Le papa apocalyptique du FPS – Doom (1993)

Dans notre rétrospective précédente sur Wolfenstein 3D, le grand-père des FPS modernes paru en 1992, nous avons abordé l’histoire d’Id Software avec leurs premiers jeux de plateformes et ébauches de FPS, leur travail sur leur moteur de jeu Id Tech 0 qui sera réutilisé dans plusieurs autres softs, et le succès plutôt important du titre. Et pourtant, son succès sera largement éclipsé par son successeur, Doom, paru sur l’ID Tech 1, et qui est le papa du FPS moderne, la base sur laquelle se sont retrouvés de très nombreux FPS utilisant un monde en 3d et des sprites en 2D dans les années 90, avant les modèles polygonaux offerts par Quake (1996). Retour sur le véritable papa démoniaque du FPS moderne.

 

 

 

Apocalypse maintenant

 

Sans répéter ce que nous avons déjà évoqué, ID Software est formé à la fin des années 80 et commence par sortir des jeux de plateforme avec Commander Keen (1990), avant de se focaliser sur les jeux d’actions à la première personne avec Hovertank 3D et Catacomb 3D (1991), qui vont servir de répétition générale à Wolfenstein 3D (1992). Le succès de ce FPS sur la Seconde Guerre mondiale ne sera pas suffisant pour ID Software, qui va alors travailler sur une nouvelle édition du moteur ID Tech, et changer brutalement d’univers pour aller vers le métal et les démons, sur une idée originale d’une partie de jeu de rôles menée à l’époque entre certains des membres de l’équipe. Le résultat : Doom (1993), soit l’apocalypse, où un certain Doomguy ou Doom Marine se retrouve sur Mars dans des installations secrètes pour abattre des nuées de démons qui ont pris le contrôle d’êtres humains, avant de mener le combat directement en Enfer au gré des épisodes, suivi par Doom II : Hell on Earth (1994) qui apportera de nouveaux ennemis et le super shotgun. L’équipe se sépare à cette occasion de Tom Hall, qui avait imaginé une expérience beaucoup plus scénarisée que l’action frénétique vue par l’ensemble de l’équipe, et sa Doom Bible sera à peine utilisée dans les épisodes, malgré quelques réminiscences dans Doom (2016) et Doom Eternal (2020).

 

Id Tech 1

 

Sans faire une analyse technique approfondie, le moteur de jeu a bénéficié d’améliorations depuis Wolfenstein 3D, tant et si bien qu’on parle ici de l’ID Tech 1 pour désigner le moteur de Doom. On note une plus grande complexité des textures et la possibilité de simuler la hauteur. Par contre, il est encore impossible de mettre deux pièces l’une sur l’autre ou de viser de manière verticale : la hauteur n’est qu’une illusion, il suffit de se tourner vers l’adversaire qui semble en hauteur et de tirer pour le toucher automatiquement. Il y a également eu des moulages de certains monstres suivis par de photoss à différents angles et des conversions en sprites pour avoir de meilleurs détails de textures. Le jeu est par ailleurs plus beau et plus vif. Ce qui aide également le joueur aujourd’hui, c’est le nombre de ports sources disponibles : pour ma part, j’utilise GZDoom, qui permet de lancer le jeu avec une meilleure résolution.

 

Action satanique

 

Sur une musique de Bobby Prince cette fois tournée vers les guitares électriques et le métal, on se retrouve donc dans des niveaux plus larges, plus ouverts, avec des interrupteurs à activer, des clés à récupérer, des pièges où la lumière s’éteint et des trappes remplies de monstres s’ouvrant avec différents scripts, le tout dans une action frénétique. Le joueur se retrouve d’abord avec son poing et son pistolet, avant de découvrir un arsenal plus riche, et avec cette fois ses propres munitions pour chaque arme plutôt que les munitions partagées de Wolfenstein 3D : le fusil à pompe satisfaisant, la mitrailleuse qui permet de nettoyer des pièces, mais aussi un lance-roquettes qui peut aussi bien blesser le joueur que les adversaires, un lanceur de plasma, et le fameux BFG9000 qui envoie une boule d’énergie qui tue la plupart des ennemis en un coup dans le secteur. L’action est plus frénétique, avec toujours de quoi récupérer vie et armure : le joueur est davantage invité à courir partout, surtout qu’à part les humains contaminés, le reste du roster projette des projectiles facilement évitables, ce qui évite de regarder à chaque tournant s’il n’y pas un ennemi qui va nous tuer en trois balles comme dans Wolfenstein 3D.

 

Le roster est composé d’humains contaminés qui utilisent vos armes, de diablotins qui vous jettent des boules de feu, de démons roses qui se jettent sur vous pour vous taper, et de diverses créatures plus imposantes comme de grands taureaux démoniaques qui tapent au corps-à-corps et au tir, des cyberdémons jusqu’au boss arachnoïde final. L’innovation de Doom II sera notamment les revenants, des squelettes équipés de lance-roquettes, et divers boss. On retrouve évidemment la violence, avec les cris des monstres quand ils vous voient ou sont tués, et une ambiance horrifique épique, qui donne envie au joueur de se jeter sur ses adversaires toute arme hurlante. En bref, c’est du concentré de fun. On retrouve également de nombreux passages secrets remplis de vie, de munitions et d’armes, quelques pouvoirs spéciaux allant de la résistance aux rivières d’acide ou de lave à une rage qui permet de tuer les ennemis avec vos poings en un coup, et j’en passe.

 

Successeurs et modding

 

Doom s’impose en quelques années avec plus de trois millions de ventes, un nombre considérable pour l’époque, sans compter que la distribution en shareware du premier niveau a pu permettre à un grand nombre de personnes d’y jouer. Au-delà du premier et du deuxième épisode, on retrouve également The Ultimate Doom (1995) avec les deux opus et un épisode inédit, Final Doom (1996) avec les deux opus dans le moteur de Doom II, et de nombreux ports dont Doom 64 (1997) sur Nintendo 64, développé par Midway Games. On trouve également du multijoueur, mais aussi une facilité pour le modding, grâce aux fichiers WAD. Séparés du moteur du jeu, ces fichiers contiennent tous les informations pour charger des niveaux, des sprites, des armes, ce qui permet à des joueurs d’utiliser le moteur pour réaliser diverses modifications, voire des jeux complets avec la licence pour certains studios. On trouve encore à ce jour des fans qui continuent à modder le jeu, comme Brutal Doom pour encore plus de violence, ou Sonic Robo Blast 2 pour jouer le hérisson sauvage.

 

Les studios ne sont pas en reste, avec par exemple Chex Quest (1996) de Digital Quest, offert dans des paquets de céréales et qui transforme Doom en jeu où il s’agit de zapper des extraterrestres sans violence affichée, ou encore un jeu de simulation militaire utilisé par l’armée américaine, Marine Doom (1996), ancêtre des jeux vidéos de recrutement à la America’s Army (2002). Le reste des FPS des années 90 est souvent qualifié de Doom-clone ou Doom-like. On retrouve l’utilisation du moteur Id Tech 1 modifié avec les softs de Raven Software Heretic (1994) et Hexen (1995), le moteur maison Build d’Apogee Software, devenu 3D Realms, avec Duke Nukem 3D (1996) et Shadow Warrior (1997), suivis par Blood (1997) de Monolith Productions, ou encore le moteur Jedi de LucasArts avec Star Wars : Dark Forces (1995).

 

Conclusion

 

Doom (1993) a marqué encore plus son monde que Wolfenstein 3D. Ce n’est pas un hasard si on a parlé pendant toutes les années 90 de Doom-clone. Le modèle du FPS brutal et nerveux dans un monde en trois dimensions face aux sprites en 2D s’est maintenu jusqu’à la fin des années 90, même si des softs vont à nouveau révolutionner le FPS : les polygones et l’accélération 3D d’un Quake (1996) d’Id Software ou encore d’Unreal (1997) d’Epic MegaGames marqueront une nouvelle évolution dans le FPS, sans parler de la narration d’un Half-Life, le FPS grand spectacle à la Medal of Honor, le FPS tactique à la Delta Force, les shooter en arènes à la Unreal Tournament et j’en passe. Le monde du FPS a décidément toujours de quoi nous surprendre. Mais surtout, Doom, c’est un univers, c’est une idée, et c’est aussi un grand retour. Pendant qu’Id Software sort de Doom et de Quake pour nous proposer le FPS post-apocalyptique Rage (2011), la série Doom a vécu un grand retour. Après Doom 3 (2004) qui a été une parenthèse horrifique, centrée cette fois sur son atmosphère, plus de dix ans s’écoulent avec qu’en 2016, Id Software retourne à l’origine avec un Doom sur Mars, de la violence décomplexée, une base tentaculaire, tout l’arsenal et le roster des précédents Doom avec quelques ajouts, et les glory kill, ces exécutions sommaires rendant une partie de la vie. Doom Eternal (2020) a quant à lui égayé notre confinement avec une Terre sous attaque, un peu plus de narration, un grappin et l’importance accrue de la tronçonneuse, toujours dans cette ambiance démoniaque métal qui colle décidément beaucoup à l’ADN d’ID Software

 

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