Dominions 4, le test de la maturité (Critique vidéoludique n°4)

Après un ancien test un peu daté de Dominions 4, j’ai profité de ma collaboration avec Mundus Bellicus pour en proposer un plus complet. Je vous le retranscris donc, comme je vous l’avais promis. (Edit 2017 : je fais mieux que ça, une vidéo !)

 

 

Introduction

 

Le studio suédois Illwinter Games se compose de deux simples personnes. Ça ne les empêche pas de nous proposer des jeux vidéos depuis 1997. Le premier, Conquest of Elysium II, le numéro signifiant juste que la dernière mise à jour le portait enfin sur Windows, permettait aux joueurs de choisir une classe de personnages, guerrier, prêtre, mage, ou que sais-je encore, et de battre les autres personnages contrôlés par l’IA ou des joueurs en multijoueur, le tout au tour par tour. Vous aviez un bâtiment principal, votre forteresse, d’où vous recrutiez des troupes plus ou moins variées, et vous vous étendiez autour de votre campement, en établissant un réseau de forteresses et de tours de guet, en résistant aux attaques des barbares et des bêtes sauvages, et en contenant les autres joueurs. Votre personnage principal pouvait en outre avoir des capacités suivant sa classe : un magicien pouvait ainsi s’entourer de créatures magiques.

 

Le second jeu sorti s’intitulait en 2001 Dominions: Priests, Prophets and Pretenders. Vous comprendrez à la fin de cet article pourquoi. Par rapport au précédent jeu, on découvrait déjà une richesse incomparable. Comme vous aimez les chiffres, et qui ne les aime pas, en voici quelques-uns : plus de 600 unités différentes, avec leur caractéristiques, leur histoire, leur équipement, leur coût en or et en ressources à moins qu’ils puissent être invoqués selon des rituels de magie à rechercher ; de même, on retrouvait près de 400 sorts, utilisables sur le champ de bataille pour lancer des météorites, faire jaillir de la lave ou bien faire pleuvoir la pierre, ou bien en rituel pour maudire des provinces ennemies ou appeler à soi des légions d’élémentaires ; enfin, on pouvait construire plus de 300 objets, magiques ou non, le tout pour équiper nos commandants de la tête aux pieds, littéralement puisqu’un système d’inventaire leur était alloué. Le tout alors que les batailles pouvaient compter des centaines d’unités : imaginez alors vos quelques héros avec des bottes de vol frapper avec des épées enflammées en étant protégés par une cape déviant les coups…

 

De là, nous sommes passés par Dominons II: The Ascension Wars en 2003, puis par Dominions III: The Awakening en 2006, et puis finalement Dominions IV: Thrones of Ascension, sorti en Octobre 2013. Au cas où vous voudriez comparer au niveau des chiffres avec la première version, vous voilà servis : on passe de 600 à 2000 unités différentes, de 400 à 800 sorts, et on garde le nombre d’objets magiques à 300, le tout combinable avec une des 75 nations. Vous n’avez tout de même pas entendu parler de ce jeu ? Essayons de remédier à cela.

 

I. Des nations pour tous les goûts

 

Alors, essayons de résumer le concept du jeu. La stratégie consiste en la gestion d’une armée, de sa mobilité, de son ravitaillement, de sa composition, etc. La tactique consiste quant à elle en la gestion des ordres et des formations en cours de bataille. Et parce que Dominions IV gère les deux, on peut parler d’un jeu de stratégie-tactique. CQFD. Nous nous retrouvons donc dans un univers médiéval-fantastique. Les 75 nations, divisées en trois âges, proposent chacune un gameplay particulier, avec ses forces et ses faiblesses. Les différences peuvent être seulement au niveau des unités et des commandants, et donc juste faire varier les façons de faire la guerre et les magies disponibles, mais la différenciation peut aussi se faire par la présence d’objets magiques spéciaux, de sorts uniques, et même de choses bien plus intéressantes. On pense à Ermor en « Middle Age », inspirée de l’Empire Romain, qui tue sa propre population, et qui, à chaque tour, lève dans tout son empire des légionnaires mort-vivants, souvent des squelettes, rarement des equites avec leurs montures. De même, les prêtres de Lanka en « Early Age », une nation de castes de singes, inspirée des hindous et de leur mythologie, peuvent invoquer à chaque tour des légions mort-vivantes, pendant que certains mages s’amusent à invoquer des guerriers sacrés spécifiques à Lanka. Chaque nation a son histoire, et aussi son inspiration. Les mythes et l’histoire intéressent tout particulièrement les deux larrons d’Illwinter Games.

 


Les hommes chauve-souris de Xibalba. Furtifs, ils se déplacent instantanément sur le champ de bataille grâce à leurs ailes.

 

Autant vous dire que la variété est de mise dans Dominions IV. Chaque unité, du soldat médiéval « classique » à des unités beaucoup plus exotiques, comme les guerriers chauve-souris de Xibalba, des guerriers aquatiques montés sur des hippocampes géants ou encore les troupes sacrées de Mitclan qui se transforment en bêtes quand elles sont blessées, toutes donc ont les caractéristiques suivantes, influant sur bien d’autres ensuite : points de vie, protection, moral, capacité d’attaque, capacité de défense, encombrement relatif à l’équipement, résistance magique, force, et bien d’autres. Ajoutez à cela les armes, variées dans leur mode de fonctionnement, leur longueur et leur effet, et l’armure ; il ne manque dès lors plus qu’un petit historique de l’unité et le tour est joué. Mais j’ai failli oublier que les unités ont parfois, et même souvent, des compétences particulières. Par exemple, elles peuvent n’avoir aucune pénalité de mouvement dans la montagne si elles sont dites montagnardes. Elles peuvent inspirer la peur aux ennemis, être invulnérables aux coups normaux, être capables d’entrer dans une formation. Elles peuvent aussi être sacrées, c’est-à-dire qu’en les bénissant elles gagneront des compétences en rapport à ce que votre prétendant a choisi (on va y revenir). Tout y est, et tout y passe.

 

II. Les divinités

 

Dominions IV commence avec le postulat suivant. Imaginons la Grèce divine : sur l’Olympe, Zeus et sa clique gouvernent le monde, le partagent entre hommes et créatures diverses, luttent contre les plus malfaisantes. Tout d’un coup, au beau milieu de l’Iliade, Zeus se taille. Imaginez alors que sans autorité suprême, les dieux se mettent à se battre pour prendre la place de Zeus. Pensez-vous maintenant aux forces qu’ils seront prêts à déchaîner pour arriver à leur fin ? Aux titans et aux monstres qui vont revenir faire le bazar ? C’est exactement ce que propose Dominions IV. Pantokrator, maître du monde, disparaît. Ses anciens ennemis reparaissent alors à la tête de nations, pendant que ses anciens laquais tentent de maintenir l’ordre par l’intermédiaire d’autres nations. La force de chaque dieu, on le comprend aisément, se mesure dans le degré de foi de leur peuple en eux. Si plus personne ne croit en vous, vous disparaissez.

 

Voilà pourquoi il est important, lorsqu’on est un dieu suprême en devenir, de choisir finement ses caractéristiques. A chaque début de partie, avant de jouer, vous choisissez ainsi l’enveloppe charnelle de votre « pretender » parmi ceux disponibles uniquement pour votre nation. Vous avez un certain nombre de points que vous dépensez dans des caractéristiques diverses : vous pouvez prendre l’ordre et la production pour améliorer, dans les provinces où on croit en vous uniquement, le taux de production d’or et de ressources. Inversement, vous pouvez prendre le désordre et la paresse pour gagner des points pour prendre d’autres caractéristiques, comme la puissance magique, la croissance, le pourcentage de diffusion de votre foi, etc. De même, vous pouvez choisir si votre prétendant à la divinité sera là directement, endormi donc disponible après un an, ou bien encore emprisonné donc disponible après deux ans, pour gagner des points toujours.

 


Un sorcier bateau… Pour économiser des points et me payer des grosses magies pour mes sacrés (tiré de la partie Duel au Sommet)

 

Vous choisissez aussi ses capacités magiques, qui influent sur les capacités de vos troupes sacrées après qu’elles sont bénies. Chaque nation a une ou plusieurs unités sacrées. Par exemple, avec la magie de la mort au niveau 4, vos troupes sacrées vont avoir 4 points de vie en plus avant de mourir. Pour dire les choses clairement, ils pourront aller jusqu’à -4 points de vie. Si vos unités sont en-dessous de 0, elles meurent à la fin de la bataille quand même SAUF si elles sont mort-vivantes. On voit déjà des synergies se créer. Si vous aller jusqu’à un niveau 9 en mort, vos troupes sacrées pourront aller jusqu’à -7 points de vie, et leurs armes seront enchantées avec la puissance de la mort. C’est la différence entre un avantage mineur et un avantage majeur. A 4 en magie, avantage mineur, à 9, avantage majeur.

 

A. Carte du jeu

 


Des tas de commandants sur Battle of Crones.

 

Vous avez votre nation, vous avez votre dieu en devenir, et vous vous retrouvez alors sur une carte de campagne, parmi celles proposées par le jeu de base, celles créées par des joueurs, et celles générées par un éditeur automatique. Je vous invite à voir celles de Pymous, dessinées à la main, dont une a d’ailleurs rejoint le jeu de base. Vous avez donc votre capitale sur laquelle trône une forteresse, un temple, un laboratoire pour vos mages et les sites magiques spéciaux de votre nation. Autour, ce sont des provinces indépendantes sur lesquelles des forces armées patrouillent.

 

Le terrain a des caractéristiques variées, en passant de la montagne à la plaine fertile, avantageant ou non certaines unités pour le déplacement, mais aussi les revenus et les ressources. On trouve aussi des cols de montagne et des fleuves, franchissables suivant les saisons. Un tour représente un mois de jeu, et le mode de résolution des tours est en simultanée. Une saison correspond dès lors à trois mois, mais la chaleur de l’été peut par exemple être contrebalancée par le fait que votre foi propage le froid, et vous franchirez ainsi les fleuves gelés toute l’année plutôt que d’attendre l’hiver. De plus, une fois que vous avez maté une province, vous pouvez recruter leurs troupes. Elles sont souvent moins bonnes, parfois utiles pour combler un manque de cavalerie ou d’archers, et parfois même délivrer des unités uniques, comme des chevaliers-pégases, nécessitant parfois l’ajout de bâtiments spécifiques.

 

Les provinces peuvent aussi porter des sites magiques, vous apportant, en plus des ressources et de l’or traditionnel, des gemmes, permettant de lancer des sorts suivant la magie que vous avez. Chaque province a, pour conclure sur cela, de nombreuses caractéristiques. Si vous êtes en train de suer, c’est bon signe. Vous avez des tutoriaux anglais et français, donc n’ayez pas peur et continuez de lire.

 


Une plus jolie carte, mais des futures batailles tout aussi sanglantes (Duel au Sommet

 

B. Foi et guerre

 


On part parfois de pas grand chose (Battle of Crones).

 

Avec des temples et des prophètes, vous propagez la foi jusque chez vos ennemis. En jeu, cette caractéristique est matérialisée par des bougies, blanches pour vous, rouges pour une foi ennemie. Vos troupes se battent mieux quand la population de la province où ils se trouvent croit en vous. Le but du jeu est de capturer des trônes d’ascension, qui portent bien leur nom puisque leur maîtrise rapporte de quoi élever votre prétendant au rang de Pantokrator, de dieu des dieux. Quand vous possédez le nombre correct de points d’ascension, sachant qu’il existe des trônes rapportant 1, 2 ou 3 points, vous gagnez la partie.

 

C’est sur cette carte qu’on opère les déplacements de nos troupes, qui sont recrutées dans les châteaux ou en pleine nature, et c’est rarement les mêmes. Ces unités, en tant que telles, ne peuvent rien faire tant qu’elles ne sont pas sous la direction d’un commandant. Et ce sont ces commandants que vous déplacez vraiment. Vos commandants peuvent donc mener des troupes, rechercher de la magie, devenir prophète, espionner, piller, lancer des rituels, assassiner d’autres commandants, construire des forteresses, des temples ou bien des laboratoires pour vos mages. La magie est ainsi divisée en sept écoles, et chaque école est divisée en neuf niveaux. On trouve huit types de magie différente si on excepte la magie sacrée. Sachant que les mages de chaque nation ont accès ou non à certaines magies plutôt que d’autres, on voit que la panoplie tactique s’agrandit considérablement. On trouve des rituels d’invocation, des sorts qui gênent les provinces ennemies, des enchantements globaux qui transforment le monde. Rajoutez à cela la centaine d’objets disponibles pour personnaliser vos champions de la tête au pied, et vous avez compris que l’équilibre du jeu se maintient autour de ces piliers. Il arrive qu’une nation soit vraiment faible, comme EA R’lyeh par exemple dont la particularité est de ne pas vraiment pouvoir sorti des provinces maritimes. Je ne vous avais pas dit qu’il y avait des provinces maritimes ?

 


Vous ne croyiez pas tout de même qu’on allait à la bataille sans rien ? (Tiré de notre partie actuelle).

 

Cette transition est alors toute trouvée pour parler de ce qui fait le sel du jeu, les combats. Il faut savoir que vous n’avez d’influence sur les batailles qu’en dehors des combats. Vous préparez les formations, les positionnements sur le champ de bataille, les sorts vitaux à jeter, et puis au tour suivant vous avez le résumé de vos pertes, et la bataille jouée en intégralité sous vos petits yeux ébahis. Le moral et la fatigue jouent un rôle considérable, de même que les prises de flancs, les attaques sur les arrières. On a des troupes volantes, des fantômes, des éléphants qui piétinent vos troupes, mais aussi des mages qui peuvent lancer des cailloux ou bien des météorites, rendre vos troupes ultra résistantes, ou transformer l’armée adverse en rats. Tout est possible.

 

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Voilà à quoi s’attendre si on se prépare bien (tiré d’une partie d’un soir, on a hurlé de joie en voyant tous ces petits soldats se mettre les uns sur les autres).

 

Conclusion

 

On a traité en surface de Dominions IV. Il y aurait encore beaucoup de choses à dire : l’expérience pour les troupes, la capture des trônes d’ascension donnant des avantages certains, le livre des héros pour récompenser les 10 ou 15 plus valeureux commandants en leur octroyant des compétences légendaires, la mise sur pied d’une milice sur une province, l’amélioration des forteresses via des bâtiments complémentaires renforçant votre emprise économique, la possibilité de recruter des indépendants, les événements aléatoires comme les héros qui viennent se battre pour vous, la magie du sang qui sacrifie des vierges… Si vous avez eu le courage de lire jusqu’au bout, vous aurez aussi le courage pour aller voir la section du jeu sur Mundus. Ou de lire mon initiation à Dominions IV qui vous présente tout cela. Mais le multijoueur est bien l’étape la plus enthousiasmante. Si l’IA n’est pas mauvaise, elle considère le jeu comme une lutte entre des nations aux propriétés incompatibles, et attaque à tout bout de champ. Mais en multijoueur, c’est une autre histoire. Le RP, la diplomatie, les coups fourrés, les alliances, les stratégies bien pensées, tout cela crée un intérêt supplémentaire.

 

On en arrive à ma pensée sur ce jeu. Elle sera simple et intuitive : c’est de la balle. Vous le voyez déjà avec le nombre astronomique d’articles dédiés à ce jeu sur ce petit blog, entre l’initiation et les deux AARs déjà réalisés auxquels je vous renvoie dans les images. Plus prosaïquement, c’est à la fois un jeu complexe requérant pas mal d’apprentissage, et un jeu intuitif avec une interface pas exceptionnelle mais assez claire une fois qu’on sait ce qu’il y a à voir. Intuitif aussi lorsque vous jouez avec des gens de même niveau que vous : faites un tour sur la section Dominions IV je vous dis !

 

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