Devil May Cry (2001) – Le character-action game de baston démoniaque

Qui aurait cru que l’animé Devil May Cry de Madhouse, publié en 2007, et avec la musique rock de son opening provenait d’un jeu vidéo. Et pourtant, il est la marque de la popularité de la série de jeux d’action de Capcom, inaugurée en 2001 avec Devil May Cry. Vingt ans après, en 2021, la série, qui totalise six titres, atteint les 23 millions de ventes, dont 4,5 pour le seul dernier opus, Devil May Cry 5, paru en 2019. En 2001, le soft originel s’est fait connaitre par son jeu de caméra échappé d’un Resident Evil, série dont il était censé être une suite, mais qui tranche totalement avec son action fluide qui le rapproche d’un beat’em up en 3D, avec la réalisation de combos terrestres comme aériens et l’enchainement d’adversaires et de boss, entrecoupés de quelques phases d’exploration. Il inaugure ainsi le sous-genre du jeu d’action, le character action game, désignant les beat’em up et les hack’n’slash en 3D avec un personnage réalisant une pelletée de combos, qu’on retrouve dans les séries God of War ou encore Bayonetta. Retour donc sur le commencement de ce sous-genre avec Devil May Cry premier du nom.

 

 

Beat’em up, hack’n’slash et 3D

 

Bien avant Devil May Cry, il y a le beat’em up, appelé en français beat them all, et qui caractérise un jeu d’action en vue de côté où le joueur tape des hordes d’adversaires avec différents types de coups et des combos, à l’image de Double Dragon (1987) ou encore Streets of Rage (1991). Reprenant les mêmes codes, les hack’n’slash sont pour certains anglo-saxons des beat’em up dans lesquels on n’utilise plus des tatanes et des coups de pied, mais bien des armes de corps-à-corps, à l’image du tout premier Shadow Warrior ou Ninja Gaiden sur arcade en 1988. Pour ma part, je considère qu’il s’agit aussi d’un beat’em up, puisque je réserve le titre d’hack’n’slash à des mélanges entre action et RPG typiques d’un Diablo (1997), mais nous allons être gentils et autoriser exceptionnellement dans cette vidéo l’usage du terme hack’n’slash pour les beat’em up avec armes.

 

En tous les cas, la 3D finit évidemment par arriver. Les beat’em up ou hack’n’slash de ce type sont encore peu fluides, comme Gekido : Urban Fighters (2000) pour la première catégorie, ou bien le plus connu Onimusha Warlords (2001) pour la seconde. Pendant ce temps, Dynasty Warriors 2 (2000) se lance dans le hack’n’slash 3D de foule, sur un énorme champ de bataille face à des hordes d’ennemis, inaugurant le sous-genre des Musou. Au contraire, Devil May Cry va s’imposer dans la famille du hack’n’slash 3D plus classique, et poser les codes d’un sous-genre qu’on peut également appeler character action game. Il s’agit tout simplement d’un hack’n’slash 3D dans lequel on se concentre sur un ou plusieurs personnages, qui évoluent en récupérant de nouveaux coups, qui réalisent des enchainements spectaculaires face à des ennemis en nombre limité par rapport à un Musou. Devil May Cry va ainsi ouvrir le bal, et sera suivi par les séries comme le japanisant Ninja Gaiden (2004), le mythologique God of War (2005) ou le décoiffant Bayonetta (2009).

 

Hideki Kamiya : de Resident Evil…

 

A l’origine de la série, Hideki Kamiya arrive chez Capcom. Il dirige ainsi le développement du jeu d’horreur Resident Evil 2, toujours aussi iconique avec son jeu de caméras et ses angles autour du personnage que l’on dirige, le labyrinthe du monde pour trouver divers objets afin de progresser, et l’action un peu lourde à base de kicks et d’armes à feu. Devant au départ diriger ce qui devait devenir Resident Evil 4, le développement emmène l’équipe vers l’action pure, aboutissant à Devil May Cry. On y dirige Dante, sorti rapidement de la Divine Comédie pour chasser les démons des enfers, fils d’une humaine et du puissant démon Sparda. Le début du jeu fait furieusement penser à un ersatz de Resident Evil : on retrouve les plans de caméra à divers angles pour nous prendre sous différentes facettes, un environnement tentaculaire avec des clés à récupérer et qu’on apprend à arpenter au fur et à mesure entre les missions, et une ambiance horrifique avec une musique d’ambiance lourde et des lieux peu riants. Cette ambiance sera largement relativisée par le je m’en foutisme généralisé de la narration, que ce soit la scène d’introduction où Trish lance une moto sur la tronche de Dante, quand ce dernier provoque chacun de ses adversaires, ou quand on lance une phase émotive sortie de nulle part. Le ton est alors totalement décalé, avec un côté nanardesque savoureux.

 

…à la baston !

 

Mais il suffit de rencontrer des monstres pour comprendre à quel point le soft a opéré un virage à 180 degrés pour offrir un autre gameplay que pour un Resident Evil. On combat ainsi les ennemis avec l’épée de base, ou bien les armes démoniaques Alastor, l’épée électrique, et Ifrit, les gantelets de feu. On réalise ainsi divers combos, qui nécessitent différents types d’input : l’enchainement de trois coups de l’épée, une pause après deux coups pour faire un meilleur enchainement avec le troisième, ou encore le fait d’appuyer sur R1, de mettre le stick gauche vers le dos de Dante pour arriver à projeter un adversaire en l’air. C’est fluide, c’est dynamique, mais c’est surtout une mécanique à prendre en main, à l’image des fighting games. Vous aurez également des armes à feu : les deux pistolets iconiques Ebony et Ivory, le fusil à pompe, le lance-grenades, le needle-gun sous l’eau ou la dernière arme qui tire plusieurs projectiles en même temps. Enfin, votre ultime pouvoir peut être activé avec L1 pour un petit moment pour activer le mode démoniaque, vous transformant avec Alastor en démon ailé capable de projeter des arcs électriques et avec Ifrit une brute capable de lancer des boules de feu.

 

La combinaison des armes de corps-à-corps et leurs combos, des armes de tir activées avec R1 et carré, des esquives avec R1 et saut, de vos pouvoirs démoniaques et même de la touche de provocation, permettent de recevoir une note pour vos combos : s’il n’y a pas de temps morts entre vos actions et que vous n’êtes pas tapés, vous passez ainsi de D pour dull à S pour stylish. Pendant que vous enchainez les courtes missions vous emmenant récupérer divers objets à différents endroits pour activer divers passages, vous récupérez des orbes rouges dans l’aventure et améliorez Dante aux bons endroits pour lui faire acquérir plus de vie, plus de pouvoir démoniaque ou bien de nouveaux enchainements comme l’attaque plongeante d’Alastor ou les boules de feu d’Ifrit.

 

La Kill List

 

Si on rencontre souvent les mêmes adversaires, ils offrent tout de même une certaine diversité : les pantins articulés du début laissent ainsi peu à peu leur place aux Ombres, des chiens d’ombre qui attaquent en transformant leur corps et invulnérable aux armes de corps-à-corps tant qu’ils n’ont pas été assez blessés, les lézards à masque et boucliers qu’il faut d’abord briser pour leur faire de gros dégâts, les démons qui portent de gigantesques ciseaux, vulnérables uniquement là où est leur masque et j’en passe. Le design des ennemis est ainsi relativement sympathique et offre une certaine variété bien qu’on combattra essentiellement des pantins. Chacun d’entre eux requiert une certaine stratégie pour en venir à bout, à base d’esquives, de compréhension de leurs patterns et d’enchainements pour ne pas les laisser respirer. Mais c’est surtout les boss qui offrent de belles sensations. Et vous avez intérêt à les aimer, car vous allez les rencontrer trois fois chacun.

 

L’araignée Phantom, qui se protège de ses grosses pattes velues et qui a une magnifique voix – insérer ici – et Nelo Angelo avec sa téléportation et ses attaques d’épées sont mes préférés. J’ai été moins convaincu par les autres, et notamment par l’énorme blob Nightmare, qui nécessite de taper sur des cadres pour le rendre vulnérable, avec une partie d’orbe sur laquelle taper, et qui rappelle que la caméra et le positionnement de notre personnage viennent d’un jeu de 2001, et que tout est encore assez rustique. C’est d’ailleurs la principale complainte à faire sur la partie action : sans lock excepté celui automatique des armes à feu, qui font qu’on tire parfois sur des ennemis qu’on ne voit pas, la caméra fait un peu n’importe quoi, ce qui rend parfois des combats complexes. On trouve également une certaine difficulté : les combos ne sont pas si évidents à réaliser que cela, les monstres et les boss tapent extrêmement forts, vous forçant à prioriser l’achat d’orbes de santé ou l’exploration pour trouver des objets améliorant votre vie, et les gameover vous forçant à reprendre la mission du début sont légion. Heureusement, la plupart de la vingtaine de missions sont assez courtes. Lorsque la difficulté rencontre la caméra, cela peut aussi occasionner un peu de rage.

 

Mon avis

 

J’ai été très surpris par ce jeu. D’un côté, on a une ambiance lourde, des ennemis démoniaques, une exploration pour trouver des objets et débloquer des passages. De l’autre, on a un système de combat très dynamique, des combos à réaliser faisant penser à des fighting games, une difficulté importante et un ton global nanardesque avec les provocations de Dante ou sa pseudo-romance avec Trish. On est clairement sur un titre qui ne laisse pas indifférent. On pourra lui reprocher une caméra pas toujours au top, des ennemis souvent identiques, et des combats de boss à répétition, mais le reste de l’aventure et de la direction artistique sont indéniablement réussis. Il y a aussi quelques subtilités qu’on découvre dans d’obscures vidéos, comme le grenade roll ou le shotgun twitching pour pouvoir tirer en boucle ou encore le slash cancelling pour taper sans discontinuer. Je note donc ce jeu Eclatage de démons sur Style lourd et sans concessions. J’en profite pour parler de la HD Collection, initialement parue en 2012 pour consoles puis en 2018 sur PC : elle n’est pas terrible. Il y a quelques aberrations sonores et visuelles, les cinématiques et les menus sont restés en 2001. Heureusement qu’on a du 60 FPS constant.

 

Conclusion

 

En bref, Devil May Cry a su me captiver près de vingt ans après sa sortie, avec son ambiance mi-horrifique mi-délurée, et surtout son système de combat avec de bonnes sensations et un certain style mêlant armes à feu et armes de corps-à-corps. On comprend aisément pourquoi en 2001 le titre s’est assuré un succès critique et commercial. Pendant que Kamiya fait son bonhomme de chemin de son côté, Capcom a fait paraitre la suite de la série avec un deuxième opus décevant, avec un monde générique et sans âme et une difficulté inexistante, avant de se rattraper pour un troisième opus au système de combat encore plus riche avec sa rivalité fraternelle, qui a définitivement hissé Devil May Cry au rang des principaux titre du sous-genre du character action game. Devil May Cry 4 (2008) et 5 (2019) ont continué en multipliant les personnages, avec un cinquième opus très bien vendu. On note également un reboot réalisé par Ninja Theory, DmC : Devil May Cry (2013), qui change pour certains fans un peu trop le caractère des personnages.

 

Au-delà de ces titres, les character action games ou hack’n’slash ou beat’em up en 3D, appelez-les comme vous voulez, ont continué d’essaimer : on pense ainsi à la difficulté légendaire des Ninja Gaiden, à la brutalité hors-normes des God of War avec leurs QTE, et même au retour de Kamiya au sein du studio PlatinumGames avec Bayonetta (2009), qui reprend de nombreux éléments de l’opus originel. L’action stylisée de ces titres ainsi que leur relative difficulté à maitriser font de ce sous-genre du jeu d’action une réussite. Reste à voir si le marché actuel du jeu vidéo est encore favorable à ce genre de titres.

 

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