Space Opera d’animation – Legend of the Galactic Heroes (1988-1997)

Nous n’avons pas parlé d’animé depuis un certain temps, ce qui handicape assurément notre catégorie nouvellement formée intitulée Culture. Pour nous remettre dans le bain, je vous propose une série en rien de moins que 110 épisodes au nom tapageur de Legend of the Galactic Heroes (Ginga Eiyuu Densetsu dans la langue nippone). Avant que vous ne partiez face à la longueur de la série, je tiens à rappeler deux choses : premièrement, certaines critiques sur le net parlent d’un Game of Thrones dans l’espace ; deuxièmement, la série comporte un des plus gros castings de voix qu’on connaisse (300 !). Découvrons donc cette série de la fin des années 80. Pour ma part, je considère Legend of the Galactic Heroes comme étant une perle d’animation. Et je vais vous expliquer pourquoi.

 


Le tome 6. Comme vous le voyez, le pitch n’est pas toujours tendre.

 

Laissons tout de même un mot pour comprendre la genèse du projet. Le show est tiré d’une série de dix romans écrits entre 1982 et 1987 par Yoshiki Tanaka, et qui a eu suffisamment de succès au Japon pour qu’on envisage sur la durée près de 110 OAV. On compte aussi un film d’animation, My Conquest is the Sea of Stars (1988), sorti juste avant pour nous présenter les deux héros principaux, et un autre de 1993, Overture to a New War, pour raconter à nouveau les deux premiers épisodes avec tout un tas d’éléments qui n’ont pas eu le temps d’être développé dans le récit. Le deuxième film est particulièrement bien fait, et est une belle introduction à la série. Cette critique s’attardera sur la série en incluant les deux films. Allons-y.

I. Game of Thrones dans l’espace ?

 

Oui, la comparaison est un peu osée et pas forcément vérifiée. Il fallait bien que je vous force à continuer la lecture ! Plus sérieusement, le pitch est simplissime : dans une galaxie lointaine, très lointaine, deux régimes se font face. D’un côté, un Empire dynastique et autocratique, où le rang social est déterminé par la naissance. De l’autre côté, des rebelles qui ont fui le joug de l’Empire plusieurs siècles auparavant et fondé dans une autre partie de la galaxie une république démocratique. Entre les deux, pour des raisons manifestement physiques, deux corridors. Le premier est contrôlé par l’Empire, qui dispose d’une forteresse spatiale capable de vaporiser en deux temps trois mouvements une flotte adverse. Le second passe à Phezzan, une sorte de Venise galactique, indépendante, neutre, et vivant essentiellement du commerce. J’en connais qui ont lu du Aristote : le pitch passera son temps à nous mettre en plein dans la face les vertus et malheurs des systèmes autocratiques et démocratiques. Rien à voir avec la noirceur féodale d’un Game of Thrones donc.

 


Les batailles spatiales sont présentes, tactiques, mais aussi courantes que vous ne pouvez le penser.

 

L’Empire et la République se font donc la guerre, continuellement, au plus grand bénéfice des puissances neutres et surtout de Phezzan. Mais les populations commencent à être fatiguées d’envoyer par millions de jeunes gens pour qu’ils se fassent vaporiser dans l’espace. A ce niveau, la série ne nous épargne d’ailleurs rien : piliers qui écrasent des malheureux après une explosion incontrôlée, les haches des marines qui s’enfoncent dans les entrailles des vaisseaux et des forteresses pour réduire en pulpe les défenseurs, les attaques massives et kamikazes d’une secte terroriste, on nous en montre parfois beaucoup. Pourtant, le show n’est pas avare en dialogues rationnels, en démonstrations stratégiques, en descriptions précises d’événements et de faits décrites par la voix off, en démonstrations d’amitié ou d’amour entre les innombrables protagonistes. Mais l’histoire avance, comme le raconte la voix off, et les personnages principaux dérapent et glissent, engloutis dans la tourmente des événements. Certains n’en ressortent pas, et ce dès le premier épisode, entre émeutes, attaques, meurtres, et que sais-je.

 


Les personnages se rencontrent, pour le meilleur et pour le pire.

 

II. La grande galerie humaine

 

Le récit n’est pas que factuel. Les quelques 300 personnages qui composent l’oeuvre ont des choses à vous dire, et évoluent. Note remarquable dans un animé : la moyenne d’âge est élevée. Vous croiserez des trentenaires, des quarantenaires et bien plus encore, excepté la tête de blondinet qui sert de personnage principal à l’Empire. Parmi cette galerie impressionnante de personnages, l’histoire se concentre autour de deux figures. Un réformateur dans le camp de la république, du doux nom de Yang Wen-Li, et dont la photo est tout simplement la fameuse photo de profil que vous voyez depuis 2013 sur mes blogs et sites et vidéos. Idéaliste et talentueux, il s’évertue dans ses actions à se battre pour la démocratie, même quand celle-ci prend l’eau, s’écroule dans ses incohérences, ou le condamne sans raison valable autre que politique. De l’autre côté, non moins talentueux, un petit aristocrate entré dans l’armée pour se faire une place, et qui gravit les échelons un peu trop vite au goût de la dynastie régnante…

 


Un minuscule bout de la galerie de personnages, du côté de l’Empire et des Républicains (gauche et droite respectivement).

 

Le sang coule, les régimes sont renversés ou remplacés ou même détruits, l’unité de chacun des camps est absente et dans ce dédale, des rivalités, des amitiés ou même des personnages qui ne se rencontrent jamais entre eux et qui sont là pour nous embrouiller davantage l’esprit avec les noms anglo-saxons à la républicaine et ceux aux consonances germaniques pour l’Empire, coexistent. Le tout autour d’un dessin très particulier, parfois brouillonné mais qui monte en gamme au fil des épisodes, et qui pourra rebuter ceux habitués au graphisme générique des dernières années. Sans compter la musique classique qui bercera vos oreilles tout au long des épisodes, de Vivaldi à Ravel, du baroque à la musique plus contemporaine, le tout sur 110 épisodes.

 


Yang Wen-Li en pleine sieste. Malgré ses airs, il est un des personnages fictifs qui m’a le plus marqué par sa maturité, son caractère et ses réflexions sur la démocratie et la nature des conflits. C’est bien pour cela que je l’ai utilisé comme photo de profil.

 

Conclusion

 

Le show n’est pas exempt de défaut. Le récit ne prend de la hauteur qu’après une dizaine d’épisodes, et le milieu de la série est un peu longuet. Les nombreux personnages vous perdent parfois, tout comme le nombre d’événements pas toujours intéressants à raconter, et qui prennent pourtant du temps dans la série. Les personnages parlent aussi souvent beaucoup, et les caractères des uns et des autres n’évoluent que trop peu durant la série : chacun a son propre tempérament qui ne sera qu’à peine bousculé. On sait que les héros ont tous à peu près la trentaine, la quarantaine, voire pis, mais ne peuvent-ils pas évoluer dans le caractère ? Doivent-ils toujours être là où on les attend ?

 


La nouvelle série, prévue pour 2017-2018. Notons que nous n’avons pas parlé des adaptations manga et vidéoludiques, et d’une autre série en 52 épisodes, Gaiden, basée sur d’autres personnages en d’autres temps. Peut-être aurons-nous un de ces quatre l’occasion d’y revenir.

 

Sans ces défauts, pourtant, cette série est unique, originale, et remarquable dans son discours. Le monde qui y est décrit est bien plus que réaliste. Les démocraties qui se rigidifient ou perdent en cohérence et légitimité, le problème du terrorisme, la guerre, qui ne se fait pas en dentelles mais tue et répand le sang malgré les atours spatiaux, l’émotion qui ressort de certaines scènes marquantes, la structures hiérarchique parfois rigide, et la rapidité d’un retournement de situation qu’on n’attendait pas et qui nous marque vraiment, c’est à cela je pense qu’on reconnait un bon animé, qui mériterait d’être mieux connu, et qui nous offre une maturité et des problèmes politiques qu’on n’attendait pas forcément au vu du titre… Comme quoi ! On attend pour les prochaines années une nouvelle série reprenant les événements principaux, et nous verrons bien dans quelle direction on nous emmènera, en espérant éviter la simplification à outrance qui serait dommageable pour cette oeuvre magistrale de l’animation japonaise…

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