Marionnettes et fantasy – Dark Crystal : Age of Resistance (2019)

Sous ses airs merveilleux, la série Dark Crystal porte la noirceur qui caractérise son titre. Si elle nous offre un voyage dépaysant dans des terres obéissant à des logiques propres et peuplées d’étranges créatures, elle est aussi un voyage sombre qui nous achemine peu à peu vers la période du film de 1982. Dans tous les cas, je vous propose de parler de cette excellente série.

 

I. Ainsi font font font

 

Les marionnettes : c’est là le point fort et l’originalité du film et de la série. Dans les années 80, c’est Jim Henson et Frank Oz, les papas du Muppet Show, qui animent les marionnettes représentant les Gelflings, petites créatures elfiques décimées, les podlings, sortes de hobbits festifs, les mystiques, vénérables et lentes créatures, Aughra, qui personnifie le monde de Thra, et surtout les cruels et immondes Skeksis, les principaux antagonistes du film, suivis par les énormes Garthims, créatures insectes. Le film de 1982, malgré un scénario qui apparait au départ simple, prend une dimension philosophique très rapidement sur le bien et le mal, qui s’entremêlent en même temps dans deux races différentes, et qui sont deux faces d’une même pièce, d’où le cristal mêlé à l’obscurité. Les antagonistes, dans leur sombre château, sortes de gros vautours, festoient sur les restes du monde et croient vivre éternellement en aspirant la vie des autres.

 


Le film de 1982 est plus brut, mais tout aussi mélancolique et porté par une musique symphonique planante.

 

37 ans plus tard, avec un Français aux commandes en la personne de Louis Leterrier, une série est créée sur Netflix sur les prémices de cette catastrophe, à une époque où les Skeksis sont divinisés par les Gelflings, avant que l’un d’eux ne découvre la supercherie. Ce qui frappe aussi bien le film que la série, c’est le soin apporté aux marionnettes, qui prennent vie, qui se meuvent, de façon à la fois burlesque et réaliste, et qui nous transportent dans une autre réalité. Cette expertise est loin d’être perdue dans la série, avec des expressions faciales, des gestes, et même des façons de se mouvoir ou de se battre qui donnent un dynamisme au récit, tout en sachant par exemple qu’une équipe de deux à quatre personnes est nécessaire pour faire mouvoir un Skeksis. Par ailleurs, les marionnettes et décors sont complétées par des effets numériques, donnant un peu plus de vie à l’environnement ou à certains détails, comme la langue des Skeksis.

 


Les Skeksis n’auront jamais été aussi immondes que dans la série. On note que dans les voix originales, on retrouve par exemple Mark Hamill pour le scientifique.

 

II. Tourisme à Thra

 

Mais outre l’aspect esthétique, qui utilise au mieux marionnettes et effets numériques pour nous transporter dans un monde à la faune, la flore et au climat propre, la série comme le film développent un univers qui n’explique pas clairement ses règles mais préfère les exprimer au fur et à mesure. Il ne s’agit pas pour le spectateur qu’on lui explique ce qu’il se passe, mais juste qu’on lui montre que c’est comme ça que ça se passe dans cet univers : l’histoire sous-jacente, le mysticisme, la nature, tout nous immerge dans quelque chose qui se passe, mais aussi qui s’est passé. C’est assez visible dans le film de 1982 où nous sommes au crépuscule du monde, mais la série n’efface pas cette étrangeté, en s’auto-référençant à des événements et des pratiques qu’on ne voit pas. On le trouve d’ailleurs bien en la personne d’Aughra, qui elle aussi devra travailler à reconnaitre son monde pour s’y reconnecter.

 


Les races et l’univers s’entremêlent pour provoquer le dépaysement chez le spectateur.

 

Évidemment, le cadre étant posé, l’histoire peut commencer. Et rassurez-vous : c’est toujours aussi choquant pour les enfants. Loin du côté gentillet qu’on pourrait croire, la malhonnêteté et l’intelligence des Skeksis, qui développent tous un caractère particulier dans l’horreur ou le burlesque, nous donne un contraste saisissant avec la gentillesse et la naïveté générale des autres peuples du monde de Thra. Ce décalage renforce l’ignominie de certains événements, mais rend aussi les antagonistes mémorables, car intelligents, terrifiants, et ignobles à la fois. On suit avec plaisir les machinations des uns et des autres pour arriver à leurs fins, malgré leur nombre très limité. L’intrigue de cette première saison est centrée sur un mouvement de résistance, comprenant ce que les Skeksis, ces êtres arrivés d’une autre dimension, sont en train de faire à Thra. Mais comment convaincre les clans de Gelflings de s’unir contre une oppression qu’ils ne voient pas, et comment battre des êtres sournois et machiavéliques ?

 

Conclusion

 

Dark Crystal est une excellente série, qui joue sur tous les registres : l’émerveillement, le dégoût, la peur, la colère, la tristesse. Elle est portée par un art de marionnettistes bluffant, complété par des effets visuels réussis et une bande-son d’excellente facture, qui nous transportent dans un monde et un univers de fantasy rafraichissant, porté par ses propres règles, races et langues. Une série que je recommande donc. Dépaysement garanti.

 

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