cette domination se fera d’autant plus nette au moment du siège de Carthage en 146. Et ce changement, cet entrelacement de l’histoire occidentale et orientale de la Méditerranée, commence à s’opérer sous le règne de Philippe V, et prend un essor décisif sous le règne de Persée, le tout grâce à des victoires militaires.

 

Deux arts de la guerre en perspective.

 

Si les Antigonides ont généralement une politique égéenne, pour ne pas dire orientale, notamment avant les deuxième et troisième guerres de Macédoine, leurs conflits se concentrent à partir de la Première Guerre de Macédoine, et ce pendant quarante-six années, dans la péninsule grecque. Ces guerres de Macédoine illustrent particulièrement la lutte entre une République romaine en pleine expansion dans la botte italique et au-delà, et qui se découvre une politique orientale, face à une monarchie hellénistique d’une des dynasties se partageant le gigantesque empire brièvement établi sous le règne d’Alexandre III (336-323).

Fondée par le diadoque Antigone Μονόφθαλμος (monophtalmos : le borgne), les Antigonides comptent sept rois, ayant comme point commun d’avoir pour base territoriale la Macédoine plus ou moins originelle, à partir notamment du règne d’Antigone Gonatas (277-239), ce qui en fait l’une des monarchies macédoniennes les plus « nationales »[47]. Contrairement au royaume séleucide et lagide, l’armée antigonide est en effet bien plus une armée nationale[48]. Le sixième roi, Philippe V  (221-179) a vécu les deux premières guerres de Macédoine[49], tandis que le dernier roi antigonide et le dernier roi de Macédoine tout court, Persée (179-168), a vécu la toute dernière. C’est sur leur armée que ce mémoire se concentrera.

La présence de plus en plus importante des Romains en Grèce implique la rencontre entre deux arts de la guerre triomphants chacun de leur côté. La force antigonide n’a pas d’égale en Grèce et en Asie, si ce n’est Antiochos III, qui s’allie informellement à lui contre le lagide[50]. De l’autre côté, la force romaine n’a pas d’égale en Occident. Elle vient tout juste de battre les puniques à Zama[51] et en Afrique, et se bat en Gaule et en Espagne. Si le « western way of war »[52] consiste en un culte de la bataille rangée et un refus de l’utilisation des projectiles ou de l’embuscade, cela n’empêchera ni les monarques antigonides, ni les généraux Romains, d’engager des archers crétois, de réaliser des coups de main et de se tendre mutuellement des pièges[53].

L’opposition entre deux arts de la guerre est ainsi une composante fondamentale de l’histoire politique de la Grèce. Rappelons que l’armée macédonienne de Philippe II a vaincu les Grecs coalisés à Chéronée en 338, celle d’Antigone Doson a vaincu les spartiates à Sellasie en 221, et celle de Philippe V a vaincu les Etoliens à deux reprises, en 217 et en 206, si bien qu’on a pu parler de cette fameuse « organisation militaire [macédonienne], sans rivale jusqu’à l’arrivée des légions »[54]. Lorsque les Romains mettent à bas le souverain antigonide en répondant aux demandes athéniennes, rhodiennes et pergaméniennes, ils réalisent une victoire d’une portée politique et militaire majeure et inédite pour l’ensemble du bassin méditerranéen, et plus particulièrement de la Grèce continentale. D’autant plus qu’est proclamée à ce moment la ἐλευθερία (eleutheria : liberté[55]) des Grecs vis-à-vis de la domination macédonienne, détachant même la Thessalie du giron macédonien.

 

Dès lors, il faut voir avec P. Ducrey comment « la bataille de Cynoscéphales marque un tournant dans l’histoire de l’art gréco-macédonien de la guerre »[56]. Dans une autre page, il ajoute : « Il fallut l’intervention sur le territoire grec de la légion romaine manipulaire, plus souple que la phalange, pour que soit mis fin à la domination des armées macédoniennes »[57]. La « souplesse » de l’armée romaine fait penser à l’initiative à Cynoscéphales d’un tribun militaire, qui contourne l’armée macédonienne pour la prendre à revers[58]. Il est pourtant vrai que les conditions topographiques, le retard d’une partie de l’armée, les conditions météorologiques ont beaucoup joué durant cet engagement majeur, si bien que la bataille reste « longtemps confuse et incertaine » et se solde par « une victoire quelque peu chanceuse des légions »[59].

De même, à l’autre bout de notre chronologie, la bataille de Pydna, qui se déroule, elle, le 22 juin en plein après-midi, reste le tournant décisif. La légion s’oppose cette fois à la phalange en bon ordre, mais les corps de troupes auxiliaires s’effondrent et à nouveau, la phalange subit des coups de butoirs suffisant pour la disloquer, aboutissant à une des défaites les plus cinglantes pour les Macédoniens. Ainsi, « l’armée de Persée est anéantie à Pydna, ce qui consacre définitivement la supériorité technique et tactique de la légion sur la phalange, incapable de s’adapter à son nouvel adversaire depuis un quart de siècle. »[60]

 

A partir de ces deux jalons, nous allons essayer de vérifier ce constat, pour savoir comment la rencontre entre ces deux arts de la guerre concurrents a fait basculer la Grèce dans l’histoire romaine. Il s’agira pour nous d’étudier l’armée macédonienne dans cette époque de mutations, que ce soit dans la tactique, la rencontre au ras du sol entre deux corps d’armée bien différents, ou bien dans la stratégie, l’organisation, le ravitaillement, le renseignement, la technicité des corps d’armée, etc.

 

Les sources antiques, la guerre des livres.

 

On le sait, les historiens de l’Antiquité[61] se passionnent pour les faits politiques et militaires[62]. Polybe de Mégalopolis n’y fait pas exception. Ancien hipparque de la Confédération Achéenne, il devient un otage après la défaite de Pydna en 168, et fréquente des personnages romains haut-placés. Son Historiè  est fragmentaire pour la période qui nous concerne, mais on retrouve notamment une description précise de la bataille à Cynoscéphales et une comparaison entre la phalange et la légion au livre XVIII. Selon ses propres dires :

« Si j’ai jugé nécessaire de m’étendre assez longuement sur ce sujet, c’est parce que, sur le moment même, quand les Macédoniens ont été vaincus, beaucoup de Grecs ont estimé que la chose était incroyable et il s’en trouvera encore beaucoup, dans les temps à venir, qui se demanderont pourquoi et en quoi la phalange est inférieure à un corps de bataille romain. »[63]

Comment les Romains ont-ils pu vaincre la phalange réputée invincible ? Son raisonnement porte essentiellement sur la souplesse de l’armée romaine, comme nous le rappelait plus haut Pierre Ducrey. Dans l’explication de Polybe, la lourdeur des phalangites est une des causes principales de la défaite. Nous verrons plus loin que ces éléments ne suffisent pas à expliquer celle-ci[64].

 

Si nous parlons de Polybe, c’est pour mieux parler de l’œuvre de Tite-Live, écrite deux siècles plus tard, au temps d’Auguste, et qui nous est parvenue en meilleur état pour notre période. Tite-Live, dont la préoccupation est de livrer un exposé littéraire et stylisé de l’histoire de Rome des origines à son époque, utilise diverses sources, des annalistes romains à Polybe. Contrairement à la tradition annalistique romaine rigoureuse et sans saveur, Tite-Live veut insuffler un véritable style dans un horizon ne se bornant pas seulement à une étude annalistique, mais bien à une étude bien plus vaste correspondant à l’histoire de Rome[65].

J. Luce[66] remarque que l’œuvre de Tite-Live est souvent soumise à un jugement négatif, et il résume l’intérêt de son propre ouvrage sur le sujet en une phrase lapidaire : « Livy the Stylist, Livy the Narrative Artist, and Livy the Rhetorician are topic of hope and promise ; Livy the Organizer and Livy the Thinker are not.»[67]. L’objectif est clair : analyser Tite-Live dans sa façon de raccourcir ou d’élargir son propos en fonction d’une organisation propre à son œuvre.

           

Du même coup, étudier Tite-Live sous le prisme de la Macédoine, c’est élaborer un commentaire qui n’a jamais encore été élaboré sur la façon dont un Romain, instruit des développements ultérieurs, traite de la matière historique que représente l’irruption de Rome en Grèce face aux Antigonides. Et cela, T. J. Luce le met suffisamment en lumière en revenant sur l’organisation des pentades liviennes selon un raisonnement bien différent de celui de H. Nissen[68], qu’il cite pour appuyer son propos  : « when one [book] had reached a customary length, Livy began a new one »[69].

Contrairement à ce dernier donc, T. J. Luce voit une organisation et une pensée derrière les livres XXXI à XLV qu’il analyse précisément : ces quinze livres sont tournés vers l’idée d’une « Conquest of the East », avec la guerre contre Philippe V comme point d’accroche de la pentade XXXI-XXXV, celle contre Antiochos pour la pentade XXXVI-XL, et celle contre Persée pour la dernière pentade conservée de Tite-Live[70] ; à cela, on peut rajouter le nombre d’années considérées : 9 seulement pour la pentade XXXI-XXXV[71], 12 pour la pentade XXXVI-XL[72], et 12 pour la pentade XLI-XLV, preuve satisfaisante de l’unité thématique de chacune des pentades. Le cœur de l’ensemble de nos citations portera ainsi sur ces trois pentades. Dans l’article d’A. M. Eckstein[73], l’unité thématique est aussi approuvée par la comparaison entre les 64 années de l’ensemble XV-XXX, et les 32 années de XXXI-XLV.

La difficulté d’étudier Tite-Live, notamment dans les choses militaires[74], et dans sa façon de privilégier l’émotion et le chaos de la bataille face à la rationalité d’un Polybe, ne peuvent néanmoins pas nous faire oublier que ce même Polybe est la source de référence de Tite-Live dans les quinze derniers livres que nous avons à notre disposition[75], renforçant l’intérêt de son œuvre, notamment dans les pages manquantes de l’œuvre de Polybe et dans le rapprochement avec les annalistes romains[76].

Tite-Live, dans les quinze derniers livres conservés de son œuvre, montre ainsi l’opposition en Grèce à l’extension politico-militaire de Rome. Philippe V est ainsi le successeur des Puniques dans la trajectoire militaire méditerranéenne, et la dissolution du royaume de Macédoine au livre XLV clôt cet épisode méditerranéen. Aussi, dans les Periochae, le livre L achève finalement la décade XLI-L par la défaite d’Andriscus, monarque auto-proclamé des quatre « républiques » macédoniennes.

Pour toutes ces raisons, Tite-Live peut être très utile en tant que source principale pour exprimer cette opposition entre deux arts de la guerre, entre armée macédonienne et romaine dans les livres XXXI-XLV. La façon de voir la chose militaire sans expérience de l’armée et par mimétisme avec l’œuvre de Polybe peut aussi nous renseigner sur la vision particulière des Romains sur les armées antigonides plus d’un siècle-et-demi après la conquête romaine.  Par ailleurs, les références à la Première Guerre de Macédoine, conflit plutôt secondaire pour Rome, se retrouvent dans la décade XXI-XXX, consacrée plus spécifiquement aux Puniques.

 

Il s’agira donc de partir de Tite-Live et de sa façon d’ordonner les différents événements et faits militaires pour revenir, en élargissant le propos avec Polybe et des inscriptions épigraphiques[77], sur la place de l’armée antigonide dans le monde grec, sur ses structures, son rapport à la société, et son combat décisif contre l’armée romaine.

Evidemment, les récits de Tite-Live et de Polybe ne seront pas les seules sources littéraires qui nous intéresseront. Nous avons notamment conservé de l’auteur tardif qu’est Plutarque une vie de Flamininus, le Romain vainqueur à Cynoscéphales, mise en rapport avec celle de Philopœmen, ainsi que celle de Paul-Emile, le Romain vainqueur de Pydna. De même, le Τέχνη Τακτική (technè Taktikè) d’Asclépiodote, bien que sûrement assez éloigné de la réalité par sa visée philosophique et arithmétique, permet de revenir plus en détail sur l’organisation de la phalange, avec des faits plus ou moins avérés par d’autres sources, comme le rappelle P. Connolly[78].

 

Faire de l’histoire militaire : quelle méthode ?

 

L’histoire militaire, après le renouvellement de la discipline historique depuis l’école méthodique jusqu’aux dominantes de l‘histoire culturelle d’aujourd’hui, en passant par l’extension économique et sociale depuis le mouvement des Annales, a été longtemps mise de côté, et accusée de servir les militaires et de se contenter de brosser une histoire-bataille vue d’en haut et rattachée à l’histoire politique et institutionnelle[79].

Pourtant, au sein du mouvement des historiens autour de l’Historial de la Grande Guerre de Péronne qui renouvelle l’étude de la Grande Guerre, se trouve Stéphane Audoin-Rouzeau, qui tente dans plusieurs ouvrages de réconcilier la guerre et l’anthropologie par une étude au « ras du sol »[80] à la façon d’un J. Keegan[81]. L’histoire militaire a beaucoup appris de la sociologie, de l’histoire culturelle et de l’histoire économique.

Aussi, la simple bataille rangée et la tactique ne vont pas considérer l’essentiel de notre propos, malgré l’importance cruciale des batailles de 197 et de 168. Nous allons plutôt tâcher de nous intéresser, à travers nos sources, quels sont les hommes qui combattent sous la bannière des Antigonides et qui composent leur armée, afin de découvrir d’où ils sont tirés, et comment sont-ils utilisés par les monarques, et notamment face aux Romains.

 

Concernant l’histoire militaire à l’époque hellénistique, il est nécessaire de la comparer à l’époque classique antérieure pour saisir ses évolutions. Nous avons déjà parlé de la professionnalisation des armées, de l’évolution de la poliorcétique, du nouveau statut de la victoire, si nécessaire à l’expression de la royauté à l’époque hellénistique. Nous rajoutons qu’il est désormais nécessaire pour les monarques de posséder une masse importante de troupes pour maintenir leurs empires territoriaux[82] : « les Etats hellénistiques, notamment les monarchies, font flèche de tout bois pour faire face aux besoins en hommes que leur imposent leur politique extérieure et le maintien même de leur autorité »[83]. Le temps de l’absorption par la Cité de la fonction guerrière est maintenant révolu[84]. On fait de plus en plus appel à des mercenaires, la guerre devenant l’affaire de spécialistes. Les coutumes de la guerre disparaissent : la politique de la terre brûlée en Thessalie par exemple, œuvre de Philippe V, s’oppose à la distinction simple et mathématique du partage divisée entre le lot du vainqueur, et l’absence de lot pour le vaincu. P. Ducrey rappelle que le « principe que les biens pris à la guerre deviennent la propriété du vainqueur est plus que la simple expression pragmatique d’un fait d’expérience. Aristote l’élève au rang de loi. »[85]. Cette même loi bafouée par Philippe est critiquée par Alexandre l’Isien.

Cette évolution de la guerre entre l’époque classique et hellénistique est marquée dans un monde où les conflits gardent une place fondamentale[86]. Le trajet de la Macédoine Antigonide reste évidemment une approche particulière lorsqu’on la compare aux institutions militaires et à la composition de l’armée d’une cité, ou encore d’une confédération. Mais l’originalité de l’armée macédonienne apparaît très justement chez M. Launey : « C’est de toutes les monarchies hellénistiques, la seule pour laquelle on puisse parler d’une armée nationale. »[87]. M. Launey s’attache en effet à analyser la composition des armées en fonction des sources littéraires et épigraphiques : dans ses chiffres, il arrive à une proportion minoritaire de Macédoniens dans les armées lagides et séleucides[88], autour d’une trentaine de pour cent. Dans le cas de la Macédoine, c’est soixante-dix pour cent[89]. Une armée nationale implique dès lors des structures d’enrôlement et de formation bien différentes que celles utilisées pour avoir sur le champ de bataille des formations d’alliés, d’indigènes et de mercenaires. Nous étudions ainsi, dans un monde profondément habité par la guerre, une monarchie hellénistique particulière, puisqu’il s’agit du « seul royaume qui dispose d’une armée nationale d’Européens »[90].

 

Dans notre étude, qui tente de concilier l’œuvre littéraire et historique de Tite-Live et l’armée macédonienne au temps de Philippe V et de Persée, il faudra considérer ces différents apports pour problématiser correctement le sujet. Car qui dit « armée », dit un ensemble d’hommes, structurés, organisés, hiérarchisés, commandés, disciplinés et devant servir les intérêts d’un ou plusieurs individus, ici les deux derniers rois de la dynastie des Antigonides, dans des opérations de guerre, de maintien d’une suprématie militaire par la garnison ou le retour à l’ordre dans une époque où faire la police et faire la guerre est encore peu différencié.

Comme nous allons le voir dans notre plan, il s’agit de couvrir grâce à l’entremise de Tite-Live l’ensemble du champ militaire antigonide, du recrutement au pillage en passant par l’entraînement, le combat et la discipline. A ce titre, les institutions militaires et l’histoire-bataille seront intéressantes à plus d’un titre. La sociologie nous servira quand nous nous intéresserons aux catégories levées pour servir, en fonction de leur richesse, de leur place dans la société macédonienne d’alors. Cette collection d’individus ont des structures mentales propres, une culture, qu’il ne s’agira pas tellement d’étudier dans le cadre de ce mémoire, car nous ne disposons pas des sources suffisantes pour traiter de ce problème pour notre époque, mais bien plutôt de le lier à la conduite de la guerre sous tous les plans.

Vu l’importance de l’armée pour les souverains hellénistiques[91], l’armée de Philippe V et celle de Persée ne font pas exception, et se lient aux changements politico-militaires dus à l’arrivée de Rome. La monarchie devient bridée par le pouvoir romain, notamment lors des luttes contre Antiochos III. L’armée antigonide est un enjeu formidable pour la période, car c’est sa défaite sur le champ de bataille qui sonne véritablement le début de l’hégémonie politique romaine sur ce secteur oriental de la Méditerranée.

           

En nous plaçant au point de rupture fondamental vu par E. Will[92] dans l’histoire hellénistique, il importe de comprendre comment cette lutte entre Romains et Grecs a pris place lors des deux premières guerres de Macédoine, et voir si à travers Tite-Live et son point de vue de citoyen romain du siècle d’Auguste, cette transition apparaît de manière aussi forte. Ce sujet est aussi l’occasion de traiter du point de rupture entre deux arts de la guerre[93].

Ce sera par une histoire commentée de l’œuvre de Tite-Live, liée à l’œuvre de Polybe et aux sources épigraphiques, que nous tenterons de parvenir à aborder cette rupture, elle-même vue par Tite-Live[94] : inscrite dans un temps très court et dans des tribulations politiques et militaires rapides, cette rupture se lie à l’émergence d’une hégémonie politique romaine qui marque une des pierres jalonnant le chemin vers la formation d’un Empire.

Comment cette rupture a-t-elle pris place ? Comment l’art de la guerre romain a-t-il supplanté celui de la Macédoine de Philippe V et de Persée ? Comment Tite-Live nous présente-t-il cette rupture, par quel cheminement intellectuel, par quel choix de sources ? Et par-dessus tout, comment l’image sociale, politique et militaire de l’armée antigonide transparaît dans l’œuvre de Tite-Live lorsqu’on la regarde au travers de l’œuvre de Polybe et des inscriptions ? Cette armée portait-elle ainsi les germes de sa destruction future ? La phalange était-elle destinée à s’effondrer face à la légion ?

 

Plan du mémoire.

 

Nous verrons dans une première partie les unités qui composent l’armée macédonienne. Entre les citoyens levés temporairement, les troupes d’élite agissant comme gardes du corps, les auxiliaires, les mercenaires et la flotte, on trouve des différences fondamentales dans les manières d’agir, dans les rôles de chacun dans l’armée, et surtout dans la présentation de chaque unité réalisée par Tite-Live. Notre objectif sera donc à travers quatre chapitres différents de présenter l’arsenal militaire dont dispose la Macédoine sous Philippe V. Nous commencerons par l’infanterie d’origine macédonienne, qui concerne l’essentiel des troupes de cette monarchie « nationale » qu’est celle de Philippe V. Nous verrons ensuite les strates supérieures de ce monde militaire en nous intéressant à la cavalerie. Le troisième chapitre présentera la méthode militaire macédonienne pour contrôler la mer et la terre : le rôle essentiel des garnisons sera posé, expliquant la part très importante des sièges durant la Deuxième Guerre de Macédoine, tandis que la flotte sera présentée malgré sa relative absence de l’œuvre de Tite-Live, s’expliquant par le fait qu’elle n’est pas utilisée contre la puissance navale dominante des Romains. Le dernier chapitre permettra de parler des auxiliaires, et surtout des mercenaires, qui composent l’essentiel des garnisons et offrent une mobilité importante à l’armée macédonienne composée essentiellement de troupes à la formation resserrée et peu mobile. Nous ferons ensuite de même pour l’armée de Persée, qui n’est pas fondamentalement différent de celle du père, bien qu’en meilleur état à l’orée de la Troisième Guerre de Macédoine. Ce sera l’occasion d’établir quelques éléments de comparaison, et surtout de compléter notre propos.

 

Dans la deuxième partie bien plus courte que la précédente, il s’agira de s’intéresser aux structures militaires permettant à l’armée macédonienne d’agir en campagne, que ce soit sous Philippe V ou sous Persée. Le premier chapitre sera tourné vers le recrutement et l’organisation du commandement lorsqu’il s’agit des troupes nationales ou des mercenaires. Le second chapitre s’intéressera aux services annexes de l’armée : les constructions militaires fournissent à l’armée de l’artillerie, une place pour reposer les troupes et des lieux de passage idéaux pour le ravitaillement, tandis que les renseignements et le ravitaillement constituent les passages obligés dans l’exercice du commandement d’une armée. Il faudra voir comment Tite-live présente ces choses et comment les autres sources nous donnent un aperçu supplémentaire.

 

La dernière partie sera tournée vers les différentes opérations militaires rythmant le règne de Philippe V et de Persée, autorisant les monarques à utiliser les unités de combat dont nous avons décrit le fonctionnement, au sein d’une armée comportant de multiples services annexes. Le premier chapitre sera consacré aux sièges et nous verrons par ce biais pourquoi le rôle des garnisons est si fondamental pour la monarchie macédonienne sous Philippe V. D’un autre côté, le chapitre suivant s’intéressera à la « petite guerre » : cette expression anachronique est utile pour décrire les opérations d’embuscade, de raids et les escarmouches à portée limitée qui constituent avec les sièges l’essentiel de la Deuxième Guerre de Macédoine. Nous finirons sur une note plus traditionnelle en voyant le fracas des armes dans les grandes batailles rangées du règne de Philippe V et de Persée, en nous demandant à partir de tout notre cheminement si les batailles à Cynoscéphales et à Pydna sont bel et bien l’expression d’un requiem de la phalange, et d’une faillite de l’ensemble militaire macédonien face à celui des Romains.

 

Notes :

[1] Tite-Live 31.8 (citation 31)

[2] Tite-Live 32.5-6 et 32.9-12 (citation 64-65 et 67-70)

[3] Tite-Live 32.13 (citation 71)

[4]ERRINGTON, R. M., « Rome Against Philip and Antiochus », in The Cambridge Ancient History (Second Edition). Volume VIII : Rome and the Mediterranean to 133 B.C., Cambridge University Press, Cambridge, 1989 [1e éd. 1930], p.244-289: la prorogation de Flamininus s’accompagne de motifs diplomatiques, politiques et militaires.

[5] Tite-Live 32.33 (citation 85)

[6] Polybe 18.3

[7]LEFEVRE, François, Histoire du Monde Grec Antique, Livre de Poche, Malesherbes, 2007, p.419-425

[8] Quinte-Curce 4.13 : Parménion, membre de l’état-major d’Alexandre III, lui propose d’attaquer le roi Darius par surprise. Avec hauteur, Alexandre refuse, pour la gloire et l’honneur. C’est l’idéal de la bataille rangée qui est ici en jeu.

[9] DUCREY, Pierre, Guerre et Guerriers dans la Grèce Antique, Hachette Littératures, Paris, 1999 (1e éd, 1985), p. 204. : « Le principe que les biens pris à la guerre deviennent la propriété du vainqueur est plus que la simple expression pragmatique d’un fait d’expérience. Aristote l’élève au rang de loi. »

[10] HANSON, Victor Davis, The Western Way of War. Infantry Battle in Classical Greece, University of California Press, Berkeley, 1989 : on y retrouve l’idée que la bataille rangée est l’expression fondamentale de la guerre vu à travers un prisme occidental, expliquant l’idée du combat en ligne napoléonien, des charges de la Première Guerre Mondiale. Face à ce modèle historique et à ce modèle de penser, la guérilla et les guerres asymétriques apparaissent hors du cadre normé de compréhension du conflit armé. Quoi qu’on pense de la thèse, les notions d’honneur et de gloire sont fermement associées à la bataille rangée. Ce qui n’empêche pas que ces deux instances soient totalement abandonnées lorsqu’il s’agit de gagner.

[11] Voir notre Troisième Partie.

[12] LEFEVRE, op. cit., p. 377 : « l’ascension de Rome réunifie peu à peu histoire grecque d’Europe et d’Asie »

[13] VERNANT, Jean-Pierre (dir.), Problèmes de la Guerre en Grèce Ancienne, Points, Manchecourt, 1999 (1e éd 1968), p.11

[14] DUCREY, Pierre, Guerre et Guerriers dans la Grèce Antique, Hachette Littératures, Evreux, 1999 (1e éd. 1989), chapitre IV, p.118 : le nom du chapitre, « Les Professionnels de la Guerre », marque le ton. LEFEVRE, op. cit., p.416, parle d’« héroïsme charismatique ». 

[15] P. Lévêque in VERNANT op. cit., p.361-368 : le chapitre s’intitule très justement « Guerre et monarchie »

[16]HANSON, op. cit. : « the farmer soldiers »

[17] Diodore 16.3.1-2 et DUCREY, op. cit., chapitre III p.73-75 : c’est le cas de l’armée macédonienne sous Philippe II, qui se modernise considérablement grâce à la professionnalisation de l’armée, la sarisse, et la création d’une arme : la phalange macédonienne. Voir aussi VERNANT, op. cit., p.11-38

[18] P. Lévêque in VERNANT, op. cit., p.343 ; on peut aussi aller voir CHANIOTIS, Angelos, War in the Hellenistic World. A social and cultural history, Blackwell, Bodmin, 2005, 308 p.

[19] DUCREY, op. cit., chapitre V, p.147 : « Avantage à la Défense ».

[20]Ibid., chapitre V, p.150 : « la diffusion dans le monde grec des machines de siège est liée à quelques personnages célèbres : Denys de Syracuse, Philippe II, Alexandre le Grand ».

[21] Tite-Live 32.37 (citation 89) : le mot « compedes » se traduit par « entrave »

[22] P. Lévêque in VERNANT, op. cit., p.355

[23] Cf. Chapitre VII

[24] Tite-Live 27.31 (citation 13) : le raid de Sulpicius Galba est un des nombreux exemples de la similitude entre raids antigonides et raids romains.

[25] Tite-Live 42.52 (citation 226)

[26] Dans ce qui suit, nous avons utilisé différents travaux : DEROW, P. S., « Rome, the Fall of Macedoin and the Sack of Corinth », in The Cambridge Ancient History (Second Edition). Volume VIII : Rome and the Mediterranean to 133 B.C., Cambridge University Press, Cambridge, 1989 [1e éd. 1930], p. 290-323 ; ERRINGTON, R. M., « Rome and Greece to 205 B.C. », in The Cambridge Ancient History (Second Edition). Volume VIII : Rome and the Mediterranean to 133 B.C., Cambridge University Press, Cambridge, 1989 [1e éd. 1930], p. 81-106 ; ERRINGTON, R. M., « Rome Against Philip and Antiochus », in The Cambridge Ancient History (Second Edition). Volume VIII : Rome and the Mediterranean to 133 B.C., Cambridge University Press, Cambridge, 1989 [1e éd. 1930], p. 244-289; WILL, Edouard, Histoire Politique du Monde Hellénistique (323-30 av. J.-C.), « Tome 2 : Des avènements d’Antiochos III et de Philippe V à la fin des Lagides », Seuil, Lonrai, 2003 (1e éd. 1966), p. 69-100, p.102-174 et p.242-255.

[27] WILL, op.cit., p.77 ; ERRINGTON, « Rome and… », p.85-94

[28]WILL, op. cit., p.71 : « la guerre des alliés »

[29] Tite-Live 23.33 (citation 1) : voir le commentaire de WILL, op. cit., p.82-85. Cette alliance n’est pas destinée comme le prétend Tite-Live à préparer une future invasion de la botte italique en conjonction avec les Carthaginois, comme le prouveront les implications limitées des Barcides et des Antigonides dans les guerres des autres.

[30] WILL, op. cit., p. 82-100 ; ERRINGTON, op. cit., p.94-106

[31] Tite-Live 29.12

[32] WILL, op. cit., p.94-100

[33] WILL, op. cit., p.121 ;

[34] Tite-Live 31.5, 31.7-8 (citations 29-31)

[35] WILL, op. cit., p.102

[36] Ce qui est beaucoup discuté, cf WILL, op. cit., p.131-149

[37] Tite-Live 33.6-10 (citations 98-102)

[38] WILL, op. cit., p.248-250

[39] Sur les institutions macédoniennes, voir WALBANK, F. W., Philip V of Macedon, Cambridge University Press, London, 1940, p.1-9 ; LEFEVRE, op. cit., p.419-423 ; et surtout le massif HATZOPOULOS, M. B., Macedonian Institutions Under the Kings. A Historical and Epigraphic Study (Tome I), De Boccard, Paris, 1996, 554 p.

[40] Tite-Live 40.56-57 (citations 190-191) : l’image de Persée est extrêmement négative dans Tite-Live, et donc dans tout son matériel historique, des annalistes romains à Polybe. Il aurait fait tuer son frère cadet pour collusion avec les Romains, et se serait emparé du trône contre l’assentiment de son père. En réalité, il semble plutôt que la transition ait été voulue, et que l’affairedu meurtre deDémétrios ait été un peu plus complexe qu’une simple jalousie.

[41] Tite-Live 42.11 (citation 196)

[42] LEFEVRE, op. cit., p.392

[43] WILL, op. cit., p.269

[44] WILL, op. cit., p.271-273

[45] WILL, op. cit., p.277-279

[46]Cambridge, op. cit., p.XI (preface) : « political mastery of the Mediterranean Lands »

[47] Contrairement aux monarchies lagides et séleucides. Voir LEFEVRE, op. cit., p. 419, et références plus loin dans l’introduction.

[48] Notamment au niveau des effectifs, comme nous allons le voir.

[49] Les informations suivantes proviennent de WILL, op. cit., p.

[50] Ibid., pp.244-261 ; WILL, op. cit., pp.114-118 : l’auteur parle d’un traité de partage de l’empire ptolémaïque

[51] Tite-Live 30.33-35 (citations 22-24)

[52] HANSON, op. cit. (note 8)

[53] Cf Troisième Partie : la Deuxième Guerre de Macédoine est surtout une guerre de siège, de raids et d’embuscades.

[54] LEFEVRE, op. cit., p.419

[55] Tite-Live 33.32 (citation 116)

[56] DUCREY, op. cit., p.93 ; Cf. Chapitre IX

[57] DUCREY, op. cit., p.73 ; on peut citer dans le même ordre d’idées les mots de Pierre Lévêque dans VERNANT, op. cit., p.355 : « Les souverains de Macédoine eussent bien dû méditer de tels exemples dans leurs combats contre les Romains dont la souple disposition manipulaire avait peut-être inspirée Pyrrhos. »

[58] Tite-Live 33.9 (citation 101)

[59] LEFEVRE, op. cit., p.383

[60] LEFEVRE, op. cit., p.392

[61] Les renseignements suivants proviennent des préfaces des œuvres traduites et de Cambridge, op. cit., p.1-16

[62] DUCREY, op. cit., p.8-11

[63] Polybe, 18.32.13

[64] Cf. Chapitre IX

[65]MINEO, B., A Companion to Livy, Wiley-Blackwell, Malden, p.XXXI-XXXIX : un opus oratorium à la façon d’un Cicéron, mêlant histoire et art du récit.

[66]LUCE, T. J., Livy. The Composition of His History, Princeton University Press, Princeton, 1977, 322p.

[67] Ibid., p.XIX

[68] NISSEN, H., Kritische Untersuchungen über die Quellen der vierten und fünften Dekade des Livius, Berlin, 1863, p.272

[69] LUCE, op. cit., p.25

[70] Ibid., p.3-9

[71] Ibid., p.47-53

[72] Ibid., p.75-76 : l’auteur parle de 30 ans, alors qu’il s’agit en fait d’une période de douze ans (faute d’impression ?).

[73]ECKSTEIN, A. M., « Livy, Polybius, and the Greek East (Books 31-45) », in MINEO, B., A Companion to Livy, Wiley-Blackwell, Malden, p.407-422

[74] MINEO, op. cit., p.XXXI-XXXIX : l’absence de vocabulaire technique est due notamment à une absence d’une carrière militaire de l’auteur

[75]ECKSTEIN, art. cit.

[76]VON UNGERN-STERNBERG, Jürgen, « Livy and the Annalistic Tradition », in MINEO, B., A Companion to Livy, Wiley-Blackwell, Malden, p.167-177

[77]Cf. l’appendice épigraphique très détaillé pp.149-167 de l’ouvrage ci-contre : HATZOPOULOS, M. B., L’Organisation de l’Armée Macédonienne sous les Antigonides. Problèmes anciens et documents nouveaux, De Boccard, Athènes, 2001, 196 p.

[78]CONNOLLY, Peter, Greece and Rome at War,  Greenhill Books, Londres, 1998 (1e éd. 1981), 320 p. : p.75-77

[79] A ce titre, on peut parler d’OFFENSTADT, Nicolas, L’Historiographie, Puf, Collection « Que sais-je ? », Paris, 2011, 128p. : on peut mentionner notamment le chapitre VII intitulé « Un exemple de champ renouvelé : histoire de guerres, histoire de paix. ».

[80] AUDOIN-ROUZEAU, S., Combattre : une Anthropologie Historique de la Guerre Moderne (XIXe-XXIe siècle), Seuil, Paris, 2013, 146p.

[81] KEEGAN, J., The Face of Battle. A Study of Agincourt, Waterloo and the Somme, Pimlico, Londres, 1976 ; il a inspiré notamment HANSON, op. cit., dans son étude du hoplite dans la tourmente de la guerre et du combat.

[82] P. Lévêque in VERNANT op. cit., pp.343-348

[83] LAUNEY, M., Recherches sur les Armées Hellénistiques, Tome I, De Boccard, Paris, 1987 (1e éd 1951), p.60

[84] VERNANT, op. cit., p.25 : « la Cité absorbe la fonction guerrière »

[85] DUCREY, op. cit., p.204

[86]CHANIOTIS, Angelos, War in the Hellenistic World. A social and cultural history, Blackwell, Bodmin, 2005. On trouve la même idée dans LAUNEY, op. cit., p.3 : « le monde hellénistique est, pour une bonne part, demeuré un monde militaire. »

[87] LAUNEY, op. cit., p.103

[88] LAUNEY, op. cit., p.63-103 passim.

[89] Ibid. pp.101-103 : la proportion de Macédoniens, de l’ordre de 2/3, est « remarquablement stable » (p.103)

[90] Ibid. p.56

[91] DUCREY, op. cit., p.118

[92] WILL, op. cit., p.102

[93] DUCREY, op. cit., p.93

[94] LUCE, op. cit., p.47-53

 

Point d’histoire

 

La légion face à la phalange :

  • Introduction

 

Une histoire de couleurs :

 

Sport, culture et enjeu militaire en Grèce antique :

 

Autres : 

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