Fantaisie ukrainienne – Heroes of Annihilated Empires (2006)

Les Ukrainiens de GSC Games World se sont fait connaitre dans les années 2000 pour leur irruption dans le genre du jeu de stratégie en temps réel historique, dans la lignée d’Age of Empires. Ils se sont attelés à la Renaissance en créant un système de jeu capable de peindre à l’écran des milliers d’unités, regroupées dans des formations. Après la série européenne Cossacks et le moment américain d’American Conquest, GSC semble se chercher : il fait paraitre Alexander (2004) pour l’Antiquité, édité par Ubisoft, et Cossacks II : Napoleonic Wars (2005) qui transforme en partie le système de jeu. Les deux softs ne sont pas un franc succès, et le studio semble chercher ses marques. Avant de réussir à gagner les esprits avec le FPS mutant S.T.A.L.K.E.R : Shadow of Chernobyl (2007), ils font paraitre un curieux titre, Heroes of Annihilated Empires, qu’ils auto-éditent. Ils récupèrent leur expertise dans le STR et tentent de mêler celle-ci au jeu de rôles (RPG), à la manière des séries Warlords Battlecry et SpellForce. Bien que de bonne volonté et de bonne composition, le soft, dernier STR original du studio, est boiteux, et nous allons voir pourquoi.

 

I. Un nouveau monde

 

Dans le monde d’HAE, les graciles et précis Elfes côtoient les innombrables morts-vivants, les industrieux Mécaniciens, et la race Cryo composée de gremlins et de yétis. Il n’y a pas à redire de ce côté-là : le jeu est joli. Les bâtiments et unités sont colorées, et chaque faction développe une palette de couleurs particulières, qui se développe au moment de la partie STR : poser un bâtiment elfique propagera une herbe folle, tandis qu’un bâtiment mort-vivant tuera la nature et créera un sol noir. Pour parachever le tout, chaque race a trois modèles de héros à choisir en début d’escarmouche, avec différents sorts, et surtout des modèles d’unités spécifiques. Les morts-vivants joueront sur des unités fragiles mais en grand nombre, avec des squelettes, zombies, loups-garous, jusqu’aux puissantes liches. Les Elfes utiliseront des lanciers solides, des nuées d’archers, mais aussi des griffons et des Ents. Les Mécaniciens privilégieront les armes magiques, les golems et les Zeppelins, et les Cryo la force brute à coup de yétis et de mammouths. Si l’aspect visuel est assez réussi, en comptant les effets de l’artillerie et la magie, c’est dommage que l’aspect sonore soit à la ramasse : les musiques sont peu nombreuses, répétitives, et ne s’adaptent pas à l’action, tandis que les bruitages restent insupportables, comme quand vos Nains découpent les arbres avec les tronçonneuses.

 

Les Cryos : une race simple, de Yétis et de mammouths.

 

Quant aux mécaniques de STR, elles restent simples. Vos quatre races exploitent une partie des ressources avec des mines pour l’or, le fer et le cristal, à la main pour la pierre et le bois, et avec des bâtiments spécifiques pour la nourriture, comme les arbres fruitiers des Elfes, ou les bâtiments des Cryo et des Nains qui génèrent automatiquement la ressource. Chaque race a des besoins particuliers : les morts-vivants n’auront ainsi pas besoin de nourriture, les Elfes d’or. Les Elfes auront besoin de bois pour faire tirer leurs archers, les Nains de cristal. Malgré tout, difficile de voir un véritable changement de perspective entre les races : il s’agira toujours de masser des unités dans le but de les précipiter contre l’adversaire, que ce soient des squelettes améliorés par des bannières et accompagnées d’une catapulte, ou des lanciers et archers elfes, ou bien encore d’une poignée de Nains tireurs et leurs tanks à vapeur. Et c’est bien dommage, parce que visuellement, le travail est largement fait.

 

Les Mécaniciens : des Nains qui chassent et des golems qui rôdent.

 

II. STR incomplet, RPG parcellaire

 

On se rend bien compte que l’expérience n’est pas complète. En voulant jouer sur deux tableaux en même temps, les deux aspects restent pauvres. Pour la partie STR, une fois qu’on réussit à passer un début très lent dû à des ressources qui ne montent pas et une possibilité d’expansion très limitée, ce n’est que peu profond, et nécessite seulement d’accumuler les unités et les améliorations pour celles-ci. Pour la partie RPG, c’est encore pire. En escarmouche, on a le choix de bloquer un héros pendant trente minutes pour faire venir des bâtisseurs et créer votre base, ou alors de vous balader seul avec votre héros sur la carte en recrutant divers mercenaires et ramassant des objets. Il est évident que pour la nécessité d’une guerre totale, il va falloir prendre la première option : mais alors pourquoi n’est-ce pas possible de faire les deux en même temps ? Warcraft III (2002) permet par exemple de construire votre armée, recruter votre héros et de vous balader sur la carte pour accumuler de l’expérience comme les autres softs mêlant STR et RPG. Il aurait été logique que ce soit aussi le cas ici vu le nombre de camps neutres sur les cartes d’escarmouche, déjà en nombre limité…

 

Votre héros conserve ses niveaux et son équipement entre les missions, mais n’a pas un grand charisme. L’univers en lui même n’est malheureusement pas très travaillé.

 

Cette opportunité ratée et ce système incomplet est bien visible dans la campagne principale, qui souffre de longueurs et d’objectifs peu clairs. Par exemple, la première mission nous voit combattre une infestation de morts-vivants, protéger des civils en fuite, et réunir les restes d’une armée. On a le sens de l’urgence et l’épique. Seulement, les civils sont très lents, combattre des centaines de squelettes avec son héros et ses lanciers est très lent, et il faut arriver à activer un script en bout de course, script qu’il n’est pas possible de deviner : vous êtes au bord de la carte, si vous avancez votre armée est grillée, et si vous reculez face au flot d’ennemis tout en protégeant les civils, le script ne s’activera pas. Dans la troisième mission, vous construisez votre base sans aucune indication, vous combattez les méchants, et un combat de boss dans les souterrains s’engagent : or, même avec ses niveaux, ses objets et ses potions,  il vous faudra cinq à dix minutes pour finir l’adversaire, sans grand-chose d’autre à faire que de cliquer dessus et d’activer des sorts. Et pourtant, malgré ces missions un peu maladroites, le soft a moyen de faire quelque chose : il y a des boutiques sur la carte, du loot sur les adversaires morts, des quêtes diverses. Seulement, il manque un petit quelque chose, notamment pour ce qui est de la narration, presqu’inexistante.

Un combat de boss long…

 

Conclusion 

 

HAE est captivant : on sent qu’il y aurait matière à en faire quelque chose de plus. Rajoutez plus de différences entre les races, des héros directement disponibles en escarmouche, des campagnes mieux racontées et des races supplémentaires, et vous obtiendrez quelque chose de potable. En l’état, à part l’aspect visuel réussi, le soft est malheureusement trop brouillon pour être recommandé. Et c’est bien dommage, car au départ, une trilogie était prévue. HAE se cherche, entre STR et RPG, mais ne se trouve pas. Ainsi s’arrête la dernière nouveauté du studio ukrainien en matière de STR.

 

Liste des jeux vidéos du site.

 

Liste des jeux de stratégie en temps réel (STR) :

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