Aventures enfantines – Les jeux Humongous Entertainment : Pouce-Pouce, Marine Malice, Pyjama Sam & Spy Fox (1992-2003)

Si vous avez été enfant dans les années 90, et qu’au lieu de jouer à la console vous avez eu un ordinateur de cette période, de préférence avec Windows 95 ou 98 installé, et que vos parents n’ont pas souhaité que vous jouiez à n’importe quoi, il est probable que vous ayez eu accès aux jeux de la société Humongous Entertainment. Ceux-ci se présentent comme des jeux éducatifs faits pour les enfants, et ont d’ailleurs eu un certain succès. On peut les diviser en deux grandes catégories : les jeux d’aventure, ceux dont nous allons parler dans cette critique, qui se présentent sous la forme du point’n’click, ces jeux où le personnage contrôlé par le joueur se déplace de tableaux en tableaux pour cliquer sur différents objets interactifs pour résoudre des énigmes ; les jeux de puzzle et de société divers. Au-delà des jeux, vous apprendrez aussi les déboires divers du studio, au milieu des aventures de la voiture Pouce-Pouce / Putt-Putt (1992-2000), du poisson Marine Malice / Freddi Fish (1994-2001), du bambin Pajama Sam / Pyjama Sam (1996-2003), et de l’espion-renard Spy Fox (1997-2001).

 

I. Des point’n’click qui changent de public

 

Le studio américain Humongous Entertainment, Inc. est fondé en 1992 par deux anciens de l’industrie, Shelley Day et Ron Gilbert, qui ont fait notamment leurs armes au sein de LucasFilm Games, connu pour ses jeux d’aventure, avec parmi ceux-ci Maniac Manson (1987) ou encore The Secret of Monkey Island (1990). Ils décident de fonder les Junior Adventures sur ce modèle, et ont un succès certain. Ils fondent en 1995 une division qui n’a rien à voir avec le jeu éducatif, Cavedog Entertainment (1995-2000) qui développera le bien-connu jeu de stratégie en temps réel Total Annihilation (1997), qui sera rebooté en 2007 sous le nom de Supreme Commander.

 

Difficile de croire qu’il y a un lien entre un STR aussi influent que Total Annihilation (1997), le créateur Chris Taylor, et la société Humongous Entertainment, et pourtant il existe. Le soft a en effet innové avec des ressources en flux, et une échelle des affrontements dantesque.

 

Mais l’aventure ne s’arrête pas là. En 1996, Humongous Entertainment est racheté par GT Interactive, lui-même racheté en 1999 par les Français d’Infogrames Entertainment et étant renommés (décidément) Infogrames Inc. En 2001, les créateurs du studio quittent le navire, tandis qu’Infogrames, Inc. restructure l’entreprise en licenciant une bonne partie des employés. Les jeux d’aventure du studio sont alors arrêtés alors que cela faisait depuis 1992 qu’ils sortaient au rythme d’un à trois par an. Le tout dernier soft paru après 2001 sera Pajama Sam 4 : Life is Rough When You Lose Your Stuff (2003), relativement plus critiqué sur son humour, son ambiance et son scénario, illustrant d’une perte de compétences après la restructuration. En 2006, la compagnie est finalement dissoute, non sans avoir eu une marque certaine sur les jeux éducatifs des années 90. eLa marque se balade ensuite, les softs se retrouvant sur Wii, puis sur Steam par l’entremise de Nightdive Studios, fondé en 2012.

 

Les jeux d’aventure de LucasArts ont aussi marqué leur temps, comme Day of the Tentacle (1993). Ils étaient évidemment bien plus complexes que les softs dont nous allons parler.

 

II. L’aventure pour les enfants

 

Les Junior Adventures ont combiné en 2000 près de 16 millions de copies vendues, et une série de récompenses. Le but est de créer une aventure animée pour les enfants sur le modèle des dessins animés, avec une intrigue principal, un personnage attachant, généralement enfant, de l’humour, des gags et de la bonne humeur, avec la possibilité de cliquer partout sur l’écran pour avoir des animations rigolotes, tout en gardant le principe du jeu d’aventure de type pointer-et-cliquer (point’n’click), où il faut résoudre des énigmes pour avancer dans l’aventure, qui nécessite d’associer les bons objets aux bonnes personnes ou aux bons éléments du décor, par exemple en utilisant une fronde pour récupérer un objet en hauteur ou encore jeter une planche en bois devant une barque vivante qui ne sait pas si elle peut flotter. Les objets et animaux sont en effet souvent des personnages à part entières, donnant aux jeux un aspect dessin animé pour les plus jeunes, et un aspect légèrement psychédélique pour les plus vieux.

 

Les couleurs vives d’un Pouce-Pouce et les graphismes proches du dessin animé ont fait le bonheur des petits. Vous pouvez cliquer sur ce que vous voulez pour avoir une discussion ou une chanson. Ici, dans ce Pouce-Pouce Entre dans la Course (1998) si vous empruntez la lampe-torche et que vous la combinez avec vos piles, vous aurez de quoi voir dans le noir du tunnel plus loin.

 

Les aventures tournent toutes autour du fait d’aider son prochain, de résoudre des problèmes, ou encore de réaliser une enquête. Chaque aventure prend ainsi entre 45 minutes et une heure pour être parcourue par un adulte, un peu plus pour les enfants qui seront davantage sensibles aux diverses animations des éléments interactifs, et auront moins de facilité pour associer bons objets aux bons endroits. Par ailleurs, les titres proposent souvent des voies alternatives, en changeant quelques objets de place, et quelques personnages, pour permettre à l’enfant de refaire les aventures sans s’ennuyer. Si l’animation est très datée en 1992 et 1993 avec les premiers softs de Pouce-Pouce, la qualité graphique est au rendez-vous de 1994 à 2003, et les softs restent accompagnés d’une bande-son charmante et diversifiée. Tout est fait pour faire passer un bon moment à l’enfant, avec des sourires, des petites chansons, et de l’humour qui n’est pas toujours si enfantin. Ces dessins-animés interactifs auront un succès certain. Les clins d’oeil aux autres séries sont d’ailleurs permanents dans chacune des aventures, créant un véritable univers multiple pour les enfants.

 

Pour sauver l’enfant enseveli dans Marine Malice : le Mystère des Graines d’Algue (1994), Marine Malice et son ami Luther pourront utiliser la planche ramassée au cours de leurs pérégrinations pour servir de levier. Notez que c’est à partir de cette année que l’animation connait un niveau supérieur à celui qui est présenté ci-dessous.

 

III. Voiture, poisson, enfant ou espion ?

 

La série initiale, Putt-Putt, ou Pouce-Pouce pour les Français qui y ont joué à partir de 1995, commence avec Putt-Putt Joins the Parade (1992) et Putt-Putt Goes to the Moon (1993). Ce sont certainement les softs qui ont le plus mal vieillis, avec des couleurs ternes et un Pouce-Pouce qui a l’air…légèrement terrifiant. Rien à voir avec la suite, Pouce-Pouce Sauve le Zoo (1995), qui place le standard de la série. Le protagoniste est donc une jeune voiture violette, accompagnée de son chien, dans ce qui ressemble à de la banlieue résidentielle américaine, rendant des services à ses voisins (un épicier, un fermier). On cherche ainsi les enfants des animaux dans un zoo divisée en trois zones (plaine, glace, jungle), on voyage dans le temps, on s’inscrit à une course, pour finir au cirque avec Pouce-Pouce Découvre le Cirque (2000).

 

Le premier Putt-Putt Joins the Parade de 1992 a beaucoup vieilli… Dès 1994, la direction artistique trouve finalement son style, comme le prouve l’image de Marine Malice plus haut. On retrouve néanmoins toutes les animations et les interactions possibles avec l’environnement.

 

Freddi Fish, ou Marine Malice en français, nous donne le contrôle d’un poisson jaune et de son ami dans une ambiance aquatique, à la musique parfaitement adaptée, dans une série de mystères à résoudre. On cherche le trésor de la grand-mère dans Marine Malice : le Mystère des Graines d’Algue (1994), le premier soft de la série, relativement bien animé comparativement aux premiers Pouce-Pouce et signe d’une véritable amélioration graphique. On traque ensuite un faux fantôme, on sauve un oncle accusé à tort, pour finir par chercher un monstre supposé dans Marine Malice 5 : Le Mystère Du Monstre Du Lagon (2001). Il s’agit souvent de raisonner des adultes à la tête dure grâce à l’innocence et à la recherche méticuleuse d’indices par les deux protagonistes.

 

Le style aquatique d’un Marine Malice, ici de Marine Malice 3 : Le Mystère Du Coquillage Volé (1998), se double d’une musique paradisiaque parfaitement adaptée.

 

Pajama Sam, ou Sam Pyjam / Pyjama Sam en français, est peut-être le héros qui a eu le plus de succès. Il représente en effet un enfant qui se crée des aventures dans sa maison la nuit pour résoudre ses peurs en se transformant en un super-héros du sommeil. Il parle de suite plus facilement à son public, dans une aventure légèrement plus inquiétante avec de mystérieux personnages dans le monde de la nuit. Dans Sam Pyjam : Héros de la Nuit (1995), il affronte sa peur du noir, puis sa peur des orages dans Sam Pyjam 2 : Héros Météo (1998). L’aventure alimentaire est un peu moins dans le thème dans Pyjama Sam : Héros du Goûter (2000). Le tout dernier soft, Pajama Sam 4 : Life is Rough When You Lose Your Stuff (2003), paru exclusivement en anglais et à la suite des déboires du studio de 2001, est un peu plus boudé par la critique. On semble y perdre l’humour et l’écriture à la fois enfantine et fine, à une période où les fondateurs et une bonne partie du studio ont quitté l’aventure.

 

Plus mystérieuses et sombres (relativement), voici les aventures de Sam Pyjam : Héros de la Nuit (1995).

 

Spy Fox, appelé au départ James Renard par des Québécois infiltrés, est sûrement la plus mature des séries. Elle nous fait contrôler un espion, qui doit résoudre des opérations à l’aide d’un quartier-général secret, et de gadgets multiples qu’il faut employer à bon escient. L’humour y est un peu plus subtil, avec des références affichées aux films d’espion. Ils seront un peu moins appréciés par les enfants les plus jeunes par la relative plus grande complexité. L’aventure commence en tous les cas en 1997 avec James Renard : Operation Milkshake et se termine en 2001 avec Spy Fox 3 : Opération SOS.

 

L’humour est légèrement plus fin, et il faudra cette fois sélectionner avec attention les gadgets que vous emmenez au cours de la mission pour avancer, ici dans Spy Fox : Opération Milkshake (1997).

 

Conclusion

 

Les jeux d’aventure Humongous Entertainment sont mignons, entrainants, bien animés à partir de 1994 relativement à nos standards, bourrés d’humour et d’interaction avec le décor, et comptent des énigmes qui nous envoient dans un monde de voitures, un monde aquatique, un monde des rêves et un monde d’espions. L’aventure a tourné court à la suite d’achats et de rachats successifs, ce qui est relativement dommage pour un studio talentueux, qui a laissé ses derniers opus appréciés en 2001. On aurait pu aussi parler des jeux annexes, qui sont composés davantage de mini-jeux et de puzzles, de l’ours abandonné Fatty Bear (1993-1994) aux sportifs de Backyard Sports (1997-2004), en passant par l’inclassable jeu d’action et de stratégie Moonbase Commander (2002). Reste que pour les héros de notre enfance, il nous reste seulement la nostalgie.

 

Liste des jeux Humongous Entertainment :

  • 1992 : Putt-Putt Joins the Parade
  • 1993 : Putt-Putt Got to the Moon
  • 1994 : Marine Malice : le Mystère des Graines d’Algue
  • 1995 : Pouce-Pouce sauve le zoo, Sam Pyjam : Héros de la Nuit
  • 1996 : Marine Malice 2 : Le Mystère de l’École Hantée
  • 1997 : James Renard : Opération Milkshake, Pouce-Pouce Voyage dans le Temps
  • 1998 : Marine Malice 3 : Le Mystère Du Coquillage Volé, Pouce-Pouce Entre dans la Course, Sam Pyjam 2 : Héros Météo
  • 1999 : Marine Malice 4 : Le Mystère du Ranch aux Cochons, Spy Fox 2 : Opération robot-expo
  • 2000 : Pouce-Pouce Découvre le Cirque, Pyjama Sam : Héros du Goûter
  • 2001 : Marine Malice 5 : Le Mystère Du Monstre Du Lagon, Spy Fox 3 : Opération SOS Planète
  • 2003 : Pajama Sam 4 : Life is Rough When You Lose Your Stuff
One Comment
  1. Reply Aneko avril 26, 2020 at 2:36 pm

    Très bon article et très complet ! Je garde un excellent souvenir de ces jeux que j’empruntais en CD-ROM à la bibliothèque 🙂

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