Le roguelite d’action du Tartare – Hades (2020)

La cérémonie britannique liée aux jeux vidéos, la British Academy Games Awards 2021, vient d’accorder à Hades pas moins de cinq récompenses, dont celles du meilleur jeu, de la meilleure direction artistique, du meilleur game design et de la meilleure narration. Il est rare qu’un roguelite développé par un studio indépendant arrive à ce niveau-là de récompenses pour cette cérémonie, mais le studio américain de Supergiant Games n’est pas n’importe quel studio. Depuis 2011, ils ont en effet à cœur de proposer des expériences narratives atypiques, des mondes cohérents portés par une excellente direction artistique, et des ambiances musicales de qualité portées par Darren Korb. Bastion (2011), Transistor (2014) et Pyre (2017) ont à ce titre pavé la voie au succès d’Hades, qui a pioché à la fois dans le jeu d’action, et à récupérer des éléments roguelite pour proposer ce nouveau soft. Voyons cela.

 

 

I. Narrer le Tartare

 

Les roguelites désignent une famille de jeux très différents dans leurs genres, mais qui ont pour point commun de proposer des mécaniques de mort permanente sur lesquelles ils vont tisser une expérience propre, par exemple permettre au joueur de gagner des améliorations à chaque mort pour aller de plus en plus loin. Le genre est très prisé des studios indépendants car il permet de créer de plus petits mondes sans être au détriment de la durée de vie. Mais un roguelite sans âme et avec un mauvais gameplay ne saurait suffire, et c’est sur ces deux points que le studio fait fort. Vous jouez Zagreus, le prince des Enfers, en pleine crise d’adolescence. Son père tyrannique, Hadès, et l’atmosphère du Tartare, ont raison de l’envie de rester dans le coin, et le jeune homme tâche de sortir vivant des quatre mondes pour arriver à la surface et rencontrer les Olympiens.

 

L’objectif : rejoindre l’Olympe. Les Dieux vous laissent quelques bénédictions sur la route pour vous aider. Chaque dieu ira de son petit commentaire en fonction de l’avancée de la quête de Zagreus ou même de l’endroit où vous trouvez le cadeau divin.

 

La première chose dont on se rend compte, c’est que chaque morceau de gameplay est cohérent dans la narration. Lorsque vous mourrez, vous disparaissez dans un fleuve de sang pour revenir au hub initial où se retrouve les âmes en train d’être jugées par Hadès lui-même, mais aussi les autres habitants du Tartare, comme les Furies ou autres dieux et déesses. Zagreus peut alors parler à chaque habitant de ce hub, et même à son père qui n’hésitera pas à le disputer face aux ravages que Zagreus fait dans son royaume, ce à quoi la réponse sera systématiquement insolente. A chaque mort et à chaque retour au hub, l’histoire se développe, les interactions se creusent, et on commence à comprendre davantage de quoi il retourne. La mort n’est donc pas un éternel recommencement, bien au contraire, elle permet à l’histoire d’avancer. Mais elle va également s’associer au gameplay.

 

A chaque mort, vous améliorez des pans de gameplay, comme ici entre les niveaux pour changer de souvenir ou récupérer des bonus temporaires. A gauche vous voyez les bénédictions récupérées, en bas à gauche la vie et les cristaux rouges, en bas à droite les ressources à utiliser dans l’échappée. L’interface est sobre et efficace, laissant la place à l’action.

 

II. Poussez-vous, je passe

 

Zagreus va ainsi être armé d’une des six armes du jeu, que vous débloquerez au fur et à mesure en ramenant des ressources à votre hub de départ. Un peu à la Bastion, chaque arme a un coup normal qui peut se transformer en combo, un coup spécial, et une charge, avec quelques subtilités comme le bouclier que vous pouvez charger pour vous protéger puis charger avec pour pousser les ennemis contre les murs ou dans la lave. Il y en a pour tous les goûts, des gants pour le combat très rapproché à l’arc pour des tirs chargés en passant par la lance qui tape et se jette. Au fur et à mesure, vous pourrez même débloquer des aspects spécifiques pour chaque arme avec des ressources de boss, au nombre de quatre, qui vont varier les modificateurs voire la façon de les jouer. Et si vous n’en avez pas assez, vous trouverez sur le chemin des modificateurs spéciaux, le marteau de Dédale, pour spécialiser davantage vos armes, que ce soit pour percer l’armure des ennemis facilement, ou pour transformer l’arc en mitraillette.

 

Chaque ennemi et boss a son pattern de mouvements à comprendre pour mieux esquiver ses coups. Les barres jaunes correspondent à l’armure qu’il faut retirer avant de taper sur la vie.

 

Face aux ennemis qui peuplent les quatre mondes, il faudra donc esquiver les coups en se positionnant correctement, en activant le dash qui permet de passer à travers les coups ennemis, et utiliser votre arme pour triompher de l’armure et de la vie des adversaires. Vous aurez en sus un cristal rouge que vous pourrez jeter et qui restera planté dans le corps des adversaires. Le jeu est dynamique, les ennemis assez variés entre les mondes, les boss sont plutôt coriaces, mais vous devrez compter sur vos réflexes et vos automatismes pour éviter de prendre des coups, car la vie ne revient pas gratuitement entre les salles. Un mauvais combat vous fera perdre la progression et recommencer du début, mais vous conserverez l’essentiel des ressources accumulées. Si les pièces d’argent vous servent juste pour votre tentative à acheter des objets auprès du Passeur, les autres ressources seront tout à vous : cristaux violets pour améliorer vos compétences, comme plus de dégâts ou plus de vie ; clés pour débloquer des armes ou de nouvelles compétences ; gemmes pour améliorer les salles des différents mondes afin d’avoir de nouveaux bonus ; ressources de boss pour vos aspects d’armes.

 

Les boss discutent toujours avec vous avant, mais parfois l’échange n’est pas très satisfaisant.

 

III. Béni soit-il

 

Rassurez-vous, ce n’est pas tout. Dans chacune de vos tentatives, les dieux olympiens tâcheront de vous aider en dispatchant dans certaines salles des dons divins. Ceux-ci vont constituer le cœur de jeu, en vous spécialisant de plus en plus. Artémis privilégiera les coups critiques, Zeus vous permettra de projeter des éclairs à chaque attaque, Hermès vous rajoutera des dashs, et j’en passe. Vous pouvez ainsi améliorer vos attaques, vos coups spéciaux, vos tirs de cristaux, mais aussi vous donner de puissants passifs comme pour résister aux pièges ou encore vous permettre d’appeler un dieu en renfort pendant un court laps de temps. Il y a énormément de bénédictions à choisir, mais à chaque bénédiction ramassée vous avez le choix entre trois différentes. Les joueurs les plus expérimentées commenceront à privilégier certains dieux avec certaines armes et certains types de bonus, dans le but de privilégier les dégâts de zone, les dégâts individuels et j’en passe. Quoi qu’il en soit, au bout de l’aventure, et si vous avez survécu, vous vous mettez à appliquer énormément d’effets aux adversaires dans un déluge de chiffres qui s’affichent à l’écran à chaque coup, de manière lisible.

 

Un résumé d’un run réussi, avec des tas de bénédictions récupérées. Le duo permet de combiner deux bénédictions divines, avec l’accord des dieux concernés.

 

Concernant la carte du jeu, il s’agit donc d’un ensemble de salles et de divers embranchements, qui permettent de privilégier les bénédictions, les améliorations d’arme, le vendeur, les améliorations de vie, et c’est en fonction de vos choix, parfois risqués comme quand vous n’avez pas assez de vie mais que la double bénédiction de la salle vous fait de l’œil, que vous réussirez à accumuler suffisamment de bienfaits pour aller au bout des quatre mondes : le premier est plutôt simple, mais les choses s’accélèrent avec les rivières de lave du second monde et le boss infernal de fin, les puissants héros de l’Elysée, et les nuées de pièges et de poison du quatrième monde avant d’arriver au boss final. Dans chacun de ses éléments, Zagreus ira de son petit commentaire, que ce soit pour commenter les dons qu’il a reçu ou ce qu’il se passe à l’écran. Par ailleurs, pour continuer dans ce dynamisme, la musique de Darren Korb pioche à foison dans les musiques d’ambiance, le rock et les sonorités à la Halloween pour le régal de vos oreilles et vous accompagner dans les moments d’action. Le compositeur, qui aime bien donner des genres spéciaux à ses compositions, appelle son style Mediterranean Prog-Rock Halloween. Comprenne qui pourra.

 

Chaque monde a son ambiance, ses tons et ses adversaires. Le premier monde c’est le sombre royaume de la mort, le second se trouve au milieu de la lave, le troisième s’étend sur des plaines verdoyantes, et le dernier nous place dans un donjon rempli de pièges.

 

Conclusion

 

Mis bout à bout, le sens de la narration, le gameplay efficace et qui se renouvelle en permanence, la musique, et également la direction artistique avec ses graphismes de qualité, son interface épurée où on voit d’un coup d’œil tous les modificateurs au combat, ainsi que les artwork de chacun des personnages qui donnent juste envie d’avoir une série animée sur ce jeu, ont fait d’Hades une réussite indéniable en 2020, après deux ans d’early-access. Ses récompenses sont donc amplement méritées, pour un studio qui arrive à se renouveler sans cesse depuis 2011, et qui ouvre un autre pan des roguelite d’action, dont le relais semble déjà assuré par le récent Curse of the Dead Gods. Le résultat est aussi peut-être dû au style un peu plus mainstream utilisé pour le jeu avec ses mécaniques de roguelite. Malgré tout, avec quatre mondes et l’habitude d’arriver au bout de l’aventure, on peut ressentir une certaine lassitude au bout d’une quinzaine d’heures. Mais cela reste toujours un plaisir de retourner dans l’aventure pour sortir du Tartare.

 

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