Le Guide de la Prépa Littéraire (Critique autre)

A la veille d’une troisième année de prépa littéraire, il est peut-être temps de tracer le bilan d’une année d’hypokhâgne et d’une année de khâgne, et de donner envie ou non à d’autres de suivre la même voie. Et de leur expliquer de quoi il retourne exactement. Donc let’s go.

 


La fuite ?

 


Ou l’aventure ?

 

I. Une prépa littéraire, mais pourquoi faire ?

 

On distingue traditionnellement la prépa de la FAC pour plusieurs raisons :
Les horaires : plus de trente heures de cours par semaine en prépa contre moins de vingt heures en FAC. Rajoutez à cela les oraux réguliers dans toutes les matières, qu’on appelle des khôlles, des concours blancs, et des devoirs réguliers le samedi matin. La FAC bien sûr a les partiels à chaque fin de semestre et organise aussi des oraux devant la ‘classe’, mais en proportion moindre.
La formation : histoire, géographie, philosophie, français, langue vivante 1, langue vivante 2, langue ancienne. L’éclectisme de la prépa n’est plus à présenter, face aux licences généralement spécialisées. On raconte aussi (et je peux l’affirmer) que les professeurs sont plus exigeants, notent plus sévèrement, et que la quantité de travail à abattre est plus importante vu le nombre de matières. Beaucoup d’anciens élèves disent que la prépa leur a donné des méthodes de travail efficace, et je ne peux que les comprendre.
Les enjeux : c’est là que réside peut-être la plus grosse différence. La prépa prépare au concours de l’ENS, l’Ecole Normale Supérieure d’Ulm ou de Lyon, suivant les options prises en khâgne. Ces concours sont très difficiles (moins de 4% d’admis sur toute la France) mais une fois pris, le nouveau normalien est pris en charge par l’état : il dispose d’un salaire mensuel pour finir ses études et est logé. Il devra ensuite dix ans à l’état, mais aura de grands avantages au niveau du salaire et du CV. Mais les élèves, grâce à la Banque d’Epreuve Littéraire (BEL) peuvent aussi passer en même temps d’autres concours, les menant de Saint-Cyr à Sciences PO en passant par des écoles de gestion et de journalisme. Le concours se déroule vers la fin de l’année de Khâgne autour d’un programme annuel. Certains concours donnent l’occasion de passer quelques épreuves complémentaires.

 

En bref, la prépa est une formation assez difficile et menant vers de grandes écoles. Notons aussi qu’un élève de prépa dispose d’une équivalence avec la FAC dans la licence de son choix. Ainsi, bien qu’en prépa, je peux entrer à Paris-Sorbonne en L3 d’histoire et de géographie.

 

II. Vivre la prépa

 

Il y a des avantages donc à passer par la case prépa. Mais ça, c’est la théorie. En pratique, c’est plus ardu qu’il n’y paraît.

 

1) L’Hypokhâgne

 

A mon sens, l’année la plus difficile. Tout juste sorti du BAC, on nous demande une grande culture littéraire qu’il s’agit d’étendre le plus rapidement possible dans tous les domaines. Les cours sont très détaillés, et renvoient à nombre d’ouvrages à lire en bibliothèque. Certains cours sont même complexes. Les horaires sont assez lourds. Les devoirs réguliers de cinq ou six heures ne sont pas vraiment reposants. Les khôlles qui demandent généralement une heure de préparation pour trente minutes de passage sont éreintantes. Certains professeurs n’hésitent pas à vous critiquer très durement sur vos copies, en khôlle et parfois devant la classe, et certains élèves sont un peu trop élitistes et suffisants pour que les échanges verbaux se passent bien. Bref, l’année fatigue.

 

Mais c’est aussi l’occasion de rencontrer des gens venus de toute la France et partageant votre goût pour les matières littéraires, et ainsi de créer des amitiés durables dans l’atmosphère parfois oppressante de la prépa. C’est aussi le moyen de redécouvrir des matières, qui peuvent apparaître d’un coup comme passionnantes et déterminer votre voie. Et c’est parfois l’occasion de vivre seul ou en colocation loin de la famille. On grandit beaucoup en prépa.

 

La phase la plus tendue de l’année est généralement entre décembre et janvier. C’est l’occasion des conseils de classe, les mauvaises notes tombent et le concours blanc d’avant Noël est assez déprimant. Il faut passer cette phase avec sérénité : vous pouvez vous améliorer, et vous pouvez passer en khâgne. Faire du mieux qu’on peut, et prendre ce que la prépa donne est le seul moyen de bien vivre la phase prépa.

 

L’hypokhâgne propose comme matières deux langues vivantes (4h/2h), une langue ancienne (entre 2h et 4h, entre débutants et confirmés), de l’histoire (5h), du français (5h), de la géographie (2h), de la philosophie (4h), de la culture antique (1h) et une ou deux options. Ces options dépendent des lycées, et on retrouve musique, théâtre, cinéma, géographie option (maîtriser la cartographie) et d’autres matières. Les effectifs sont généralement assez importants (entre cinquante et soixante élèves dans les cas les plus graves).

 

L’année est à mon sens assez difficile vu l’écart entre le degré d’exigence de la terminale et de l’hypokhâgne : déjà, pour être bon en langues, il faudrait déjà être bilingue voire trilingue. Ce qui était très loin d’être mon cas. Les notes sont désespérément basses, parfois malgré le travail qu’on peut fournir : le 4 en philosophie a été mon quotidien jusqu’en Khâgne. Et surtout, il n’y a aucun programme, et les professeurs font ce qu’ils veulent.

 

2) La Khâgne

 

C’est l’année du concours. On a survécu à une année d’hypokhâgne, on a un programme dans toutes les matières, il est temps de se battre. Il faut d’abord choisir sa classe : classique ou moderne. Suivant cela, vous passerez le concours d’Ulm ou de Lyon.

 

Les deux concours présentent une épreuve de philosophie, d’histoire, de français, de langue vivante, et de spécialité. Les classiques ont en plus une épreuve de latin, et les modernes ont en plus une épreuve de géographie. La spécialité peut être la philosophie, l’histoire-géographie (la géographie option en hypokhâgne est ici très utile), les lettres modernes, les lettres classiques, la musique, le théâtre et bien d’autres. Personnellement, je suis en khâgne moderne spécialité histoire-géographie.

 

Cette année m’apparaît moins ardue : certes, il faut engloutir une masse considérable de connaissances, les notes ne sont pas toujours bonnes, mais on a enfin un programme, on sait quoi lire, on a quelques méthodes de travail et surtout on a fait une année de prépa derrière. Le moment le plus dur, outre le concours, est l’attente des résultats. Le concours est en avril, les résultats en juin, et sans savoir si on est admissible quelque part, on révise les oraux. Et puis le résultat arrive : rien, sous-admissible, ou admissible. Les sous-admissibles ne passent pas l’oral, et rien ne semble différencier ce statut de celui qui n’a rien eu. Seulement, ils peuvent le marquer sur un CV, car ils sont relativement peu en France, et ils peuvent demander deux licences en FAC. Quant aux admissibles, ils partent à Paris ou à Lyon passer leurs oraux.

 

Détaillons un peu les épreuves. A l’écrit, on retrouve une dissertation de philosophie, d’histoire, de français et de géographie pour les modernes, avec six heures de composition, et cinq pour la géographie.  Il y a aussi une version et un commentaire en langue vivante  de six heures, et en langue ancienne pour les classiques, entre quatre et six heures suivant le sujet choisi. N’oublions pas la spécialité : commentaire de texte pour les lettres modernes, thème pour les linguistes, dissertation en musique et en théâtre, à vous de vous renseigner pour le nombre d’heures. En spécialité histoire-géographie, on a deux épreuves de trois heures : un commentaire de texte historique et un commentaire de carte topographique. Voilà pour l’écrit.

 

L’oral est un peu différent, et surtout on distingue cette fois les classiques des modernes. Les derniers n’ont ainsi pas de philosophie, mais un oral d’approche des sciences humaines avec des livres au programme. Vous verrez quand vous y serez ! Des épreuves complémentaires vous attendent ou pas pour les autres concours, et des oraux complètement différents pour les admissibles dans ces concours.

 


Concours : expectation…

 


…versus reality

 

III. Et toi alors ?

 

Je suis parti à Paris pour faire mes deux premières années de prépa. J’ai pris 4h de latin débutant et l’option géographie. Je suis ensuite passé en khâgne moderne spécialité histoire-géographie avant d’être sous-admissible au seul concours que j’ai passé, c’est-à-dire l’ENS de Lyon.

 

Mon bilan transparaît largement dans ce que j’ai dit plus haut : difficile, éreintant, mais intéressant. Certains professeurs ont été des peaux de vache, surtout en langue. D’autres étaient plus sympathiques. Les notes, sans être catastrophiques, n’étaient pas forcément très élevées. J’ai fait de très belles rencontres. Une vie d’étudiant classique en somme !

 

IV. Des conseils ?

 

Les méthodes pour survivre en prépa sont simples mais efficaces :

  • Dormir régulièrement plus de sept heures. Le sommeil est très important. Qu’importe le travail en cours, couchez-vous à heures fixes. Au milieu de la nuit, croyez-moi, vous n’êtes pas très efficaces. Faites vos devoirs maisons en avance pour ne pas avoir à faire une nuit blanche. Le sommeil vous répare et vous permet ensuite de passer une bonne journée studieuse, alors ne le négligez pas. Et cela déstresse.
  • Manger trois fois par jour. Là aussi, c’est vital. Votre corps a besoin de nutriments pour vivre. Et quand vous exercez une activité intellectuelle intense, il a aussi besoin d’énergie. Mangez au petit-déjeuner, à midi, et le soir. Pendant vos pauses aussi, mais sans trop abuser. C’est déstressant en plus.
  • Essayez de faire du sport. Souvent impossible à tenir, parce qu’on a pas de temps, parce qu’on est occupé. Mais le mieux que vous puissiez faire, c’est d’en faire un une fois par semaine. Ca défoule et ça déstresse. La course à pied, le vélo et la natation seront vos meilleurs alliés contre le stress.
  • Détendez-vous et sortez vous aérer le cerveau. Très facile à faire ça par contre. Youtube risque de devenir votre meilleur ami, mais n’en abusez pas ! Vous ne pouvez pas travailler à fond tout une journée : vous n’êtes pas efficaces et vous finissez par craquer pour rien. Alors sortez voir des expos, des amis, vous balader. Lisez des trucs moins studieux. Jouez à des jeux vidéos, regardez des séries. Buvez du thé en contemplant une rue. Je vous laisse choisir ! Quand vous vous remettrez à travailler, là vous serez efficaces. Alors ménagez-vous TOUJOURS des pauses.
  • Ne stressez pas. Oui, plus facile à dire qu’à faire. Trop de travail, trop de choses à faire, tout se mélange dans votre tête, et le stress monte. Mais votre vie n’est pas en jeu. Quand vous êtes affreusement stressé, un conseil, faites une pause ou du sport, ou bien mieux : dormez. Ca ira tout de suite mieux après. Vous n’êtes pas très efficaces quand vous stressez en-dehors des épreuves de six heures et des concours (où on est presque obligé de stresser).
  • Ne déprimez pas. Oui, plus facile à dire qu’à faire. Le travail est là, et les notes ne montent pas. Vous voyez moins votre famille et vos amis. Vous êtes fatigués de travailler. Certains élèves sont vraiment puants. Certains professeurs sont vraiment sadiques. Vous êtes désespéré d’être célibataire peut-être (plus courant qu’on ne croit). La prépa vous force à faire des bilans existentiels. Une seule solution : faire tout ce qui est listé au-dessus. Revoir des amis, prendre un billet de train pour rentrer chez soi, sortir manger au restaurant, regarder des séries ou des films, lire des choses badines sans importance. Ou bien faire du sport. Les solutions ne manquent pas. Et rassurez-vous, vous êtes loin d’être seuls à ressentir ça dans votre classe. Dites-vous bien que vous êtes déjà formidable d’être parvenus jusqu’en prépa, et d’avoir tenu autant de temps (certains partent dès le début). Dites-vous bien que l’année d’avant vous étiez en terminale, et que votre évolution est notable. Dites-vous bien que vous avez de la chance d’être là plutôt que d’être caissier au supermarché. Dites-vous bien que les professeurs que vous avez ont fait le même parcours que vous, et ont aussi subi les commentaires déplaisants d’anciens professeurs et des notes faibles. Y a-t-il encore des raisons de déprimer ? Et si oui, parlez-en à vos potes de prépa. Et si vous prétendez ne pas en avoir, il est temps de s’y mettre ! Chaque problème a sa solution.
  • Soyez confiant. C’est la dernière chose à dire. Un travail sérieux n’est jamais inutile, et surtout pendant l’année du concours. En hypokhâgne, les professeurs sont trop libres d’aller un peu partout et parfois ne s’en privent pas, ce qui fait que votre travail semble tout le temps tomber à l’eau. Mais ce n’est pas le cas. Et c’est encore moins le cas en Khâgne. Vous voulez des exemples ? Il n’y a que ça. Vous vous rappelez que j’ai dit que pendant une année entière, j’ai eu 4 en philo ? Eh bien j’ai eu 14 au concours. Ce qui est vraiment pas mal. Mon secret ? N’avoir jamais abandonné. C’est la clé ! Alors soyez confiant.

 

Survivre en prépa en travaillant régulièrement est en fait plus simple qu’il n’y paraît. Le principal est de se dire qu’on fait du mieux qu’on peut dans des études difficiles mais parfois gratifiantes.

 

Conclusion

 

Formation dure et gratifiante, la prépa vous laissera des marques. Mais vous apprendrez beaucoup d’elle. Plus que vous ne le pensez. Alors je vous conseille si vous vous dirigez vers des études littéraires de tenter l’aventure. Au pire, vous partez à la fin de la première année avec des méthodes de travail, une culture plus étendue, et une équivalence pour ce que vous voulez faire. Et au mieux, vous finissez normalien. Il n’y a pas de perdants en prépa !

 

Et puis, surtout, on peut en rire, et c’est l’essentiel :

 

Alors salut !

 

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