Obus à volonté – Armes de petit calibre et jeu vidéo

Nous avons parlé de la définition des armes légères et de petit calibre par rapport aux catégories d’armes décrites par l’ONU dans notre épisode précédent. Nous en avons profité pour faire un historique des armes légères, une typologie, et la description de leur emploi dans des jeux de tir à la première personne. Dans cet épisode qui clôt notre analyse sur les armes légères et de petit calibre, nous ferons une typologie des armes de petit calibre avant d’aborder leur emploi dans les jeux vidéos, particulièrement dans les jeux de tir mais aussi de stratégie et de tactique.

 

I. Typologie des armes de petit calibre

 

a) Mitrailleuses lourdes (heavy machine gun)

 

Ces armes à feu automatiques ont des servants (crew-served) et utilisent des cartouches au calibre supérieur à 8 mm et inférieur à du 20 mm. Elles sont popularisées pendant la Seconde Guerre mondiale avec la mitrailleuse M2 de 12,7×99 mm inventée par John Moses Browning, capable de traiter davantage de cibles, comme les fortifications légères ou les blindés. Pour éviter la surchauffe, divers systèmes de refroidissement existent (par eau, par air), et les canons de l’arme sont interchangeables. Ces HMG peuvent être montées (véhicules, fortifications) ou installées sur trépieds (tripod) pour être servies par plusieurs hommes : porter l’arme, la monter, et l’alimenter en munitions. Ces munitions sont la plupart du temps en bandes (belt-fed). Certaines HMG fonctionnenet également sur le modèle rotatif de la Gatling (et du revolver), comme le Minigun, qui chambre du 7,62×51 mm, installé sur hélicoptères dans les années 60, et qui fait tourner son « barillet ».

 

Une HMG M2 Browning en 1944 (Wikipedia).

 

b) Canon automatique (autocannon)

 

Les auteurs du rapport parlent de « light cannon », mais cette formulation ne se retrouve pas dans la terminologie militaire, au profit des canons automatiques, qui chambrent des obus d’un calibre compris entre 20 et 57 mm. L’essentiel des armes de cette catégorie est montée sur véhicules ou navires. Un des premiers canons automatiques est le QF1 Pounder britannique de la fin du XIXe siècle qui tire du 37 mm. Ces canons automatiques ont une plus grande cadence de tir que ceux qui chambrent des obus de gros calibre, et ont été utilisés en tant qu’armes anti-aériennes ou aujourd’hui comme système d’arme rapproché (close-in weapon system, CIWS) pour engager à courte portée les menaces, notamment sur navire.

 

Un canon antiaérien allemand de la Première Guerre mondiale, par Bundesarchiv, Bild (Wikipedia

 

c) Fusils anti-matériel (anti-material rifles)

 

Ils désignent des fusils anti-char développées durant la Première Guerre mondiale, notamment à partir du Mauser 1918 T-Gewehr qui chambre du 13.2 x 92mm. Les balles ont généralement un cœur d’acier plutôt que de plomb. Ils ont globalement été remplacés par les lance-grenades, les armes sans recul puis les lance-roquettes et les lance-missiles. Certains fusils de précision peuvent entrer dans cette catégorie, comme le NTW 20 sud-africain des années 90 qui chambre des munitions de 20 mm.

 

Le fusil antichar Mauser 1918 T-Gewher (Wikipedia).

 

d) Lance-grenades

 

La grenade en tant que bombe déclenchée par un dispositif pyrotechnique existe depuis le XIe en Chine et dans l’Empire byzantin sous des formes plus rudimentaires. Au XVIIe siècle, les grenadiers lancent encore des bombes à mèche. C’est au début du XXe siècle que la grenade prend sa forme moderne, notamment la grenade à fragmentation britannique Mills bomb de 1915. Les grenades à main peuvent également être tirées, et ce dès le XVIIe siècle avec le hand mortar marchant sur le principe des armes à feu. Pendant la Première Guerre mondiale, on utilise aussi bien des arbalètes (Sauterelle) que des mortiers pour projeter la grenade plus loin. Des grenades à fusil sont également créées pour être tirées à partir d’un fusil. Dans les années 60, on crée des lance-grenades individuels comme le M79 américain, qui peuvent être les successeurs spirituels de certaines armes anti-émeute (riot gun) comme le Federal Riot Gun américain des années 30, mais aussi des lance-grenades montés sous une arme (under-barrel), ou encore sur trépied et véhicules pour les versions plus lourdes et automatiques.

 

Le lance-grenades M79 (Wikipedia).

 

Le calibre de ces grenades est généralement compris entre 30 et 40 mm. La grenade peut être à fragmentation pour projeter du sharpnel (grenade défensive), à surpression pour accentuer l’effet de l’explosion (high explosive ou HE, grenade offensive), mais aussi incendiaire, ou encore avec une charge creuse (shaped charge) ou high explosive anti-tank (HEAT) comme les sticky bombs britanniques de la Seconde Guerre mondiale contre les blindages. Les usages non-léthaux peuvent être les grenades assourdissantes (stun grenade) ou fumigène (smoke grenade).

 

e) Mortiers d’infanterie (light and medium mortars)

 

Les mortiers viennent directement de l’artillerie, et sont au moins utilisés depuis le XVe siècle. Des mortiers à courte portée sont inventées durant la Première Guerre mondiale, comme le Minenwerfer (lanceur de mines) allemand. En réponse, les Britanniques créent en 1915 le premier mortier moderne portable, le mortier Stokes. Le mortier d’infanterie se compose d’un tube lisse (et non pas d’un canon) avec un percuteur au fond. Ils sont généralement chargés par la bouche, la munition étant activé dans le fond du tube avant d’être projetée. Ce tube est sur bipied, et le recul est absorbé par le sol grâce à une plaque ou embase (base plate). Ils tirent des obus (shells) en tir courbe et permettent d’atteindre des distances plus courtes, les rendant indispensables pour les tranchées. Les mortiers légers chambrent des obus de 60 ou de 81 mm (norme OTAN). D’autres modèles existent : des mortiers sur véhicules ou automoteurs comme le M21 Mortar Motor Carriage américain, des mortiers tractés comme le MO 120 RT français des années 70, ou des mortiers « spigot » où le projectile enveloppe le lanceur comme le Blacker Bombard britannique. Les modèles d’aujourd’hui ont des portées de plusieurs kilomètres.

 

Mortier M224 de 60 mm (Wikipedia).

 

f) Armes sans recul (recoilless weapons)

 

Elles désignent des armes qui compensent le recul en tirant avec deux canons opposés, dont l’un des deux tire la munition. Elles diffèrent des lance-roquettes ou lance-missiles par le fait que les munitions tirées n’ont pas de système de propulsion en propre. Néanmoins, les lance-roquettes et lance-missiles peuvent également être des armes sans recul pour compenser le lancement chaud, c’est-à-dire que la munition sera d’abord lancé par l’arme qui compense le recul, avant d’activer son moteur-fusée. Pour les armes sans recul proprement dite, ce sont des canons à munitions antichars portables, plus faciles à mettre en place mais à la portée plus courte. Les premiers modèles peuvent dater de la Première Guerre mondiale, mais sont popularisés pendant la Seconde, avec par exemple le Panzerfaust allemand tirant une grenade antichar, ou après la guerre avec le Carl Gustav M2 suédois. Elles sont aujourd’hui moins employées au profit des lance-roquettes et lance-missiles.

 

Un Carl-Gustav M2 et ses munitions (Wikipedia).

 

g) Lance-roquettes portable

 

Un lance-roquettes est aussi appelé lance-grenade propulsée par roquette ou RPG selon la terminologie russe et anglaise (rocket-propelled grenade). Ils ont été développés à la suite des armes antichar et des armes sans recul, par exemple avec le M1 Bazooka américain de la Seconde Guerre mondiale ou le RPG-7 russe à la fin de la guerre. On parle également de lance-roquettes antichar (les LRAC français) ou de Man-portable anti-tank systems (MANPATS). Les projectiles sont à charge creuse (shaped charge), aussi appelé HEAT pour high-explosive anti-tank. Ces armes peuvent être jetables ou réutilisables, et permettent de s’occuper de blindés de l’épaule d’un soldat. Elles ne sont au départ pas faites pour la discrétion vu le bruit provoqué par le départ du projectile, ni pour être utilisé en intérieur à cause du cône de dégagement (blow-back). Aujourd’hui, certains lance-roquettes sont aussi des armes sans recul, pour permettre un « lancement froid » et éviter le cône de dégagement pour tirer en intérieur. Notons que les lance-roquettes peuvent aussi être utilisées en pièces d’artillerie : on peut remonter au Hwasha coréen du XVe siècle qui envoyait des fusées, jusqu’aux pièces d’artillerie modernes comme le lance-roquette unitaire (LRU) français.

 

Un RPG-7 (Wikipedia).

 

h) Lance-missiles portables

 

On retrouve dans cette catégorie les man-portable anti-tank guided missile (ATGM) systems, qui dépassent la portée des roquettes, généralement de plusieurs kilomètres, avec un système de guidage qui a évolué :

  • téléguidage manuel contrôlé par un opérateur ou manual command to line of sight (MCLOS) avec le SS.10 français des années 50
  • téléguidage semi-automatique avec un calculateur intégré au missile ou semi-automatic command to line of sight (SACLOS) comme le AGM-114 Hellfire américain des années 80
  • capacité d’autoguidage avec le tire-et-oublie (fire-and-forget), avec une tête chercheuse ou autodirecteur qui cherche la cible (homing) avec différents senseurs (infrarouge, radios ou guidage laser), et qui évite d’exposer le tireur, comme le FGM-148 Javelin américain et son guidage infrarouge, qui combine la capacité d’attaquer par le dessus ses cibles (top-attack).

 

Ces missiles sont appelés sol-sol ou surface-to-surface missile (SSM). On trouve aussi les missiles sol-air ou surface-to-air missile (SAM) utilisés dans les man-portable air defence systems (MANPADS) pour des cibles aériennes et popularisées pendant la guerre du Vietnam, devant être bien plus rapides.

 

II. Petit calibre et jeux vidéos

 

a) Jeux de tir

 

Dans les jeux de tir à la première personne, ces armes sont utilisées comme des armes secondaires : des grenades ou lance-grenades qui équipent les soldats pour nettoyer des espaces clos ou envoyer du fumigène, des armes situationnelles comme le lance-roquettes, ou encore des armes posées sur le champ de bataille comme des mitrailleuses lourdes ou des canon de moyen calibre. Dans les jeux de tir tactique, c’est moins le cas, sachant que certains rôles ont justement comme objectif d’employer une arme de petit calibre, comme l’homme de la section qui porte le lance-roquettes ou le mitrailleur lourd qui doit appuyer son escouade.

 

b) Stratégie et tactique en temps réel

 

Pour un inventaire plus complet, on retrouve les jeux qui veulent simuler des conflits historiques ou contemporains. Outre les jeux comme Panzer General (1994) au tour par tour par hexagones, on trouve des jeux de stratégie en temps réel comme la série Company of Heroes (2006-2013), ou de tactique en temps réel comme les séries Sudden Strike (2000-2017) et Blitzkrieg (2003-2017). Si on retrouve tout ou partie de l’inventaire de la Seconde Guerre mondiale, du soldat d’infanterie au char d’assaut en passant par la pièce d’artillerie, on peut y noter que l’infanterie porte ces différents armes pour répondre à toutes les situations.

 

Nous aurions aussi pu évoquer le jeu de figurines Bolt Action, qui reprend toutes les distinctions que nous avons évoquées dans un système sur table au tour par tour.

 

c) Wargame

 

Mais c’est peut-être dans la série Combat Mission (2000-2020) qu’on retrouve le mieux toutes ces armes. Simulation réaliste, qui calcule les trajectoires balistiques et nous met au commande de bataillons complets, en pleine Seconde Guerre mondiale ou bien dans la guerre moderne, on retrouve les sections d’infanterie avec tout l’armement possible et imaginable, aussi bien en armes légères qu’en armes de petit calibre, ce qui permet pour le connaisseur de savoir exactement comment les employer sur le champ de bataille en conjonction avec le reste de l’armée. Cela peut-être de l’équipement de 1944 avec Battle for Normandy (2014), mais aussi très contemporain comme Black Sea (2015) où les développeurs traitent d’un conflit hypothétique entre l’OTAN et les Russes.

 

Le dernier opus, Shock Force 2 (2019) nous emmène en Syrie dans une guerre fictive entre l’OTAN et les forces syriennes. Pour ceux qui se demandent si ce jeu n’est pas sensiblement proche de l’actualité, notons que le premier Shock Force qui visait les mêmes protagonistes datait de 2007, avant la guerre civile syrienne. Le développement de Black Sea pour un conflit hypothétique en Ukraine a d’ailleurs commencé avant la guerre de 2014. Un autre soft sérieux faisant dans l’hypothétique contemporain est Command : Modern Operations (2019) dont nous avons déjà parlé dans les lignes de l’Actu vidéoludique du Captain.

 

Conclusion

 

La catégorie des armes légères et de petit calibre désignent une grande variété d’armes, utilisées majoritairement dans les conflits, et capables de traiter un grand éventail de cibles, allant du soldat au char de combat en passant par l’hélicoptère. A ce titre, leur utilisation dans le jeu vidéo est plus limitée, et se bornera essentiellement à des jeux de tactique, dont l’intérêt repose sur la coordination entre toutes les unités du joueur. La connaissance de ces armes peut ainsi servir à mieux comprendre les systèmes imaginés dans les wargames.

 

Bibliographie :

DREVILLON, Hervé (dir.), Mondes en guerre. Tome 2. L’Âge classique, XVe – XIXe siècle, Passés Composés / Ministère des Armées, 2019, 782 p.

Nations unies, Rapport du Groupe d’experts gouvernementaux de l’ONU sur les armes de petit calibre, 1997, http://archive2.grip.org/bdg/g1552.html [Consulté le 25/08/2020]

Nations unies, Register of Conventional Armament, https://www.unroca.org/categories

Small Arms Survey, An Introductory Guide to the Identification of Small Arms, Light Weapons, and Associated Ammunition, 2018, http://www.smallarmssurvey.org/resources/publications/by-type/handbooks/weapons-id-handbook.html [Consulté le 25/08/2020]

 

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