Histoire du jeu vidéo de gestion : le boom du business (1981-1985)

Pour faire suite aux définitions des jeux de stratégie et de gestion, nous sommes revenus sur l’histoire des jeux de gestion de 1963 à 1980. Nous ne proposons rien de moins que de continuer ce panorama pour la période 1981-1985, en pleine période de foisonnement du jeu vidéo et des consoles, occasionnant au passage un krach en 1983. Pour les jeux de gestion, ces cinq années marquent le triomphe des jeux de management, complexes mais souvent opaques. 

 

I. Le triomphe du management

 

a) Case Computer Simulations, les maniaques du Spectrum

 

Nous commençons notre état des lieux avec la société anglaise Case Computer Simulations (CCS), qui commence à développer des softs sur ZX Spectrum, un ordinateur personnel de cette période aussi célèbre en Angleterre que le Commodore pouvait l’être aux Etats-Unis, en 1982. Ils multiplient les softs de divers genres : arcade, stratégie, et management. Pour ce qui est de notre sous-genre, on retrouve la plupart du temps la gestion d’un type de compagnie, avec la capacité d’influer en partie sur divers éléments : approvisionnement, personnel, prix, réserve. Quelques événements apparaissent alors qui nous coûtent ou non de l’argent et permettent de rythmer le jeu. Et enfin, un tableau général nous résume nos dépenses et nos recettes régulièrement. Malgré tout, comme la conséquence du changement des variables n’est pas clair, le néophyte voit vite s’écrouler son empire.

 


Le concurrent anglais du Commodore.

 

Leurs softs sont généralement peu graphiques, mais très détaillés : on peut choisir tout à la décimale près. On trouve ainsi Airline pour les voies aériennes, Auto Chef pour la restauration, et Dallas (1982) : dans ce dernier jeu, vous contrôlez des concessions de pétrole, en maîtrisant les forages et les ventes ainsi que la construction de pipelines et d’usines reliées à la ville. En 1983, Corn Cropper vous lance dans l’exploitation agricole, et en 1984 Blaze vous permet de gérer une caserne de pompiers, en consacrant vos efforts dans une ville fictive divisée en quartiers. On retrouvera CCS dans les futurs épisodes consacrés au jeu de stratégie.

 


La partie graphique de Dallas (1982), signe d’une certaine avancée, nous éloignant peu à peu des simples tableaux afin d’utiliser toutes les capacités d’un support vidéo.

 

b) Les simulations économiques de « Dan »

 

Les éditeurs de Strategic Simulations (SSI) se font connaître depuis 1980 avec rien de moins que les premiers wargames grand public. Ils ont néanmoins aussi publié des jeux de simulation économique, notamment par l’entremise de Daniel Paul Bunten, devenue Danielle Bunten Berry, avec Computer Quarterback (1980) et Cartels and Cutthroat (1981). Dans le premier, vous gérez une équipe de football américain, répartissez de l’argent pour obtenir des joueurs aux statistiques diverses dans les différents postes, avant de paramétrer dans les matchs un ensemble de tactiques offensives et défensives avec leurs avantages et inconvénients, plaçant le jeu entre stratégie et gestion. Pour Cartels and Cutthroats, on reste très proche d’un jeu façon CCS, avec une entreprise dirigée par le joueur, la vente des marchandises, la paye des salariés, la gestion des événements aléatoires et de l’inflation, avec des menus peu digestes et des variables à indiquer menu après menu.

 


Les scénarios économiques de l’époque dans Cartels and Cutthroats (1981).

 

Ce dernier titre influencera fortement, par les relations personnelles avec les Américains de Ozark Softscape, le développement de M.U.L.E (1983), jeu édité, notez-le, par Electronic Arts qui commence la même année à éditer ses premiers jeux. Vous vous retrouvez sur une lointaine planète pour engager une lutte économique sans merci avec trois autres joueurs qui représentent différents colons. Les colons doivent acheter des terres grâce à une vente aux enchères, les exploiter en allant acheter au magasin central une MULE, un robot quadripode, pour l’équiper afin de récolter les différentes ressources (nourriture, énergie, minerai ou cristal). Enfin, les ressources excéédentaires peuvent être vendues. Chacune de ces ressources a une incidence sur le temps de jeu du joueur ou sa capacité à mettre en oeuvre son organisation. Le multijoueur fait partie intégrante du soft.

 


Chaque tour, votre représentant pourra se balader sur la carte pour placer ses MULE, obtenir de l’argent, avant la vente aux enchères de fin de tour.

 

c) Autres titres

 

Les Britanniques d’Incentive Software propose en 1984 Millionaire, une mise en abyme où un développeur essaye de faire connaître et vendre son programme, qu’il doit peaufiner dans sa maison et vendre pour couvrir ses frais. Dans le même genre, The Biz, sorti la même année nous permet de gérer un groupe de rock, tandis que Stockmarket (1985) nous emmènera sur les marchés financiers avec différentes ressources et des fluctuations boursières.

 


La partie graphique de Mugsy est variée, colorée, originale et assez réussie pour l’époque.

 

De cette époque sort en 1984 Mugsy, un jeu de gestion de gang, avec beaucoup de chiffres pour répartir son argent entre l’armement de vos hommes, les pots de vin, la « protection » de clients et répondre aux besoins du moment, notamment quand d’autres gangs ou vos propres hommes veulent vous faire la peau. Le jeu est porté par son esthétique graphique et tente, sur ZX Spectrum, de rendre le tout joli et animé, ce qui est plutôt réussi. Pour dispatcher vos ressources, il vous faudra ainsi discuter avec divers interlocuteurs sur plusieurs écrans de jeu. Le jeu est édité par Beam Software (1977-2010), une maison d’édition australienne, ce qui est suffisamment rare pour être noté, et connue principalement pour des jeux d’aventure et des adaptations de livres, de bandes dessinées ou de séries.

 

II. City-builder

 

Place à la Chine avec Yellow River Kingdom (1981). On reste proche d’un de The Sumer Game, avec une population à répartir cette fois en trois : cultiver le riz pour nourrir vos habitants, protéger le barrage pour éviter les crues qui noieront votre peuple, et protéger le village des bandits qui viendront voler le fruit de vos récoltes. La partie graphique est sommaire, mais claire, avec l’eau représentée en jaune (le Fleuve Jaune) qui s’écoulera sur vos pauvres possessions pendant que les bandits représentés par des T viendront s’accaparer vos ressources.

 


Gare à l’eau jaune !

 

Mais le jeu le plus connu, et appartenant aussi bien au genre de la stratégie que du city-builder, est Utopia (1981). Créé par Dan Glow, auteur du jeu Dungeon de 1975, Utopia est connu pour être un des illustres ancêtres du genre de la stratégie ou du god-game, le joueur agissant ainsi pour développer son île, garder son peuple heureux, et couler occasionnellement les bateaux de pêche ennemis, afin de gagner la course au développement. Il peut à la fois être rangé dans le genre du city-builder pour développer votre île, et dans la stratégie pour couler en temps réel les navires de votre adversaire.

 


Infrastructures, gestion de population et bateaux de pêche en multijoueur.

 

III. Little Computer People, la préfiguration des Sims

 

Ne saviez-vous pas que les Sims avaient un père caché ? En 1985, ce petit jeu, édité par Activision, une boîte américaine ouverte en 1979, propose d’interagir avec un bonhomme, sa maison, son frigo à remplir, et…vous le regarder interagir avec ses possessions, en jouant quelque fois au poker avec lui. Ni complexe ni complet, il pose toutefois une certaine philosophie de jeu, comme une maison de poupées, qui intéressera un certain Will Wright.

 


Une maison de poupées, tout simplement.

 

Conclusion

 

Les simulations de business, ou jeux de management, forment l’essentiel des jeux de gestion qui sortent au début des années 80. La compétition économique, la maîtrise des chiffres, des ventes, des achats illustrent l’origine plus sérieuse de ces softs, anglo-saxone, dans un monde marqué par deux chocs pétroliers (1973 et 1979). Les jeux de gestion développent aussi quelques graphismes plus détaillés que de simples tableaux, avec Mugsy et M.U.L.EUtopia et The Yellow River Kingdom, pour montrer l’impact direct du joueur sur le monde, créant une interaction plus satisfaisante. Ne parlons pas des bruitages et des musiques globalement inexistants pour le moment.

 

Seuls les jeux les plus marquants ou révélateurs d’une époque sont indiqués.

 

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